Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Alecto a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er août 2011 au 31 juillet 2014 et des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1801659 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 décembre 2019 et 17 mars 2021 la SA Alecto, représentée par Me Dahmoun, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant des créances détenues auprès de la société UAT, l'administration ne peut pas exiger la production de factures rectificatives, dès lors que la société UAT n'existe plus ; la clôture de la liquidation judiciaire de la société UAT est en effet intervenue le 17 décembre 2012 ; l'article 272 du code général des impôts ne fixe aucun délai pour produire la facture rectificative ; elle a justifié de la nature et de l'origine de ces créances ;
- s'agissant des créances détenues auprès de la société CMC ACTUA, la problématique est identique ; cette société a été déclarée fermée au répertoire SIRENE au 31 décembre 1999 ; la cessation d'activité de cette société a été publiée au greffe du tribunal de commerce de Créteil par une annonce du 24 février 2000 ; cette société doit être regardée comme ayant disparu sans laisser d'adresse ; elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle Hamelin (AN 13 décembre 2005, p. 11540 n° 74851) ;
- elle a produit en cours d'instance les états récapitulatifs valant factures rectificatives ;
- dès lors que la société UAT a disparu définitivement après la clôture de la liquidation judiciaire, aucun envoi de facture rectificative n'était nécessaire.
Par des mémoires en défense enregistrés les 18 juin 2020 et 2 avril 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SA Alecto ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ces impositions n'ayant pas été contestées dans la réclamation préalable du 31 août 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Brasnu,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SA Alecto exerce à Ormes une activité de commerce de gros. A l'issue d'une vérification de comptabilité, elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er août 2011 au 31 juillet 2014 et à des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Après mise en recouvrement puis rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions. Par un jugement du 15 octobre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. La société Alecto relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés :
2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration. ".
3. Il résulte de l'instruction que la société Alecto n'a, dans la réclamation qu'elle a adressée le 31 août 2017 à l'administration fiscale et qui a été reçue par celle-ci le 6 septembre suivant, pas demandé la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices vérifiés. Par suite, les conclusions présentées en ce sens devant la cour sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période correspondant à l'exercice clos le 31 juillet 2012 :
4. Aux termes de l'article 272 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. / Toutefois, l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire. / L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que, lorsque la créance correspondant à une vente ou à des services est devenue définitivement irrécouvrable du fait de la mise en liquidation judiciaire du débiteur, l'imputation ou la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de cette vente ou de ces services est subordonnée à l'obligation de justifier de la rectification préalable de la facture initiale.
En ce qui concerne les créances détenues sur la société Usine à tapis (UAT) :
6. La société UAT a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée qui a été ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Melun du 20 juin 2011 et a été clôturée par un jugement du 17 décembre 2012. La société Alecto a récupéré, au cours de l'exercice clos le 31 juillet 2012, la taxe sur la valeur ajoutée collectée à raison des factures impayées de son client, la société UAT, pour un montant de 133 122 euros. Ainsi, l'imputation de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures demeurées impayées a été réalisée avant la clôture de la liquidation de la société UAT. Si une telle imputation était en principe possible, en vertu du deuxième alinéa du 1 de l'article 272 du code général des impôts, cette imputation ne pouvait être effectuée qu'après l'envoi préalable de factures rectificatives. Il est constant en l'espèce qu'un tel envoi n'a pas été réalisé par la société requérante.
7. A supposer que la société ait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du rescrit référencé RES N°2005/70 (TCA) du 6 septembre 2005, repris dans l'instruction administrative référencée BOI-TVA-DED-40-10-20-20170405, ce rescrit précise seulement que l'imputation est possible dès l'ouverture de la procédure de liquidation et ne dispense pas de l'envoi de factures rectificatives. Il ne comporte ainsi pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application.
8. Enfin, si la société Alecto a finalement produit, devant la cour, les états récapitulatifs valant factures rectificatives, datés de 2021 et adressées à la société UAT, cet envoi ne saurait permettre de régulariser, a posteriori, l'imputation de la taxe effectuée au cours de l'exercice clos le 31 juillet 2012, c'est-à-dire à une période où aucune facture rectificative préalable n'avait été établie. De même, si la société Alecto fait valoir qu'il résulte de réponse ministérielle Hamelin (AN 13 décembre 2005, p. 11540 n° 74851) que l'envoi de factures rectificatives n'est pas requis lorsque la clôture de la liquidation judiciaire a été prononcée, un tel argument est sans incidence dans le présent litige dès lors que l'imputation a été effectué par la société Alecto avant la clôture de la liquidation judiciaire.
En ce qui concerne les créances détenues sur la société Créteil Mobilier Distribution (CMC-ACTUA) :
9. Il ressort de la proposition de rectification que le vérificateur a remis en cause la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures impayées par la société CMC-ACTUA en raison, d'une part, de l'absence d'envoi de factures rectificatives et, d'autre part, du fait que la société Alecto n'avait pas justifié du caractère définitivement irrécouvrable de sa créance.
10. Le fait que la société CMC-ATUA a été déclarée fermée au répertoire SIRENE au 31 décembre 1999 et que la cessation d'activité a fait l'objet d'une publication au BODACC le 24 février 2000 ne saurait suffire à démontrer le caractère définitivement irrécouvrable de la créance. La preuve du caractère irrécouvrable ne peut en effet résulter que du constat de l'échec des poursuites intentées par un créancier contre son débiteur. De même, le fait que le courrier contenant l'état récapitulatif des factures impayées soit revenu avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse " ne saurait être regardé comme une preuve du caractère irrécouvrable de la créance. La société Alecto n'apporte ainsi aucun élément permettant d'établir le caractère définitivement irrécouvrable de la créance qu'elle détenait sur la société CMC-ACTUA, laquelle au demeurant était sa sous-filiale par l'intermédiaire de la société UAT mentionnée plus haut. Ce motif est, à lui-seul, de nature à justifier la rectification en litige.
Sur les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à l'exercice clos le 31 juillet 2014 :
11. La société Alecto n'a soulevé et ne soulève en appel aucun moyen à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants à l'exercice clos le 31 juillet 2014. Par suite, ses conclusions tendant à la décharge de ces rappels ne peuvent qu'être rejetées.
12. Il résulte de ce qui précède que la société Alecto n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SA Alecto est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Alecto et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.
Le rapporteur
H. BrasnuLa présidente
I. Perrot
La greffière
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT048563