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07/01/2022 | FRANCE | N°19NT04677

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 janvier 2022, 19NT04677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... I... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2010 à 2013 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement n° 1701446 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer en ce qui concerne les cotisations suppléme

ntaires d'impôt sur le revenu des années 2010 et 2013 et les cotisations supplémentai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... I... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2010 à 2013 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement n° 1701446 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 2010 et 2013 et les cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de l'année 2013 (article 1er), a prononcé un non-lieu à statuer en ce qui concerne les cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 à concurrence, en droits et pénalités, des sommes respectives de 6 156 euros et 6 844 euros (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2019 M. et Mme A... I..., représentés par Me Kihl, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions demeurant à leur charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- l'indemnité de départ que la société d'économie mixte (SEM) Senog a versée à M. A... I... n'est pas constitutive d'un avantage occulte, son versement étant justifié et lui-même étant clairement désigné comme le bénéficiaire de son versement dans la comptabilité de la société ; l'administration ne démontre pas l'existence d'une libéralité ; l'indemnité de cessation de fonctions doit être exonérée d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ;

- la somme de 6 302,04 euros constitue un remboursement partiel d'une avance en compte courant d'associé réalisée au profit de la société " Les Jardins de Balate ", et non un versement d'intérêts ; cette somme ne pouvait donc être taxée en tant que revenu de capitaux mobiliers ;

- les impositions découlant de la reconstitution de recettes opérée par le service en ce qui concerne l'activité de Mme A... I... présentent un caractère exagéré ;

- le crédit bancaire de 30 000 euros qualifié de revenu d'origine indéterminé correspond au remboursement d'un prêt par M. F... J... ;

- le crédit bancaire de 875 euros du 9 février 2011 correspond à un remboursement intervenu à la suite de l'encaissement d'un loyer par M. H... en leur lieu et place en raison de leur absence de Guyane ;

- les sommes provenant de M. B... correspondent à des prêts octroyés par celui-ci à M. A... I... en raison de leurs liens d'amitié ;

- la somme de 1 049,20 euros en date du 25 août 2011 correspond à un " crédit de la société Leroy-Merlin " ;

- les crédits portés sur les comptes de Mme D... G... correspondent à des virements provenant de sa sœur Mme E... G... ;

- l'application de la majoration pour manquement délibéré à l'imposition de l'indemnité pour cessation de fonction n'est pas fondée ;

- la majoration de 80 % pour activité occulte n'est pas fondée dès lors que l'activité exercée par Mme A... I... avait été portée à la connaissance de l'administration pour la période du 1er janvier 2011 au 31 août 2012 ; ils sont fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du point n° 50 de l'instruction administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-10 du 30 mai 2014.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2020 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... I... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Brasnu,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... I... ont fait l'objet, au cours de l'année 2014, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 et 2012. Parallèlement l'administration a procédé à un contrôle sur pièces des déclarations de revenus qu'ils avaient déposées au titre des années 2010 et 2013 et à des vérifications de la comptabilité de la société d'économie mixte Senog, au sein de laquelle M. A... I... avait exercé jusqu'en 2010 les fonctions de directeur, et de la SARL GLN Conseils. Mme A... I..., qui avait déclaré avoir cessé, au 31 août 2012, l'activité individuelle d'achat-revente de produits de la marque Frédéric M. C..., qu'elle exerçait depuis 2010, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. A l'issue de ces contrôles, l'administration a adressé aux requérants plusieurs propositions de rectifications les informant, notamment, de la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office en ce qui concerne des revenus d'origine indéterminée et l'évaluation des bénéfices industriels et commerciaux de Mme A... I.... La procédure contradictoire a été mise en œuvre pour les autres chefs de rectification. Après mise en recouvrement des impositions supplémentaires découlant de ce contrôle, et rejet des réclamations présentées par M. et Mme A... I..., ces derniers ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2010 à 2013 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2011 à 2013. Par un jugement n° 1701446 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer en raison de dégrèvements intervenus en cours d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. et Mme A... I... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur requête.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

3. En l'espèce, l'administration fiscale soutient, sans être contredite sur ce point, que, dans leur réponse à la proposition de rectification du 11 décembre 2014 relative à l'examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2011 et 2012, seules années d'imposition encore en litige, M. et Mme A... I... n'ont sollicité la communication d'aucun document sur le fondement des dispositions de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales. La circonstance que l'administration aurait, lors de la procédure différente de contrôle sur pièces de leurs déclarations qui a concerné les années distinctes 2010 et 2013 et a généré des impositions supplémentaires qui ne sont plus en litige, méconnu ces mêmes dispositions est, à cet égard, sans incidence. Par suite, le moyen tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :

4. En vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués:/ (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

5. M. A... I... a perçu, de mai 2009 à juin 2014, une " indemnité de cessation de fonction " d'un montant global de 872 722,53 euros, comptabilisée en charge par la société SEM SENOG le 12 mai 2010. Au cours des années 2011 et 2012, M. A... I... a perçu à ce titre des virements mensuels de 10 000 euros, soit la somme de 120 000 sur chacune des deux années. L'administration, estimant que ces versements constituaient un avantage occulte, a imposé ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.

6. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. En revanche, elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale. Elle s'impose au juge de l'impôt, dans ces conditions, que soient en cause le bien-fondé de l'impôt ou la procédure d'imposition.

7. Par un arrêt du 20 décembre 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi (n° 16-83617) à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne du 4 mai 2016 ayant condamné M. A... I..., pour abus de biens sociaux, faux et usage de faux, à deux ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende, a cassé et annulé cet arrêt uniquement en ses dispositions relatives aux peines prononcées et a maintenu toutes ses autres dispositions. A cette occasion, la Cour de cassation a rappelé l'ensemble des faits ayant permis au juge d'appel et, avant lui, au tribunal correctionnel de Cayenne de déclarer M. A... I... coupable d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux.

8. Le juge judiciaire a ainsi, par des décisions revêtues de l'autorité de chose jugée, constaté que M. A... I... s'était fait remettre, par la société d'économie mixte SENOG, dont il était le dirigeant, une prime de cessation de fonctions d'un montant de 887 000 euros qui n'était pas prévue par son contrat de travail et équivalait à trois années de sa rémunération brute. Il a également relevé que la société SENOG n'avait aucun intérêt au versement de cette somme et que M. A... I... avait en outre cherché à dissimuler la nature de cette prime auprès du conseil d'administration de la société et également auprès de la préfecture en établissant un faux procès-verbal. Ces faits s'imposent au juge de l'impôt et leur existence ne peut donc être utilement discutée dans le cadre de la présente instance.

9. Au regard de ces constatations, l'administration fiscale apporte la preuve que l'indemnité en litige doit être regardée comme une libéralité et que, par conséquent, l'inscription en comptabilité de cette indemnité par la SEM Senog ne révèle pas la véritable nature de la somme versée à M. A... I.... Dès lors, l'administration démontre le caractère occulte de cette distribution. C'est ainsi à bon droit que le service a appliqué le c) de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne les autres redressements :

10. En premier lieu, les moyens tirés de ce que la somme de 6 302,04 euros ne constitue pas un revenu d'origine indéterminée et le moyen tiré de ce que la reconstitution des bénéfices de l'activité de Mme A... I... présente un caractère exagéré, que M. et Mme A... I... reprennent en appel sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

11. En second lieu, M. et Mme A... I... contestent une partie des revenus qui ont été regardés par le service comme étant d'origine indéterminée. Cependant, s'ils font valoir que les versements dont ils ont bénéficié proviennent soit de remboursements de prêts, soit de reversements de loyers qui leurs étaient dus, soit de prêts accordés à des amis, soit de crédits auprès de la société Leroy Merlin, soit de virements entre membres de la même famille, ils ne produisent, pas plus en appel qu'en première instance, d'élément au soutien de ces allégations. La charge de la preuve reposant en la matière sur M. et Mme A... I... en vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, leur contestation ne peut qu'être écarté, par les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus à juste titre par les juges de première instance.

Sur les pénalités :

12. En premier lieu, s'agissant de la majoration de 40% pour manquement délibéré appliquée sur l'indemnité de cessation de fonction imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration fait valoir que M. A... I..., qui a dissimulé l'octroi de cette " indemnité " au contrôle de légalité, ne pouvait de bonne foi ignorer le fait que la somme perçue constituait en réalité une libéralité. La mauvaise foi de M. A... I... a d'ailleurs été également constatée par le juge pénal, ainsi qu'il a été rappelé au point 4. L'administration fiscale apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré du manquement.

13. En second lieu, le moyen tiré de ce que la majoration prévue au c) de l'article 1728 du code général des impôts, appliquée sur les bénéfices industriels et commerciaux réalisés au titre de l'année 2012 par Mme A... I..., n'est pas justifiée et le moyen tiré de la méconnaissance de l'interprétation administrative de la loi fiscale relative à cette pénalité, moyens que M. et Mme A... I... reprennent en appel sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... I... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par conséquent, leur requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... I... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... I... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.

Le rapporteur

H. BrasnuLa présidente

I. PerrotLa greffière

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT046775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04677
Date de la décision : 07/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL KIHL DRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-07;19nt04677 ?
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