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21/12/2021 | FRANCE | N°21NT02094

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 décembre 2021, 21NT02094


Vu la procédure suivante ;

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La cour administrative d'appel de Nantes

(6ème chambre)

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 9 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant leurs transferts aux autorités polonaises.

Par un jugement n° 2013167, 2013168 du 13 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a, après les avoir jointes et consta

té un non-lieu à statuer sur les demandes d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire, rejeté leurs dem...

Vu la procédure suivante ;

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La cour administrative d'appel de Nantes

(6ème chambre)

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 9 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant leurs transferts aux autorités polonaises.

Par un jugement n° 2013167, 2013168 du 13 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a, après les avoir jointes et constaté un non-lieu à statuer sur les demandes d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire, rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2021 sous le n°21NT02094, Mme D..., représentée par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de transfert du 9 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas reçu, dès son passage au centre de pré-accueil des demandeurs d'asile, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas établi que l'entretien individuel se soit déroulé dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement n° 604/2013 par une personne qualifiée ;

- la décision méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que sa demande d'asile est en lien avec celle du frère de M. C... qui a été reconnu réfugié en France, que sa famille a des liens familiaux en France, que les membres de sa famille et elle-même souffrent de problèmes de santé et qu'elle est enceinte.

Par un mémoire, enregistré le 8 novembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2021.

II. Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2021 sous le n°21NT02097, M. C..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de transfert du 9 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas reçu, dès son passage au centre de pré-accueil des demandeurs d'asile, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas établi que l'entretien individuel se soit déroulé dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement n° 604/2013 par une personne qualifiée ;

- la décision méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que sa demande d'asile est en lien avec celle de son frère qui a été reconnu réfugié en France, que sa famille a des liens familiaux en France, que les membres de sa famille et lui-même souffrent de problèmes de santé et que son épouse est enceinte.

Par un mémoire, enregistré le 8 novembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme D..., ressortissants russes, sont entrés en France le 20 octobre 2020 accompagnés de leurs quatre enfants mineurs nés en 2006, 2009, 2010 et 2016. Ils se sont présentés le 2 novembre 2020 à la préfecture de Loire-Atlantique afin de déposer une demande d'asile. La consultation du système Eurodac a révélé qu'ils avaient préalablement demandé l'asile en Pologne. Consécutivement à leur saisine le 3 novembre 2020, les autorités polonaises ont accepté de reprendre en charge les intéressés par une décision du 9 novembre 2020. Par des arrêtés du 9 décembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. C... et de Mme D... aux autorités polonaises. Les intéressés ont sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces arrêtés. Ils relèvent appel du jugement du 13 janvier 2021 par lequel les magistrats désignés par le président du tribunal administratif de Nantes ont rejeté leurs demandes.

2. Les requêtes de M. C... et de Mme D... sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. En premier lieu, les requérants se bornent à reprendre en appel, sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs, retenus à bon droit par le premier juge qui y a suffisamment et justement répondu.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ". Il ressort des pièces versées au dossier, en particulier des résumés des entretiens individuels produits en première instance, que les requérants, qui ont reçu l'assistance d'un interprète, ont eu la possibilité, lors des échanges, de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. Aucun élément du dossier n'établit que ces entretiens, conduits par un agent de la préfecture qui doit être regardé comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour l'entretien prévu à cet article, n'auraient pas été menés par une personne qualifiée. Enfin, aucune disposition n'impose la mention sur le compte-rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien et qui les a d'ailleurs signés en apposant ses initiales. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. Si les requérants font état de liens familiaux en France en raison de la présence du frère de M. C... et du fait qu'il a obtenu la qualité de réfugié en France, ils n'établissent pas davantage en appel qu'en première instance l'intensité des relations nouées avec celui-ci qui réside en France depuis le mois de février 2018. Par ailleurs, il n'est produit aucun document étayant les problèmes de santé allégués de l'un des enfants du couple et de M. C.... Enfin, les certificats et documents médicaux produits concernant Mme D... sont insuffisants pour établir que son état de santé et son état de grossesse font obstacle à son transfert en Pologne ou qu'elle ne pourrait recevoir des soins appropriés à son état dans ce pays. Dans ces conditions, et alors que les autorités polonaises ont accepté la reprise en charge des intéressés sur le fondement du b de l'article 18 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, soit dans le cas prévu lorsque les demandes d'asile sont en cours d'examen, en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de leurs demandes d'asile et en prononçant leurs transferts, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes, en toutes leurs conclusions y compris celles relatives aux frais liés au litige, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. C... et de Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et de Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2021.

La rapporteure, Le président,

F. MALINGUE O. COIFFET

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 21NT02094, 21NT020974

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02094
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-21;21nt02094 ?
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