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21/12/2021 | FRANCE | N°21NT02053

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 décembre 2021, 21NT02053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 18 février 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2102184 du 16 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2021, M. A..., repré

senté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 18 février 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2102184 du 16 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée en l'absence de mention de saisine des autorités anglaises ;

- la décision de transfert est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas reçu, dès son passage au centre de pré-accueil des demandeurs d'asile, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas établi que l'entretien individuel se soit déroulé dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement n° 604/2013 par une personne qualifiée ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle mentionne à tort qu'il a irrégulièrement franchi les frontières anglaises ;

- la décision de transfert méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il a quitté C... en février 2019 avec sa compagne, son enfant et sa mère qui sont restés en Guinée, qu'il est entré en Europe par l'Italie où il est arrivé au début du mois de novembre 2020 et où il est resté environ deux semaines pendant lesquelles il n'a pas bénéficié de prise en charge hormis pour se nourrir et qu'il risque d'être renvoyé par ricochet au Sierra Léone ;

- la décision d'assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert.

Par un mémoire, enregistré le 17 septembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à l'arrêté de transfert et au rejet du surplus des conclusions.

Il soutient que :

- l'Italie est désormais libérée de son obligation de prise en charge ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sierra léonais né le 25 décembre 1985, est entré en France le 3 décembre 2020 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été enregistrée le 8 décembre 2020 par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du système Eurodac a révélé qu'il avait irrégulièrement franchi la frontière italienne dans la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande d'asile. Consécutivement à leur saisine le 16 décembre 2020, les autorités italiennes ont implicitement accepté de prendre en charge l'intéressé. Par deux arrêtés du 18 février 2021, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. A... aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement du 16 mars 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur l'arrêté de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de M. A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 16 mars 2021 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt et la France est devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604/2013 rappelées ci-dessus. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre cet arrêté sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

5. L'arrêté portant assignation à résidence de M. A... ayant reçu exécution, les conclusions tendant à son annulation conservent leur objet et il y a dès lors lieu d'y statuer.

6. En premier lieu, la décision de transfert mentionne que les empreintes digitales de M. A... ont été enregistrées dans le fichier Eurodac en Italie le 12 novembre 2020 sous le numéro IT 2 AG055MQ et que les autorités italiennes ont été saisies le 16 décembre 2020 d'une requête aux fins de prise en charge puis informées, après accord implicite, par message du 18 février 2020. Par suite, si le préfet a mentionné à tort dans la décision de transfert que l'intéressé a franchi irrégulièrement la frontière anglaise dans la période précédant les 12 mois du dépôt de sa première demande d'asile dès lors qu'il s'agissait de la frontière italienne, cette erreur constitue une simple erreur de plume qui est sans incidence sur la légalité de l'arrêté de transfert. Par suite, doivent être écartés le moyen tiré de l'erreur de fait ainsi que celui de l'insuffisante motivation de cet arrêté.

7. En deuxième lieu, le requérant se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs, retenus à bon droit par le premier juge qui y a suffisamment et justement répondu.

8. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ". Il ressort du résumé de l'entretien individuel produit en première instance, que le requérant, qui a reçu l'assistance d'un interprète, a eu la possibilité, lors des échanges, de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. Aucun élément du dossier n'établit que cet entretien, conduit par un agent de la préfecture qui doit être regardé comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour l'entretien prévu à cet article, n'aurait pas été menés par une personne qualifiée. Enfin, aucune disposition n'impose la mention sur le compte-rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien et qui l'a d'ailleurs signé en apposant ses initiales. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

10. En se bornant à faire état du conflit familial privé l'ayant conduit à quitter, avec sa compagne et son enfant, C... et de ce qu'il est resté deux semaines en Italie en ne bénéficiant que de la seule prise en charge de repas ainsi que, de manière très générale, d'un risque de renvoi par ricochet, M. A... ne fait état d'aucune vulnérabilité particulière justifiant de la nécessité d'examiner sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de leurs demandes d'asile et en prononçant son transfert aux autorités italiennes, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

11. M. A... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence. L'intéressé ne soulevant aucun moyen tiré des vices propres de l'arrêté portant assignant à résidence, ses conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2021 du préfet de Maine-et-Loire portant assignation à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. A..., le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice du conseil du requérant.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête aux fins d'annulation en tant qu'elles se rapportent à l'arrêté de transfert.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2021.

La rapporteure, Le président,

F. MALINGUE O. COIFFET

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT020537

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02053
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-21;21nt02053 ?
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