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21/12/2021 | FRANCE | N°21NT00310

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 décembre 2021, 21NT00310


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 20 novembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leurs transferts aux autorités allemandes, responsables de l'examen de leurs demandes d'asile.

Par un jugement nos 2012494, 2012495 du 11 janvier 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2021, M. et Mme D

..., représentés par Me Perrot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 20 novembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leurs transferts aux autorités allemandes, responsables de l'examen de leurs demandes d'asile.

Par un jugement nos 2012494, 2012495 du 11 janvier 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Perrot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 janvier 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 20 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de leur délivrer une attestation de demandeurs d'asile en procédure normale dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de leur situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- elles révèlent un défaut d'examen de leur situation particulière ;

- elles sont entachées d'une erreur de fait ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit tirée de la méconnaissance des articles 7 et 12 du règlement du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 21 du même règlement ;

- il a également entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 de ce règlement ;

- les décisions contestées sont contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.

Par des mémoires, enregistrés les 16 mars et 26 juillet 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il précise que M. et Mme D... doivent être regardés comme étant en fuite et soutient que les moyens soulevés par les intéressés ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants azerbaïdjanais, relèvent appel du jugement du 11 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 20 novembre 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leurs transferts aux autorités allemandes, responsables de l'examen de leurs demandes d'asile.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens tirés de ce que les décisions contestées seraient insuffisamment motivées et révèleraient un défaut d'examen de leur situation personnelle et familiale, que M. et Mme D... réitèrent en appel, sans apporter de précisions nouvelles.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce règlement : " (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...). / 4. Si le demandeur est seulement titulaire (...) d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres (...) ". Il résulte clairement des dispositions précitées de l'article 7 du règlement du 26 juin 2013 que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... se sont vus délivrer le 15 février 2017 par les autorités consulaires hongroises situées à Bakou un visa de court séjour valable du 3 au 9 mars 2017. Les intéressés, qui ont indiqué avoir quitté leur pays d'origine le 6 mars 2017, ont ainsi pu entrer en Hongrie munis de ces documents. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. et Mme D... ont déposé des demandes d'asile en Allemagne le 9 mars 2017. Si les requérants soutiennent que leurs visas n'étaient pas périmés depuis plus de six mois à la date à laquelle ils ont sollicité la protection internationale en Allemagne, cette circonstance est sans incidence sur la légalité des décisions contestées dès lors qu'il est constant qu'ils ont séjourné dans ce pays plus de trois ans avant de rejoindre la France le 9 septembre 2020 et qu'à cette date leurs visas étaient expirés depuis longtemps. En application des dispositions précitées du paragraphe 4 de l'article 12 du règlement du 26 juin 2013, seule l'Allemagne, qui a accepté expressément de les reprendre en charge le 16 octobre 2020, est l'Etat membre responsable de l'examen de leurs demandes d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché ses décisions d'une erreur de fait en ne prenant pas en compte le fait qu'ils possédaient des visas et en ne saisissant pas les autorités hongroises d'une demande de prise en charge, ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, la circonstance que le préfet aurait indiquée par erreur que M D... n'avait pas consulté de médecin depuis son arrivée sur le territoire français, ne permet pas d'établir que cette autorité aurait entaché ses décisions d'une erreur de fait, alors qu'au demeurant il ne ressort pas des éléments du dossier que le requérant avait informé les services préfectoraux de ses deux rendez-vous auprès du service de médecine généraliste du CHU de Nantes les 18 et 23 novembre 2020.

5. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 4, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions des articles 7 et 12 du règlement du 26 juin 2013 et entaché ses décisions d'une erreur de droit.

6. En quatrième lieu, aux termes du 1 de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 susvisé : " L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que les empreintes de M. et Mme D... ont été relevées le 9 octobre 2020 à la préfecture de la Loire-Atlantique lors du dépôt de leurs demandes d'asile et que le préfet de Maine-et-Loire a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge des intéressés le 13 octobre 2020, celles-ci ayant donné leur accord le 16 octobre 2020. Dans ces conditions, et eu égard à ce qui a été dit au point 4, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

9. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

11. M. et Mme D... indiquent que leurs demandes d'asile déposées en 2017 en Allemagne ont été rejetées, ce que confirme l'accord des autorités allemandes fondées sur le d) de l'article 18 §1. S'ils évoquent les risquent qu'ils entoureraient en cas de retour dans leur pays d'origine, où sévit notamment dans la région du Haut Karabach une situation conflictuelle, ils ne soutiennent pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire allemand. En outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'ils ne seraient pas en mesure de faire valoir en Allemagne tout élément nouveau concernant leurs demandes d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

13. Si M. D... indique conserver des séquelles des traumatismes crâniens qu'il a subis en Azerbaïdjan, il se borne à produire les convocations à trois rendez-vous médicaux à la permanence d'accès aux soins de santé du centre hospitalier universitaire de Nantes les 18 et 23 novembre 2020 et le 4 janvier 2021. Son épouse, pour sa part, a indiqué lors de son entretien individuel qu'elle ne présentait pas de problème de santé mais qu'elle souhaitait seulement bénéficier d'une consultation gynécologique. Dans ces conditions, les requérants n'établissent pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de leurs demandes d'asile et en prononçant leur transfert aux autorités allemandes, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.

14. M. et Mme D... sont entrés en France accompagnés de leur jeune enfant né le 10 septembre 2012. Ils soutiennent qu'il est scolarisé en France et que leur départ lui occasionnerait un stress important. Il n'est cependant pas contesté qu'en cas de transfert en Allemagne des intéressés, leur enfant mineur suivrait ses parents. De plus, il est constant qu'il a vécu trois années dans ce pays avant d'entrer en France. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur le surplus des conclusions :

16. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. et Mme D... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de leurs conclusions principales.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 21NT00310


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00310
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-21;21nt00310 ?
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