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17/12/2021 | FRANCE | N°21NT00952

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 décembre 2021, 21NT00952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 26 février 2021 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et, d'autre part, l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence dans le département du Calvados

pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100462 du 8 mars 2021, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 26 février 2021 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et, d'autre part, l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100462 du 8 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2021, M. B..., représenté par Me Balouka, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 mars 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Calvados du 26 février 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les arrêtés contestés méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 4° et du 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mai 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun de moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant turc né le 10 novembre 1978, est entré régulièrement en France le 8 avril 1999 et a obtenu le même jour un titre de séjour valable un an. Il s'est vu délivrer, le 7 avril 2000, une carte de résident d'une durée de dix ans, qui a été renouvelée le

9 mars 2010 pour la même durée. Par un arrêté du 26 février 2021, le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un arrêté du même jour, le préfet l'a également assigné à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 8 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. M. B..., célibataire, est entré en France à l'âge de vingt ans. Il a bénéficié de titres de séjour valables pour une durée cumulée de vingt-et-un ans et a exercé sur le territoire national la profession de maçon. Il ressort cependant du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé que ce dernier a fait l'objet, entre 2004 et 2020, pour seize infractions pénales, de condamnations à des peines d'emprisonnement d'une durée cumulée de plus de cinq ans, ainsi qu'à des amendes. Il s'est ainsi rendu coupable, plusieurs fois en récidive, de faits de violence aggravée, de transport et de détention non autorisée de stupéfiants, de transport prohibé d'arme, de refus d'obtempérer dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, de violence avec usage ou menace d'une arme. Compte tenu de la gravité et du grand nombre de ces infractions, réitérées sur une très longue période, l'administration n'a commis aucune erreur d'appréciation en regardant la présence de M. B... sur le territoire français comme représentant une menace pour l'ordre public. Par suite, et en dépit du fait que l'intéressé a bénéficié en France à deux reprises de cartes de résident d'une durée de dix ans et y est inséré professionnellement, les arrêtés contestés n'ont pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel ils ont été pris. Ils n'ont donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ". Par ailleurs, l'article R. 311-2 du même code alors en vigueur prévoyait que la demande de renouvellement d'un titre de séjour doit, à l'exception de titres au nombre desquels ne compte pas la carte de résident dont le requérant était titulaire, être formée " dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour ".

5. Le requérant reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français à son encontre méconnaît les dispositions précitées du 4° et du 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

6. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écartée pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 ci-dessus.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (..) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; 5° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'obligation de quitter le territoire français contestée, le requérant ne résidait plus régulièrement en France. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, dès lors, qu'être écarté.

9. En cinquième lieu, le requérant reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce que la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

10. En sixième lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 ci-dessus.

11. En septième lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré, par voie d'exception, de cette illégalité, soulevé contre la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté.

12. En huitième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

13. Si M. B... avait vécu une vingtaine d'année en France et n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, sa présence sur le territoire national représente toutefois une menace pour l'ordre public, comme il a été dit au point 3. Par suite, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur ce territoire d'une durée de trois ans, qui est en proportion avec l'importance de cette menace, le préfet du Calvados n'a commis aucune erreur d'appréciation.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ". Il n'est ni établi, ni même allégué que l'éloignement du requérant ne serait pas une perspective raisonnable. Il ne ressort pas, de plus, des pièces du dossier que l'assignation à résidence de ce dernier, qui ne fait état d'aucune contrainte particulière, ne serait justifiée par la nécessité d'assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Par suite, la décision d'assignation à résidence prise à l'encontre de M. B... n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président de chambre

- M. L'Hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

Le rapporteur

X. CatrouxLe président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21NT00952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00952
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET SARAH BALOUKA - AARPI CONCORDANCE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-17;21nt00952 ?
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