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07/12/2021 | FRANCE | N°21NT01044

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 07 décembre 2021, 21NT01044


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 10 mars 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2102920 du 18 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2021, M. A..., représenté par Me R

oulleau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) de mett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 10 mars 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2102920 du 18 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2021, M. A..., représenté par Me Roulleau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il a dû fuir en urgence son pays, que l'Italie est dans l'incapacité de le prendre en charge dans des conditions décentes en raison de dysfonctionnements systémiques et qu'il est vulnérable en raison de son état de santé ;

- l'arrêté de transfert méconnaît l'article 3-2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en raison des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile que connaît l'Italie ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est illégal en l'absence de perspective raisonnable d'exécution ;

- l'obligation de pointage n'est pas justifiée au regard de son état de santé et du fait qu'il n'a aucune raison de quitter la France.

Par des mémoires, enregistrés les 14 juin 2021 et 28 juin 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- le délai de transfert est reporté au 18 septembre 2022 compte tenu de la fuite de M. A....

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 22 novembre 1993, est entré en France le 20 janvier 2021 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été enregistrée le 1er février 2021 par les services de la préfecture de Maine-et-Loire. La consultation du système Eurodac a révélé que l'intéressé avait déposé une première demande de protection internationale en Italie. Consécutivement à leur saisine le 5 février, les autorités italiennes ont explicitement donné leur accord à la reprise en charge de l'intéressé le 17 février 2021. Par deux arrêtés du 10 mars 2021, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. A... aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

4. M. A... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations, datant de plusieurs années pour certains d'entre eux, ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de transfert méconnaît l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit en principe qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre et que cet État est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en œuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Cette faculté laissée à chaque État membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. Si M. A... se prévaut d'une situation de vulnérabilité en raison de sa situation médicale, il ne donne aucune précision sur la nature des pathologies dont il souffre et ne produit, pas plus en appel que devant le premier juge, aucun document justifiant de problèmes de santé. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". Il n'est pas établi qu'à la date à laquelle a été adopté l'arrêté de transfert, le transfert du requérant en Italie ne demeurait pas une perspective raisonnable au sens de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

8. En second lieu, l'arrêté assignant M. A... à résidence lui impose de se présenter tous les mardis sauf jours fériés à 8h00 au commissariat de police d'Angers. La circonstance qu'il ne souhaite pas quitter la France n'est pas de nature à établir que cette obligation de présentation soit disproportionnée. Par ailleurs, à supposer que le requérant doive être regardé comme invoquant son incapacité à déférer à cette obligation en raison de son état de santé, il ne précise ni ne justifie, ainsi qu'il a été dit plus haut, des difficultés de santé dont il se prévaut. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est disproportionné.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2021.

La rapporteure, Le président,

F. MALINGUE O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT010445

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01044
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : ROULLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-07;21nt01044 ?
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