Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Rennes, à titre principal, l'annulation de la décision du 17 octobre 2016 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie au titre de deux infirmités en raison de leur aggravation et, à titre subsidiaire, qu'une expertise soit diligentée.
Par un jugement n°18/00014 du 13 mars 2018, le tribunal des pensions militaires de Rennes a rejeté sa demande.
M. A... a relevé appel de cette décision, par une demande et un mémoire enregistrés les 27 avril 2018 et 7 novembre 2018 au greffe de la cour régionale des pensions militaires de Rennes, en sollicitant qu'une expertise médicale soit diligentée.
Par des mémoires, enregistrés les 18 octobre 2018 et 15 février 2019, au greffe de la cour régionale des pensions militaires, la ministre des armées conclut au rejet de la demande de M. A....
Par un arrêt avant-dire droit du 14 juin 2019, la cour régionale des pensions militaires près la Cour d'appel de Rennes a ordonné une expertise médicale.
En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête déposée par M. A... a été transmise par la cour régionale des pensions militaires près la Cour d'appel de Rennes à la cour administrative d'appel de Nantes qui l'a enregistrée le 1er novembre 2019 sous le n° 19NT04071.
Procédure devant la cour :
Par ordonnance de remplacement d'expert du 18 février 2020, le professeur Yves Deugnier a été désigné comme expert pour procéder à la mission définie par l'arrêt du 14 juin 2019 de la cour régionale des pensions près la cour d'appel de Rennes.
Par ordonnance du 16 mars 2020, le professeur Laurent Siproudhis a été désigné comme sapiteur pour assister le professeur Deugnier dans sa mission.
Le rapport d'expertise a été enregistré le 7 avril 2021.
Par des mémoires, enregistrés les 4 et 20 mai 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A....
Elle soutient que :
- l'aggravation mentionnée par l'expert, dont seule une part de 5% peut être liée à l'infirmité pensionnée, ne peut être prise en considération dès lors que la pension est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10% au moins du pourcentage antérieur et que le maintien du taux de 30% au titre de la première infirmité pensionnée est justifié à la date du 26 janvier 2016 ;
- dans l'hypothèse où une aggravation de 15% est retenue pour la première infirmité, le taux global de pension serait de 55% et non de 60% par application de la règle dite de " Balthazard ".
Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2021, M. A..., représenté par Me Berthelot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°18/00014 du 13 mars 2018 du tribunal des pensions militaires de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 17 octobre 2016 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ;
3°) de dire que sa pension militaire doit être revalorisée au taux de 60% à compter du 26 janvier 2016 ;
4°) d'enjoindre au ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension en tenant compte de l'augmentation de 15% du taux d'invalidité antérieur à compter du 26 janvier 2016, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Me Berthelot sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'aggravation de sa pathologie digestive justifie une augmentation de 15% de la première affection pensionnée ;
- l'expertise médicale a été rendue nécessaire compte tenu du caractère très superficiel de l'expertise diligentée par le ministre des armées.
Par deux ordonnances du 22 octobre 2021, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1 035 euros et du sapiteur à la somme de 320 euros.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 25 septembre 1939, a servi dans l'armée de terre en qualité de soldat de 1959 au 22 février 1962, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Par un arrêté du 12 février 2001, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux global de 45% pour deux infirmités, la première " dyspepsie biliaire avec douleurs sous costales droits ; troubles de la motricité gastrique ; troubles du transit, entéropathie exsudative, avec alternance de diarrhée et de constipation (maladie constatée le 29 avril 1960) : 30% " et la seconde " anite hémorroïdaire moyenne (en relation avec la première infirmité pensionnée) : 10% + 5 ". Le 26 janvier 2016, M. A... a présenté une demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités. Après une expertise médicale effectuée par un médecin expert généraliste le 20 mai 2016 concluant à une absence d'aggravation de la première infirmité pensionnée et sur avis de la commission de réforme des pensions, sa demande a été rejetée par décision ministérielle du 17 octobre 2016.
2. M. A... a saisi, le 19 janvier 2017, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes. Par un jugement du 13 mars 2018, ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2016 et à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. Le 27 avril 2018, l'intéressé a relevé appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions militaires de Rennes, laquelle a ordonné avant-dire-droit une expertise médicale par arrêt du 14 juin 2019 et transféré ce dossier à la cour, devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, devenu L. 154-1 de ce code depuis le 1er janvier 2017 : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé.
5. Il ressort des constatations de l'expert médical, qui a été assisté dans sa mission par un sapiteur proctologue, qu' " outre ses troubles digestifs en lien avec un syndrome de l'intestin irritable responsable d'une diarrhée motrice avec incontinence fécale très handicapante, pour lequel il fut pensionné en 2001 à hauteur de 45%, M. A... souffre d'une polypathologie, d'installation ou de révélation postérieure à l'infirmité contractée, métabolique (fièvre méditerranéenne familiale), cardiovasculaire (hypertension artérielle et fibrillation auriculaire), locomotrice (hernie discale et canal lombaire droit) et tumorale (adénocarcinome prostatique correctement contrôlé après radiothérapie et hormonothérapie) " et que les manifestations digestives qui se sont aggravées depuis 2016 témoignent d'une aggravation de la pathologie digestive en lien avec les infirmités pour lesquelles il est pensionné. Si l'expert propose en conséquent d'augmenter son taux de pension de 45% à 60%, il a précisé, en réponse au dire du ministre des armées, que " des faits intercurrents sont en effet intervenus, notamment la découverte et le traitement d'un adénocarcinome prostatique (2005) susceptibles d'avoir participé à l'aggravation des signes digestifs (...) sans que cela ne préjuge en rien de l'absence d'évolutivité de la maladie ayant donné lieu à pension " et qu' " il apparaîtrait donc légitime de considérer qu'une part de l'aggravation décrite en 2016 et constatée en 2020 soit attribuée à l'affection pensionnée et donc d'augmenter le taux de pension de 5% pour le premier motif de pension, lequel englobe l'ensemble des troubles du transit susceptibles de conduire, à terme, à des phénomènes d'incontinence tels que ceux décrits, dès 2016, par le patient ". Si M. A... soutient que l'aggravation de ses troubles digestifs est exclusivement imputable à la maladie ayant donné lieu à pension et que la fin du traitement de l'adénocarcinome prostatique fait disparaître l'effet secondaire d'incontinence anale, il ne produit aucun élément médical de nature à infirmer les constatations de l'expert qui, tout en ayant souligné que l'interprétation de l'aggravation des troubles digestifs était délicate en raison du contexte polypathologique qui s'est installé après leur apparition, a finalement précisé qu'il ne retenait l'imputabilité à l'affection pensionnée de l'aggravation qu'à hauteur de 5%, et alors que le médecin diligenté par l'administration n'avait, pour sa part, retenu, lors de l'expertise du 20 mai 2016, aucune aggravation à ce titre. Compte tenu de ce taux de 5%, qu'il y a lieu de retenir, l'aggravation invoquée par M. A... n'ouvrait pas droit, en application des dispositions citées au point 4, à une révision du taux de sa pension.
6. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2016.
Sur les frais d'expertise :
7. Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés pour un montant total de 1 355 euros par ordonnances du président de la cour administrative d'appel de Nantes du 22 octobre 2021 doivent être mis à la charge définitive de l'Etat (ministre de la justice) au titre de l'aide juridictionnelle totale dont M. A... est bénéficiaire.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme sollicitée sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 355 euros sont mis à la charge définitive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Malingue, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2021.
La rapporteure,
F. MALINGUELe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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