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19/11/2021 | FRANCE | N°21NT01204

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 novembre 2021, 21NT01204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n°2002000 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :r>
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 avril et 30 septembre 2021, Mme C... A... B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n°2002000 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 avril et 30 septembre 2021, Mme C... A... B..., représentée par Me Hourmant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 20 juillet 2020 en toutes ses décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- Sa requête d'appel n'est pas tardive ;

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer, d'une part, sur le moyen tiré de l'erreur de droit concernant la prise en compte, dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour, des conditions d'entrée en France des jeunes mineurs étrangers, notamment lorsqu'ils sont victimes de réseaux de traite des êtres humains, d'autre part sur le moyen tiré de l'erreur de fait et d'une motivation stéréotypée ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- cette décision est entachée d'un défaut de motivation et d'examen complet de sa situation au regard de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa demande n'a pas été examinée au regard de cet article ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de droit et d'une erreur de fait au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplit les conditions prévues à cet article pour se voir délivrer un titre de séjour, que le préfet devait procéder à une appréciation globale de sa situation et qu'il n'est pas établi qu'elle a été victime d'un réseau de traite d'êtres humains ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a démontré sa volonté d'intégration dans la société française ainsi qu'il résulte de ses relevés de notes scolaires, de l'obtention de son CAP en juin 2020, de ses expériences de stage et de ses relations depuis deux ans avec un ressortissant français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'absence de liens avec sa famille lui restant dans son pays d'origine et les liens amicaux qu'elle a tissés en France, en particulier avec un ressortissant français ;

* En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- pour les mêmes motifs que ci-avant, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle vit en couple avec un ressortissant français et qu'elle doit donner naissance à un enfant le 18 novembre 2021 ;

* En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er juin 2021 et 13 octobre 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... B..., qui est née le 6 juillet 2000 et est de nationalité équato-guinéenne, a déclaré être entrée sur le territoire français le 26 décembre 2016 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa C délivré par les autorités espagnoles. Elle a été prise en charge à l'âge de seize ans et neuf mois au titre de l'aide sociale à l'enfance à la suite d'une ordonnance de placement provisoire du 14 avril 2017. Le 20 février 2020, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions, à titre principal, du 7° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, subsidiairement, de l'article L. 313-15 puis de l'article L. 313-7 et enfin de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 20 juillet 2020, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme A... B... relève appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Caen le 13 janvier 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article

L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou de "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Il ressort des pièces du dossier ainsi qu'au demeurant des énonciations mêmes de l'arrêté attaqué que Mme A... B..., qui est entrée en France en décembre 2016, a été confiée à la direction de l'enfance et de la famille au titre de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. Pour l'année scolaire 2017/2018, elle a été inscrite dans une classe allophone puis a été admise en 1ère année de CAP accompagnement éducatif petite enfance avec les compliments du conseil de classe. Au titre de l'année 2018-2019, l'intéressée a été scolarisée en 1ère année de CAP accompagnement éducatif petite enfance. Il ressort de ses bulletins de notes de bons résultats scolaires avec un passage en 2ème année avec les encouragements du conseil de classe. Au titre de l'année 2019-2020, l'intéressée a poursuivi sa scolarité en 2ème année de CAP. Contrairement à ce que mentionne l'arrêté contesté, Mme A... B... a obtenu son diplôme en juin 2020, soit antérieurement à l'arrêté en litige. Au demeurant, le préfet a reconnu le caractère réel et sérieux des études entreprises, sans qu'il puisse utilement faire valoir que la scolarisation est trop récente compte tenu des étrangers auxquels les dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'adressent. Par ailleurs, le préfet a également reconnu la volonté d'intégration de Mme A... B... eu égard à ses résultats scolaires et à une note sociale positive qui est, en outre, cohérente avec les appréciations portées par les professeurs de l'intéressée. Enfin, si le préfet soutient, dans ses écritures de première instance, que le départ de Mme A... B... aurait été organisé, selon son récit, par sa famille, cette circonstance n'est pas de nature à établir les liens que la requérante aurait conservés, à la date de la décision contestée, avec sa famille restée dans son pays d'origine alors qu'elle faisait valoir, dans son courrier du 23 septembre 2019 et lors de l'entretien à la préfecture, ne plus être en relation avec sa famille. Ses propos sont confirmés par la note de la direction des actions sociales, de l'enfance et de la santé de la ville de Paris qui précise que Mme A... B... n'a plus de lien avec son pays et ses parents, l'intéressée évoquant, par ailleurs, rarement son passé qui semble très douloureux. Par suite, compte tenu du caractère réel et sérieux de la formation suivie par l'intéressée et de l'avis favorable de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait conservé des liens avec sa famille restée dans le pays d'origine, le préfet du Calvados a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a porté sur la situation globale de Mme A... B... en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Au surplus, alors même que les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient réunies, le préfet indique, aux points 15 à 20 de son arrêté, que le parcours de l'intéressée démontre qu'elle a été livrée à des réseaux de passeurs contre lesquels le préfet doit s'opposer. Cet élément a été pris en considération par le préfet dans l'appréciation de la situation globale de l'intéressée ainsi qu'il résulte du point 23 de l'arrête litigieux. Par suite, le préfet, en ajoutant cette condition qui n'est pas prévue par la loi, a également entaché la décision litigieuse d'une erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens soulevés, que Mme A... B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Le présent arrêt implique, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Calvados délivre à Mme A... B... une carte de séjour temporaire. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Hourmant, avocat de Mme A... B..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2002000 du 13 janvier 2021 du tribunal administratif de Caen et l'arrêté du préfet du Calvados du 20 juillet 2020 pris à l'encontre de Mme A... B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Hourmant une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour son information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- M. L'hirondel, premier conseiller

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 21NT01204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01204
Date de la décision : 19/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : HOURMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-19;21nt01204 ?
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