Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 1er décembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur ce territoire pendant un an ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement no 2001547 du 8 décembre 2020, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 janvier 2021 et le 4 juin 2021, M. B..., représenté par Me Degiovanni, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 1er décembre 2020, ainsi que l'arrêté du 15 décembre 2020 modifiant l'arrêté du 1er décembre 2020 portant assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation de travail durant cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'un vice de procédure, en l'absence de mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision d'interdiction de retour sur ce territoire, la décision fixant le pays de destination et l'arrêté du 15 décembre 2020 modifiant l'arrêté du 1er décembre 2020 portant assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2021, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du
15 décembre 2020, dès lors qu'elles sont nouvelles en appel.
Un mémoire en réponse à ce moyen d'ordre public a été présenté le 28 octobre 2021 par M. B....
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 13 février 1996 aux Comores, a été entendu le 1er décembre 2020 par les services de la direction zonale de la police aux frontières (DZPAF) Ouest dans le cadre d'une procédure pour usurpation d'identité. Par un arrêté du 1er décembre 2020, le préfet du Morbihan l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour en France pour une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, modifié par un arrêté du 15 décembre 2020, le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. Par un jugement no 2001547 du 8 décembre 2020, dont le requérant relève appel, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 1er décembre 2020.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité des arrêtés du préfet du Morbihan du 1er décembre 2020 :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... est arrivé en France en 1997, à l'âge d'un an, avec sa mère, une ressortissante comorienne. Il a été rejoint sur le territoire national par son père M. B..., un ressortissant français. Le requérant a alors poursuivi sa scolarité en France jusqu'en classe de seconde, puis a rejoint en 2012, à l'âge de 16 ans, l'entreprise artisanale fondée par son père. Dès lors, et à l'exception d'une année où il a résidé au Portugal, l'intéressé a vécu en France dès son plus jeune âge. Si M. B... est célibataire et sans enfant, ses parents, ainsi que ses sept frères et sœurs, de nationalité française, résident en France. Il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'il aurait le centre des intérêts personnels et familiaux ailleurs qu'en France. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet porte au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle a été prise.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant son pays de destination, l'interdiction de retour sur le territoire qui lui a été faite ainsi que l'arrêté du 1er décembre 2020 l'assignant à résidence.
En ce qui concerne l'arrêté du préfet du Morbihan du 15 décembre 2020 :
5. Les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2020 sont nouvelles en appel. Elles sont, dès lors, irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ". Il y a lieu d'enjoindre à l'autorité préfectorale de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Degiovanni, avocat de M. B..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du
19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001547 du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Rennes et les arrêtés du préfet du Morbihan du 1er décembre 2020 pris à l'encontre de M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Morbihan de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Degiovanni une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. L'hirondel, premier conseiller,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2021.
Le rapporteur,
X. CATROUX
Le président,
D. SALVI
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT000564