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05/11/2021 | FRANCE | N°21NT00838

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 novembre 2021, 21NT00838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet du Morbihan lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour temporaire ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2005672 du 25 février 2021,

le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet du Morbihan du 26 août ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet du Morbihan lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour temporaire ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2005672 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet du Morbihan du 26 août 2020 et lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mars 2021 et le 24 juin 2021, le préfet du Morbihan demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que Mme B..., qui faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, a bien sollicité la protection pour raison médicale prévue par les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est par une erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que la procédure suivie devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été irrégulière en l'absence d'établissement du rapport médical dès lors que les dispositions des articles 9 et suivants de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles

R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exigent pas la réalisation d'un tel rapport médical ;

- s'agissant des autres moyens présentés en première instance par Mme B... et qui devront être examinés par la cour par l'effet dévolutif de l'appel, il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2021, Mme A... B..., représentée par Me Roilette, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens présentés par le préfet du Morbihan ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles

R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 16 février 1992, est entrée en France, selon ses déclarations, le 24 janvier 2016 et y a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 25 août 2017 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 1er décembre 2017. Mme B... a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français pris le 26 janvier 2018 par le préfet des Côtes d'Armor. Elle a sollicité, le 17 janvier 2019, du préfet du Morbihan un titre de séjour pour raison de santé. Cette demande a été examinée par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui a rendu son avis le 15 mars 2019. Par un arrêté du 26 août 2020, le préfet du Morbihan lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Morbihan relève appel du jugement du 25 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 26 août 2020 et lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué:

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de cet article R. 313-22 : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". L'article R. 313-23 du même code dispose : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". L'article R. 511-1 du même code dispose : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier./ A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. ". Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". Aux termes de l'article 7 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;/ b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;/ c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement ". Aux termes de

l'article 9 du même arrêté : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 (...) est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er. (...)". Aux termes de l'article 11 du même arrêté : " Au vu du certificat médical, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 (...) émet un avis dans les conditions prévues à l'article 6 et au présent article et conformément aux modèles figurant aux annexes C et D du présent arrêté. / Pour l'établissement de l'avis, le collège de médecins (...) peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant rempli le certificat médical. Le demandeur en est informé. /Le collège de médecins ou le médecin de l'office peut convoquer le demandeur et faire procéder à des examens complémentaires. Dans ce cas, le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin de son choix (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2016 que son premier chapitre, comprenant les articles 1 à 8, s'applique aux étrangers sollicitant leur admission au séjour, alors que le deuxième chapitre, comprenant les articles 9 à 11, s'applique aux étrangers qui, faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, se prévalent de leur état de santé pour s'opposer à l'exécution de cette mesure.

6. Il est constant que Mme B..., alors qu'elle faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, a sollicité le 17 janvier 2019 un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le préfet du Morbihan a instruit sa demande à ce titre et non pas en tant qu'elle se prévalait de son état de santé pour s'opposer à l'exécution de la mesure d'éloignement. Sa situation relevait, dans ces conditions, des dispositions du chapitre

1er de l'arrêté du 27 décembre 2016, alors même que l'intéressée faisait l'objet d'une mesure d'éloignement. Il ressort cependant des pièces du dossier que le préfet a sollicité l'avis du collège de médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration sur l'état de santé de Mme B..., selon la procédure allégée des articles 9 à 11 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par suite, la décision contestée, qui a été prise au vu d'un avis du collège de médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration du 12 février 2018, sans qu'un médecin ait établi le rapport prévu à l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016, est intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

8. L'établissement d'un rapport par un médecin instructeur de l'OFII, selon un modèle annexé à l'arrêté du 27 décembre 2016, a pour objet d'informer le collège de médecins de l'OFII des pathologies et traitements concernant le demandeur d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il constitue ainsi une garantie pour l'étranger malade, alors même que le collège de médecins a la faculté, en application de l'article 11 de l'arrêté du 27 décembre 2016, de solliciter un complément d'information ou de convoquer le demandeur. Il s'ensuit que l'absence de rapport du médecin instructeur a privé Mme B... d'une garantie et entaché d'illégalité la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Morbihan n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 26 août 2020.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Roilette dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Morbihan est rejetée.

Article 2 : Le versement de la somme de 1 200 euros à Me Roilette est mis à la charge de l'État dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Morbihan et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2021.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDEL

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 21NT00838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00838
Date de la décision : 05/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-05;21nt00838 ?
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