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15/10/2021 | FRANCE | N°21NT00527

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 octobre 2021, 21NT00527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003291 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2021, M. A... B..., repr

ésenté par Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 novembre 2020 ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003291 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2021, M. A... B..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 16 juillet 2020 en toutes ses décisions ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Morbihan de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire et dans les mêmes conditions d'astreinte, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours en lui délivrant, dans l'attente de la décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ; en particulier, elle n'est pas tardive ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la compétence du signataire de cette décision n'est pas établie ;

- elle est insuffisamment motivée et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la compétence du signataire de cette décision n'est pas établie ;

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant camerounais né le 24 décembre 1999 à Douala (Cameroun), est entré en France, selon ses déclarations, en novembre 2016 alors qu'il était âgé de 16 ans. Après que sa première demande de titre de séjour, déposée le 28 décembre 2017, a fait l'objet d'une décision implicite de refus, il a sollicité, le 20 mars 2019, son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant du pacte civil de solidarité (PACS) conclu avec une ressortissante française. Par un arrêté du 16 juillet 2020, le préfet du Morbihan lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas de manquement à cette obligation. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 novembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions :

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 31 janvier 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Morbihan a donné délégation à Mme D... C..., cheffe du bureau des étrangers et de la nationalité, à l'effet de signer les décisions relevant de son bureau, lesquelles comprennent notamment les refus de carte de séjour temporaire, les obligations de quitter le territoire avec ou sans délai de départ volontaire et les décisions fixant le pays de renvoi. Par suite, et alors même que l'arrêté contesté ne vise pas l'arrêté de délégation de signature, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contenues dans l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation [...] doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. La décision contestée, qui vise notamment le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise la situation de M. B... en France, en particulier la durée de son séjour ainsi que les liens que l'intéressé a pu garder avec son pays d'origine. Elle indique qu' " au vu de ces seuls éléments, il [M. B...] n'établit pas qu'il aurait noué en France des liens d'une particulière intensité " et ajoute qu' " eu égard à son ancienneté de séjour, M. B... A... ne peut être regardé comme justifiant, par les éléments qu'il fait valoir, de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour justifiant la délivrance d'un titre de séjour ". Par suite, cette décision, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, que le préfet du Morbihan n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". L'article R. 313-21 du même code précise que : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ".

7. M. B... soutient qu'il est arrivé en France en 2016 à l'âge de 16 ans, qu'il a entrepris une remise à niveau en français depuis son arrivée, qu'il a été scolarisé et a obtenu en juillet 2019 un certificat d'aptitude professionnelle de maçon, qu'il a reçu plusieurs offres d'apprentissage et qu'il vit avec Mme E..., ressortissante française, avec laquelle il a signé un pacte civil de solidarité (PACS) enregistré le 17 juillet 2018. Toutefois, les seules pièces communiquées en première instance tenant en deux témoignages insuffisamment circonstanciés, un bail conclu aux deux noms le 8 octobre 2018, un avis d'impôt sur le revenu 2019, des factures émises en 2019 et 2020, une copie d'écran du site de la Caisse d'allocations familiales, un contrat de travail et des bulletins de salaire au nom de Mme E... et une photographie représentant le couple ne sont pas suffisantes pour justifier de l'intensité et de la stabilité de leur relation, qui présente un caractère récent à la date de la décision contestée. En outre, il est constant, au regard des déclarations mêmes du requérant, que celui-ci n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'en 2016. S'il soutient qu'il a quitté le Cameroun en raison de maltraitances infligées par sa famille, il n'apporte au soutien de son allégation aucun élément de nature à en établir le bien-fondé. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard au caractère récent de sa vie commune avec sa compagne et quand bien même M. B... a été scolarisé en France et aurait bénéficié de promesses d'embauche, le préfet du Morbihan n'a pas, en adoptant la décision contestée, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet du Morbihan n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...). ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...). ".

9. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il est dit ci-dessus, M. B... ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant aux étrangers d'obtenir une carte de séjour temporaire. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

10. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

11. En deuxième lieu, en application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision par laquelle le préfet a obligé M. B... à quitter le territoire français, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, dès lors qu'elle a été prise concomitamment à la décision de refus de titre de séjour, laquelle est, tel qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ladite décision et de l'absence d'examen particulier de la situation du requérant ne peut qu'être écarté.

12. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7 ci-dessus.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Si M. B... soutient que la décision fixant le pays de destination serait insuffisamment motivée et qu'il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 11 de leur décision.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

15. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. B... F... la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2021.

Le rapporteur

M. L'hirondel

Le président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00527
Date de la décision : 15/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-15;21nt00527 ?
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