Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Le groupement d'exploitation agricole en commun (GAEC) Corre et l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Corre Jean-Pierre ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 23 juin 2017 par laquelle le préfet de la région Bretagne a autorisé le GAEC de Kerohan à exploiter les parcelles cadastrées A 82 j, A 82 k, A 83, A 93, A 331, A 336, A 668, A 669, A 1026, A 1028, A 1119 et AB 234 représentant 24 hectares 91 ares 10 centiares de terres situées sur le territoire de la commune de Saint-Martin-des-Champs (29) et la décision du 10 octobre 2017 par laquelle ce préfet a rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1705530 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 en tant qu'il autorisait le GAEC de Kerohan à exploiter les trois parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028 ainsi que dans la même mesure la décision du 10 octobre 2017 de rejet de leur recours gracieux, et a rejeté le surplus de leur demande.
II. L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Corre Jean-Pierre a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2017 par laquelle le préfet de la région Bretagne a refusé de lui accorder l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées A 82 j, A 82 k, A 331, A 1026 et A 1028 pour une surface totale de 8 hectares 59 ares 64 centiares et la décision du 10 octobre 2017 de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1705522 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 26 juillet 2017 en tant qu'il refuse à l'EARL Corre Jean-Pierre l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées B 243, B 255 et B 256 sur la commune de Saint-Martin-des-Champs et la décision du 10 octobre 2017 de rejet de son recours gracieux.
Par une ordonnance du 6 février 2020, le président du tribunal administratif de Rennes a rectifié l'erreur matérielle contenue dans le dispositif du jugement n° 1705522 du 6 décembre 2019 et précisé que l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 26 juillet 2017 était annulé en tant qu'il refuse à l'EARL Corre Jean-Pierre l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028 situés sur la commune de Saint-Martin-des-Champs, et la décision du 10 octobre 2017 de rejet de son recours gracieux.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 20NT00396 le 5 février 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes n°1705530 du 6 décembre 2019 en tant qu'il annule partiellement l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'EARL Corre Jean-Pierre et le GAEC Corre devant le tribunal administratif de Rennes dans l'instance n°1705530 en tant qu'elle concerne les parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028.
Il soutient que, dès lors que la demande de l'EARL Corre Jean-Pierre était une demande successive et non une demande concurrente de celle du GAEC de Kerohan, c'est à tort que le tribunal a, au motif que l'EARL Corre Jean-Pierre était en droit d'obtenir une autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028, annulé l'arrêté du 23 juin 2017 en ce qu'il autorisait le GAEC de Kerohan à exploiter les mêmes parcelles.
Par des mémoires en défense enregistrés les 18 septembre 2020 et 16 janvier 2021 le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre, représentés par Me Morvan, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement n° 1705530 du 6 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
3°) d'annuler en sa totalité l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 331-3 et des alinéas 5 et 6 de l'article R. 331-4, dès lors que le maire de Saint-Martin-des-Champs n'a pas publié la candidature du GAEC de Kerohan relative aux terres en litige ;
- l'administration a commis une erreur d'appréciation en considérant que leurs demandes d'autorisation d'exploiter les terres étaient des demandes successives et non des demandes concurrentes de celle du GAEC de Kerohan, dès lors que ces demandes ont été reçues le
9 mai 2017 avant l'expiration du délai fixé pour déposer des candidatures concurrentes et qu'en application des dispositions du I de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime l'administration aurait pu prolonger de deux mois le délai d'instruction de la demande du GAEC de Kerohan ;
- l'autorisation d'exploiter consentie au GAEC de Kerohan méconnaît les dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne, dès lors que les demandes de l'EARL Corre Jean-Pierre et du GAEC Corre avaient un rang de priorité n° 2 au regard de ce schéma alors que celle du GAEC de Kerohan avait un rang de priorité n° 4-2 ;
- l'autorisation d'exploiter consentie au GAEC de Kerohan a eu des conséquences financières très défavorables s'agissant de la reprise de l'exploitation de l'EARL Guillaume Madec par le GAEC Corre.
Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2020 le GAEC de Kerohan, représenté par Me Muller, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes n° 1705530 du 6 décembre 2019 en tant qu'il annule partiellement l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
2°) de rejeter les demandes formées par la voie de l'appel incident par le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre ;
3°) de mettre à la charge du GAEC Corre et de l'EARL Corre Jean-Pierre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en annulant partiellement l'arrêté du 23 juin 2017 du préfet de la région Bretagne, alors que la demande d'autorisation d'exploiter les terres en litige formée par le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre, qui n'avait été complétée qu'après l'expiration du délai fixé, n'était pas une demande concurrente de celle du GAEC de Kerohan mais une demande successive ;
- les moyens soulevés par le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre contre l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 20NT00399 le 5 février 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour de rectifier l'erreur matérielle entachant l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes n° 1705522 du 6 décembre 2019 en remplaçant la mention des parcelles cadastrées B 243, B 255 et B 256, situées la commune de Saint-Martin-des-Champs, par celle des parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028.
Il soutient que le jugement est entaché d'une erreur purement matérielle, dès lors qu'il annule, à son article 1er, l'arrêté préfectoral du 26 juillet 2019 en tant qu'il porte refus d'exploitation des parcelles cadastrées B 243, B 255 et B 256 situées la commune de Saint-Martin-des-Champs, alors que, dans ses motifs, il relève que cet arrêté est illégal en tant qu'il porte refus d'exploiter pour les parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028.
Par un mémoire enregistré le 27 août 2020 le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre, représentés par Me Morvan, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement n° 1705530 du 6 décembre 2019 du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
3°) d'annuler en totalité l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils invoquent les mêmes moyens que dans l'instance n°20NT00396 visée ci-dessus.
Par un courrier du 7 septembre 2021, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions du ministre de l'agriculture et de l'alimentation à fin de rectification de l'erreur matérielle entachant le jugement n° 1705522 du tribunal administratif de Rennes du 6 décembre 2019, dès lors que cette rectification a été faite par une ordonnance du président de ce tribunal du 6 février 2020.
III. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 20NT00434 les 7 février et 9 octobre 2020 le GAEC de Kerohan, représenté par Me Muller, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes n° 1705530 du 6 décembre 2019 en tant qu'il annule partiellement l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
2°) de rejeter les demandes formées par la voie de l'appel incident par le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre ;
3°) de mettre à la charge du GAEC Corre et de l'EARL Corre Jean-Pierre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°20NT00396 visée ci-dessus.
Par un mémoire enregistré le 8 avril 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux exposés dans sa requête enregistrée sous le n° 20NT00396.
Par des mémoires enregistrés le 18 septembre 2020 et le 16 janvier 2021 le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre, représentés par Me Morvan, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du GAEC de Kerohan ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement n° 1705530 du 6 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
3°) d'annuler en totalité l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
4°) de mettre à la charge du GAEC de Kerohan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils invoquent les mêmes moyens que dans l'instance n°20NT00396 visée ci-dessus.
IV. Par une requête enregistrée sous le n° 20NT00930 le 11 mars 2020 le GAEC de Kerohan, représenté par Me Muller, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes n° 1705522 du 6 décembre 2019 rectifié par l'ordonnance n° 1705522 du 6 février 2020 ;
2°) de mettre à la charge du GAEC Corre et de l'EARL Corre Jean-Pierre la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en annulant partiellement l'arrêté du 26 juillet 2017 par laquelle le préfet de la région Bretagne a refusé à l'EARL Corre Jean-Pierre l'autorisation d'exploiter 8 hectares 59 ares 64 centiares situés sur la commune de Saint-Martin-des-Champs et la décision du 10 octobre 2017 de rejet de son recours gracieux, dès lors que la demande d'autorisation d'exploiter les terres en litige formée par le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre, qui n'avait été complétée et dont il n'avait été accusé réception en application de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime qu'après l'expiration du délai fixé, n'était pas une demande concurrente de celle du GAEC de Kerohan mais une demande successive ;
- la circonstance que le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre disposaient d'un rang de priorité supérieur au sien n'avait à cet égard pas d'incidence.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2020 le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre, représentés par Me Morvan, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du GAEC de Kerohan ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement n° 1705530 du 6 décembre 2019 du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
3°) d'annuler en totalité l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 ;
4°) de mettre à la charge du GAEC de Kerohan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils invoquent les mêmes moyens que dans l'instance n°20NT00396 visée ci-dessus.
Par un mémoire enregistré le 17 septembre 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux exposés dans sa requête enregistrée sous le n° 20NT00396 le 5 février 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du préfet de la région Bretagne en date du 28 juin 2016 fixant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Muller, représentant le GAEC de Kerohan.
Considérant ce qui suit :
1. Le GAEC de Kerohan a sollicité, le 1er mars 2017, du préfet de la région Bretagne, l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées A 82 J, A 82 K, A 83, A 93, A 331, A 336,
A 668, A 669, A 669, A 1026, A 1028, A 1119 et AB 234, situées sur le territoire de la commune de Saint-Martin-des-Champs (Finistère), d'une surface totale de 24 hectares 91 ares 10 centiares, précédemment exploitées par l'EARL Guillaume Madec. Par un arrêté du 23 juin 2017, le préfet de la région Bretagne a autorisé le GAEC de Kerohan à exploiter ces parcelles. Par un arrêté du 26 juillet 2017, le préfet a refusé d'accorder à l'EARL Corre Jean-Pierre l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées A 82 J, A 82 K, A 331, A 1026 et A 1028, pour une surface totale de 8 hectares 59 ares 64 centiares, au motif que sa demande, postérieure à l'expiration du délai de présentation de demandes concurrentes ouvert par la demande présentée par le GAEC de Kerohan, était successive, relevait de la priorité n° 9 du le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne (SDREA) et n'était donc pas prioritaire au regard de celle du GAEC de Kerohan, relevant de la priorité n° 4-2 du même document. Par un second arrêté du 26 juillet 2017, le préfet a toutefois autorisé le GAEC Corre à exploiter la parcelle cadastrée A 83, d'une surface de 7 hectares 8 ares 71 centiares, au motif que sa demande relevait sur ce point de la priorité
n°2 du SDREA, supérieure à celle dont bénéficiait le GAEC de Kerohan, et lui a refusé l'autorisation d'exploiter la parcelle cadastrée A 93, d'une surface de 54 ares 92 centiares, laquelle ne relevait que de la priorité n° 9 du SDREA. Le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre ont formé, les 21 et 26 septembre 2017, des recours gracieux contre les trois arrêtés des 23 juin et 26 juillet 2017, que le préfet de la région Bretagne a rejetés par une décision du 10 octobre 2017.
2. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et le GAEC de Kerohan relèvent appel du jugement n° 1705530 du 6 décembre 2019 et du jugement n° 1705522 du même jour, rectifié par une ordonnance du 6 février 2020, par lesquels le tribunal administratif de Rennes a annulé, respectivement, l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 23 juin 2017 en tant qu'il autorisait le GAEC de Kerohan à exploiter les parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028 et l'arrêté du même préfet du 26 juillet 2017 en tant qu'il accordait à l'EARL Corre Jean-Pierre une autorisation d'exploiter les mêmes parcelles. Le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre ont formé appel incident à l'encontre du jugement n°1705530 en ce qu'il n'a pas fait droit en totalité à leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2017.
3. Les requêtes n° 20NT00396 et n° 20NT00399, présentées par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et les requêtes n° 20NT00434 et 20NT00930, présentées par le GAEC de Kerohan, présentent à juger des questions connexes et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n°20NT0399 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation :
4. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour de réformer le jugement n°1705522 du tribunal administratif de Rennes du 6 décembre 2019 en ce qu'il mentionne à tort, à son article 1er, les parcelles cadastrées B 243, B 255 et B 256 au lieu des parcelles A 331, A 1026 et A 1028. Or, il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 6 février 2020, le président du tribunal administratif de Rennes a modifié l'article 1er du dispositif du jugement n° 1705522 du 6 décembre 2019 en y précisant que l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 26 juillet 2017 et la décision du 10 octobre 2017 de rejet de son recours gracieux étaient annulés en tant qu'ils refusent à l'EARL Corre Jean-Pierre l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028 situées sur la commune de Saint-Martin-des-Champs. Par suite, les conclusions de la requête n°20NT00399 ont perdu leur objet et il n'y a plus lieu de statuer.
Sur les requêtes n° 20NT00396 et n° 20NT00434 :
5. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. (...) ". L'article R. 331-4 du même code dispose : " La demande de l'autorisation mentionnée au I de l'article L. 331-2 est établie selon le modèle défini par le ministre de l'agriculture et accompagnée des éléments justificatifs dont la liste est annexée à ce modèle. / (...) / Le dossier de demande d'autorisation est adressé par envoi recommandé avec accusé de réception au préfet de la région où se trouve le fonds dont l'exploitation est envisagée, ou déposé auprès du service chargé d'instruire, sous l'autorité du préfet, les demandes d'autorisation. / (...) Après avoir vérifié que le dossier comporte les pièces requises en application du premier alinéa, le service chargé de l'instruction l'enregistre et délivre au demandeur un accusé de réception. / Le service chargé de l'instruction fait procéder à la publicité de la demande d'autorisation d'exploiter dans les conditions prévues à l'article D. 331-4-1. Cette publicité porte sur la localisation des biens et leur superficie, ainsi que sur l'identité des propriétaires ou de leurs mandataires et du demandeur. ". L'article D. 331-4-1 du même code prévoit que : " La publicité prévue à l'article R. 331-4 précise la date de l'enregistrement de la demande et indique la date limite de dépôt des dossiers de demande d'autorisation. / Les demandes d'autorisation d'exploiter sont affichées pendant un mois à la mairie des communes où sont situés les biens qui font l'objet de la demande et publiées sur le site de la préfecture chargée de l'instruction. / A l'expiration du délai de publicité, il est dressé la liste de toutes les candidatures enregistrées pour un même bien. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation d'exploiter présentée par le GAEC de Kerohan a été publiée sur le site internet de la direction départementale des territoires et de la mer du Finistère. Cette publication précisait que cette demande avait été enregistrée le 1er mars 2017 et que le délai pour déposer des candidatures concurrentes expirait le 9 mai 2017. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que la demande d'autorisation d'exploiter du GAEC de Kerohan a fait l'objet, du 20 mars au 20 avril 2017, d'un affichage à la mairie de Saint-Martin-des-Champs. Par suite, les règles relatives à la publication des demandes d'autorisation d'exploiter prévues aux articles L. 331-3, R. 331-4 et D. 331-4-1 du code de l'agriculture et de la pêche maritime n'ayant pas été méconnues, le délai pour déposer les demandes concurrentes fixé par l'administration au 9 mai 2017 était, contrairement à ce que soutiennent l'EARL Corre Jean-Pierre et le GAEC Corre, opposable aux tiers.
7. Or, si l'EARL Corre Jean-Pierre et le GAEC Corre ont transmis leurs demandes d'autorisation d'exploiter précisément à la date du 9 mai 2017, il est constant que l'administration, après avoir vérifié que les dossiers étaient complets ainsi que le lui prescrivent les dispositions de l'article R. 331-4, a demandé le 12 mai 2017 aux deux pétitionnaires de compléter leurs dossiers respectifs où manquaient plusieurs pièces justificatives. L'EARL Corre Jean-Pierre et le GAEC Corre ont produit les pièces manquantes les 23 et 24 mai 2017, et ces mêmes jours le service instructeur a enregistré les demandes d'autorisation d'exploiter qu'ils avaient présentées et leur en a accusé réception. L'enregistrement des demandes est ainsi intervenu après l'expiration du délai imparti pour la présentation des demandes concurrentes à celles du GAEC de Kerohan. Il en résulte que ces demandes n'étaient pas des demandes concurrentes mais des demandes successives, insusceptibles par voie de conséquence de remettre en cause la validité de l'autorisation accordée le 23 juin 2017 au GAEC de Kerohan, la circonstance que le préfet dispose de la faculté de prolonger de deux mois le délai d'instruction des demandes en application du I de l'article
R. 331-6 du même code étant à cet égard sans incidence. C'est, par suite, à tort que, par son jugement n°1705530, le tribunal administratif de Rennes, après avoir estimé que la demande de l'EARL Corre Jean-Pierre concernant les parcelles A 331, A 1026 et A 1028 présentait un rang de priorité supérieur à celui qui était détenu par le GAEC de Kerohan pour les mêmes parcelles, a annulé, dans la mesure concernant ces parcelles, l'arrêté du 23 juin 2017 qui avait accordé une autorisation d'exploiter au GAEC de Kerohan.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre devant le tribunal administratif de Rennes et la cour.
9. En premier lieu, les conséquences financières de l'autorisation d'exploiter consentie au GAEC de Kerohan sur la reprise de l'exploitation de l'EARL Guillaume Madec n'ont pas d'incidence sur la légalité de l'arrêté du 23 juin 2017.
10. En second lieu, le GAEC Corre et l'EARL Corre Jean-Pierre ne peuvent pas utilement se prévaloir, contre l'arrêté contesté du 23 juin 2017, de la priorité n° 2 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne pour leur demande d'autorisation d'exploiter les parcelles A 82 J, A 82 K, A 83 et A 93, dès lors que cette demande n'était pas, eu égard à ce qui a été dit au point 7, en concurrence de celle du GAEC de Kerohan pour ces mêmes parcelles.
11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et le GAEC de Kerohan sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n°1705530, le tribunal administratif de Rennes a partiellement annulé l'arrêté du 23 juin 2017.
Sur la requête n° 20NT00930 :
12. L'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime détermine les opérations qui sont soumises à autorisation préalable, dans le cadre du contrôle des structures des exploitations agricoles, opérations parmi lesquelles figurent les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. L'article L. 331-3-1 du même code dispose que : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...) ". L'article L. 312-1 précise que le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) établit l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. Il résulte de ces dispositions législatives que le préfet doit, pour statuer sur les demandes d'autorisations d'exploiter des terres agricoles, observer l'ordre des priorités établi par le SDREA. Ainsi, lorsqu'une autorisation a déjà été délivrée après mise en concurrence, le préfet saisi d'une nouvelle demande portant sur les mêmes terres ne peut légalement y faire droit que si l'auteur de cette demande justifie d'une priorité égale ou supérieure à celle de la personne déjà autorisée.
13. Le GAEC de Kerohan ne conteste pas en appel que la demande de l'EARL Corre Jean-Pierre était, concernant les parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028 situées sur la commune de Saint-Martin-des-Champs, d'un rang de priorité n° 2 au regard du SDREA de Bretagne, supérieur à son propre rang n° 4-2 au regard de ce document. Par suite, alors même qu'une autorisation d'exploiter ces parcelles lui avait déjà été délivrée par l'arrêté du 23 juin 2017 et que la demande de l'EARL Corre Jean-Pierre concernant ces terres était une demande successive et non une demande concurrente de la sienne, c'est à bon droit que les premiers juges ont, par leur jugement n° 1705522, annulé l'arrêté du 26 juillet 2017 qui refusait à l'EARL Corre Jean-Pierre l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028.
14. Il résulte de ce qui précède que le GAEC de Kerohan n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n°1705522, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté précité du 26 juillet 2017 du préfet du Finistère.
Sur les conclusions d'appel incident de l'EARL Jean-Pierre Corre et du GAEC Corre :
15. Les conclusions formées, par voie d'appel incident, par l'EARL Jean-Pierre Corre et par le GAEC Corre, tendant à l'annulation partielle du jugement n° 1705530 du 6 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes et à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2017 du préfet de la région Bretagne dans sa totalité, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées par voie de conséquence de ce qui a été dit ci-dessus.
Sur les frais liés au litige :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20NT00399 présentée par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Article 2 : Le jugement n° 1705530 du 6 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 3 : La demande présentée par l'EARL Corre Jean-Pierre et le GAEC Corre devant le tribunal administratif de Rennes dans l'instance n°1705530 est, en tant qu'elle concernait les parcelles cadastrées A 331, A 1026 et A 1028, rejetée.
Article 4 : La requête n°20NT00930 du GAEC de Kerohan ainsi que les conclusions présentées devant la cour par l'EARL Corre Jean-Pierre et le GAEC Corre sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions présentées par l'EARL Corre Jean-Pierre et le GAEC Corre ainsi que par le GAEC de Kerohan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise agricole à responsabilité limitée Corre Jean-Pierre, au groupement d'exploitation agricole en commun Corre, au groupement d'exploitation agricole en commun de Kerohan et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. L'hirondel, premier conseiller,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2021.
Le rapporteur
M. CatrouxLa présidente
I. PerrotLa greffière
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 20NT00396, 20NT00399, 20NT00434, 20NT00930