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21/09/2021 | FRANCE | N°21NT00039

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 septembre 2021, 21NT00039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert vers la Pologne et l'arrêté du même jour de la même autorité l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile et de lui remettre un dossier de demande de protection internationale aux fins de

transmission à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert vers la Pologne et l'arrêté du même jour de la même autorité l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile et de lui remettre un dossier de demande de protection internationale aux fins de transmission à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Par un jugement n° 2005346 du 7 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, Mme E..., représentée par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant de son transfert aux autorités polonaises ;

3°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant son assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile et de lui remettre un dossier de demande de protection internationale aux fins de transmission à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision portant transfert aux autorités polonaises a été prise en méconnaissance de l'article 17 de ce règlement (UE) et est, en conséquence, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle ne justifiait pas de la réalité des violences conjugales subies ni de son orientation sexuelle ; or les minorités sont de plus en plus discriminées en Pologne et ces discriminations sont tolérées par le gouvernement qui ne protège pas les demandeurs d'asile LGBT ;

- la décision portant transfert aux autorités polonaises méconnaît, pour les mêmes raisons, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 21 juin 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme E... n'est fondé, s'en rapporte aux écritures de première instance et informe la cour que l'intéressée, qui n'a pas respecté l'obligation de présentation à laquelle elle était assujettie et n'a pas honoré sa convocation au laboratoire pour la réalisation de son test PCR pour mettre à exécution la décision de transfert, a été déclarée en fuite. La validité de la décision de transfert est en conséquence prolongée jusqu'au 7 juin 2022.

Mme E..., représentée par Me Maony, a produit une pièce enregistrée le 24 août 2021 et non communiquée.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2021.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante camerounaise, née le 2 mars 1994, est, selon ses dires, entrée irrégulièrement sur le territoire français le 28 février 2020. Elle a présenté une demande d'asile le 2 juillet 2020 à la préfecture d'Ille-et-Vilaine. La consultation du fichier Eurodac a révélé que son parcours migratoire avait débuté sur le sol européen en Pologne. Consécutivement à leur saisine par le préfet, les autorités polonaises ont, le 23 septembre 2020, donné leur accord à la reprise en charge Mme E... en application de l'article 13-1 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013. Par deux arrêtés du 30 novembre 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de la transférer à ces autorités et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable dans le département d'Ille-et-Vilaine. Mme E... relève appel du jugement du 7 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Clauses discrétionnaires/ 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Mme E... ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance, en se bornant à produire une attestation établie le 1er décembre 2020, par Mme B... A..., membre de l'association Les Détraqueers, association LGBTIQ+, de la réalité de son orientation sexuelle et de liens de nature à justifier de l'examen de sa demande d'asile en France. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit, par suite, être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

5. Mme E... ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance, en se bornant à produire une attestation établie le 1er décembre 2020, par Mme B... A..., membre de l'association Les Détraqueers, association LGBTIQ+, de la réalité des violences dont elle déclare avoir été victime au Cameroun de la part de son époux, après que celui-ci a découvert l'existence de la relation amoureuse qu'elle a entretenue plusieurs années durant avec une autre femme. Cette seule attestation qui n'est assortie d'aucun autre élément est également insuffisante pour justifier de son orientation sexuelle et, ainsi, pour tenir comme établies les craintes de subir en conséquence des discriminations susceptibles d'entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant en Pologne. Les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :

6. Les conclusions présentées par Mme E... contre l'arrêté du 30 novembre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont assorties d'aucun moyen permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions dirigées contre les arrêtés du 30 novembre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant de la transférer aux autorités polonaises et l'assignant à résidence.

Sur les frais d'instance :

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions de la requérante aux fins d'injonction et celles, dans les circonstances de l'espèce, tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2021.

Le rapporteur

O. C...Le président

O. GASPON

La greffière

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT00039 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00039
Date de la décision : 21/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-21;21nt00039 ?
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