Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de ses conditions d'exercice dans cet établissement.
Par un jugement n° 1805703 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan à verser à Mme B... la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral (article 1er), a mis à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté les conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 novembre 2020 et 22 janvier 2021, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan, représenté par Me Chanlair, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner le remboursement de la somme de 1 500 euros mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de Mme B..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 500 euros au titre de la première instance et une somme de 3 500 euros au titre de l'appel.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté les fins de non-recevoir qu'il opposait en défense en première instance ; la requête ne vise pas la décision de rejet du 12 novembre 2018 de sa réclamation indemnitaire et ne pouvait se prévaloir d'une décision implicite de rejet, laquelle n'était pas née à la date du 26 novembre 2018 ; elle n'est pas motivée en fait et en droit au regard des motifs exposés dans la décision de rejet du 12 novembre 2018 ;
- s'il y a un lien entre la maladie de Mme B... et l'exercice de ses fonctions, sa maladie trouve sa cause non dans le contexte ou les conditions de travail mais dans son incapacité à s'adapter à ses missions, son comportement et ses défaillances en tant qu'agent ; l'établissement d'un lien de causalité entre la pathologie et le service ne permet pas de présumer l'existence d'un lien de causalité entre un préjudice moral et le service ;
- le préjudice n'est justifié ni sans sa nature ni dans sa consistance ni dans son quantum ;
- le jugement est insuffisamment motivé pour justifier l'octroi de la somme allouée au titre du préjudice moral ;
- à titre subsidiaire, la somme de 15 000 euros sollicitée par voie de l'appel incident est surévaluée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2020, Mme B..., représentée par Me Matel, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement attaqué pour porter le montant de la condamnation prononcée à la somme de 15 000 euros et demande que soit mise à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- sa requête de première instance était recevable ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- en limitant son préjudice à la somme de 4 000 euros alors qu'elle a été victime d'un effondrement psychique ainsi que de pressions et de tensions dont seule sa hiérarchie est à l'origine, les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me Henriot, substituant Me Chanlair, représentant le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan et de Me Matel, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., fonctionnaire depuis 1996, a rejoint le centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) du Morbihan, au mois d'octobre 2013 et occupait, à compter du mois d'avril 2016, le poste de directrice adjointe du pôle santé au travail. Elle a été placée en arrêt de travail du 8 novembre 2016 au 2 juin 2017, puis du 9 juin 2017 au 15 mars 2018. Par un arrêté du 3 avril 2018, le directeur du CGFPT a reconnu l'imputabilité au service de ces arrêts de travail. Par un courrier du 24 septembre 2018, Mme B... a sollicité l'indemnisation à hauteur de 15 000 euros du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de sa maladie professionnelle. Cette demande a été rejetée par décision du 12 novembre 2018. L'intéressée a alors sollicité, auprès du tribunal administratif de Rennes, la condamnation du CGFPT du Morbihan à lui verser la somme de 15 000 euros. Par un jugement du 1er octobre 2020, ce tribunal a condamné le CGFPT du Morbihan à verser à Mme B... la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral (article 1er), a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté les conclusions du CGFPT du Morbihan tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3). Le CGFPT du Morbihan relève appel de ce jugement pour en demander l'annulation tandis que Mme B..., par la voie de l'appel incident, sollicite la réformation de son article 1er pour porter la condamnation à la somme de 15 000 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges ont indiqué aux points 7, 12 et 16 du jugement attaqué les éléments de fait justifiant de la réparation à laquelle le CGFPT du Morbihan a été condamné. Par suite, il comporte une motivation suffisante et le moyen tiré de l'irrégularité pour ce motif doit être écarté.
Sur la recevabilité de la demande de Mme B... :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ". La requête de Mme B..., enregistrée le 26 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Rennes, conclut à la condamnation du CGFPT du Morbihan à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral enduré. S'il est fait état, par erreur, dans les écritures de cette requête introductive d'instance d'une absence de réponse explicite à la demande préalable indemnitaire de Mme B... qu'elle a présenté le 24 septembre 2018, il ressort des pièces jointes à cette même requête que cette réclamation avait fait l'objet d'une décision de rejet le 12 novembre 2018. Le contentieux indemnitaire introduit par Mme B..., postérieurement à cette décision expresse et dans le délai de recours de deux mois prévu par les dispositions précitées, était donc lié et recevable.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. " La requête conclut à la condamnation du CGFPT du Morbihan après avoir rappelé le contexte des faits ayant conduit l'intéressée à solliciter, par une réclamation du 24 septembre 2018, auprès du CGFPT du Morbihan la réparation du préjudice subi, exposé les motifs de droit justifiant des principes de responsabilité invoqués et mentionné la somme sollicitée au titre de l'indemnisation du préjudice moral que l'intéressée estime avoir subi. Par suite, elle satisfait aux exigences de motivation prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La circonstance qu'elle ne vise pas la décision du 12 novembre 2018, n'en demande pas l'annulation et ne développe aucun moyen aux fins d'annulation de cette décision, ne caractérise pas, contrairement à ce que soutient le CGFPT du Morbihan, une insuffisance de motivation de nature à la rendre irrecevable dès lors que le recours introduit par Mme B... n'a pas la nature d'un recours en excès de pouvoir tendant à l'annulation de cette décision mais celle d'un recours de plein contentieux indemnitaire.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que le CGFPT du Morbihan n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a écarté les fins de non-recevoir qu'il a opposé à la requête de Mme B... et a estimé cette dernière recevable.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Après avoir écarté l'engagement de responsabilité pour faute du CGFPT du Morbihan et avoir relevé que la pathologie dont a souffert Mme B... présentait un lien direct avec l'exercice de ses fonctions et avait été reconnue imputable au service par décision du 3 avril 2018 et que les difficultés managériales et l'incapacité à accepter les projets d'évolution du service dont Mme B... faisait preuve ne sauraient être regardés comme détachables du service, les premiers juges ont estimé que la responsabilité sans faute du CGFPT du Morbihan était engagée en raison des risques encourus à l'occasion de l'exercice des fonctions et l'ont condamné, sur ce fondement, à verser à Mme B... une somme de 4 000 euros au titre du préjudice moral subi.
7. Le fonctionnaire qui a enduré, du fait d'une maladie professionnelle, des souffrances physiques ou morales, peut obtenir de la collectivité qui l'emploie, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ce chef de préjudice.
8. Il résulte de l'instruction que, par arrêté du 3 avril 2018, le président du CGFPT du Morbihan a reconnu imputable au service la pathologie dont Mme B... a souffert à compter du 8 novembre 2016 et pour laquelle elle a été placée en congé de longue maladie du 8 novembre 2016 au 6 juin 2017 puis du 9 juin 2017 au 8 mars 2018. Ce faisant, il a reconnu que le syndrome dépressif de l'intéressée présentait un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de cette maladie et exclu que le fait personnel de l'agent conduise à détacher du service la survenance de cette maladie. Par conséquent, le CGFPT du Morbihan n'est pas fondé, pour s'exonérer totalement de sa responsabilité engagée sur le fondement du risque en raison de cette reconnaissance d'imputabilité, à soutenir que la maladie de l'intéressée trouve son origine non dans le contexte ou les conditions de travail mais dans le seul comportement professionnel de l'intéressée et que ce fait personnel, qu'il a pourtant lui-même estimé comme ne justifiant pas à détacher du service cette maladie, soit qualifié de faute exonératoire et fasse obstacle à toute indemnisation. La reconnaissance du caractère imputable au service de la maladie implique, en application de ce qui a été dit au point 7, que Mme B... puisse obtenir une indemnité réparant les souffrances qu'elle a endurées du fait de cette maladie.
9. Au cas d'espèce, il résulte de l'instruction, singulièrement de l'expertise rendue par le psychiatre agréé le 31 juillet 2017, que Mme B... a souffert d'un trouble anxiodépressif à prévalence anxieuse, associé à une pensée obsessionnalisée du travail et des cauchemars, nécessitant la mise en place d'un traitement par anxiolytique. Au regard de la durée pendant laquelle l'intéressée a souffert de cette pathologie et a dû être placée en congé de longue maladie à ce titre, et en l'absence de tout autre élément caractérisant le préjudice moral dont Mme B... se prévaut, il sera fait une plus juste appréciation de l'indemnité qui lui est due au titre de ce préjudice en lui allouant la somme de 2 000 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le CGFPT du Morbihan est seulement fondé à demander la réformation de l'article 1er du jugement attaqué pour ramener la condamnation qui a été prononcée à son encontre à la somme de 2 000 euros et que les conclusions incidentes de Mme B... tendant à ce que cette somme mentionnée à l'article 1er du jugement attaqué soit portée à la somme de 15 000 euros doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. D'une part, Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan tendant à ce que Mme B... soit condamnée à lui rembourser les sommes versées en exécution du jugement attaqué sont sans objet et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
12. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La somme que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan a été condamné à verser à Mme B... est réduite à la somme de 2 000 euros.
Article 2 : Le jugement du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Rennes est réformé en celle qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan et des conclusions de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2021.
La rapporteure,
F. C...Le président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03520 2
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