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17/09/2021 | FRANCE | N°19NT04927

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 septembre 2021, 19NT04927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes D... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la communauté d'agglomération de la presqu'île de Guérande Atlantique (CAP Atlantique) à leur verser la somme de 1 188 080 euros en réparation des dommages qu'elles estiment avoir subis du fait de la construction, à proximité immédiate de leur maison, d'un bassin tampon d'eaux usées de 2 900 m3.

Par des jugements n° 1510801 des 15 mai 2018 et 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes, après avoir ordo

nné une expertise avant dire droit, a condamné CAP Atlantique à verser à Mmes A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes D... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la communauté d'agglomération de la presqu'île de Guérande Atlantique (CAP Atlantique) à leur verser la somme de 1 188 080 euros en réparation des dommages qu'elles estiment avoir subis du fait de la construction, à proximité immédiate de leur maison, d'un bassin tampon d'eaux usées de 2 900 m3.

Par des jugements n° 1510801 des 15 mai 2018 et 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes, après avoir ordonné une expertise avant dire droit, a condamné CAP Atlantique à verser à Mmes A... la somme totale de 171 823 euros et a rejeté les appels en garantie formés par cette collectivité publique à l'encontre de la société IRH Ingénieurs Conseil, maître d'œuvre des travaux, et des sociétés EGDC et Bottes Fondations, constructeurs.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 décembre 2019 et 10 février et

16 avril 2021 CAP Atlantique, représentée par Me Phelip, demande à la cour :

1°) d'annuler ces jugements du tribunal administratif de Nantes des 15 mai 2018 et

22 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mmes A... devant le tribunal administratif de Nantes ou, à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité qui leur a été allouée ;

3°) de condamner la société IRH Ingénieur Conseil et les société Botte Fondations et EGDC à la garantir de respectivement 30% et 40% des indemnités allouées à Mmes A... ;

4°) de mettre à la charge de Mmes A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de la demande de Mmes A..., qui tend à la réparation de dommages causés par des véhicules ;

- sa responsabilité n'est pas engagée, dès lors que l'immeuble de Mmes A... était déjà affecté de multiples désordres avant le commencement des travaux publics en litige, en particulier de fissures, dont la cause déterminante est l'absence de fondations adaptées, et que toutes les précautions ont été prises pendant l'exécution du chantier pour ne pas endommager les habitations voisines ;

- les montants alloués par le tribunal sont excessifs, voire injustifiés : les travaux de confortation des fondations du pavillon constitueraient une amélioration injustifiée de l'état initial et ne peuvent, en tout état de cause, excéder la somme de 43 365 euros fixée par l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire ; les travaux de remise en état de l'intérieur du pavillon ne sont pas davantage justifiés ; en toute hypothèse, un abattement pour vétusté d'au moins 75% doit être appliqué ; aucune perte de valeur vénale n'est établie,

Mmes A... ne justifiant d'aucun projet de vente de leur pavillon ni d'une estimation de

moins-value ; la somme allouée au titre des réparations urgentes ne saurait excéder

2 119,28 euros ; Mmes A... ne justifient pas avoir subi des troubles dans leurs conditions d'existence ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de condamner la société IRH Ingénieur Conseil, maître d'œuvre de l'ouvrage public, à la garantir de 30% des condamnations prononcées à son encontre en raison de son manquement à son devoir de conseil ; il convient également de condamner les sociétés Botte Fondations et EGDC, constructeurs, à la garantir à hauteur de 40% des mêmes condamnations.

Par des mémoires en défense enregistrés les 7 mai 2020, 22 février 2021 et 21 mai 2021 (ce dernier non communiqué) la société IRH Ingénieur Conseil, représentée par Me Liaud, conclut :

1°) au rejet des conclusions d'appel en garantie formulées à son encontre par CAP Atlantique ;

2°) subsidiairement, à ce qu'il soit jugé que sa part de responsabilité n'excède pas 30% et que CAP Atlantique et les sociétés Bottes Fondations et EGDC soient solidairement condamnées à la garantir de toute condamnation excédant ce taux ;

3°) à ce que soit mise à la charge de CAP Atlantique la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les travaux ayant été réceptionnés sans réserve, il a été mis fin aux relations contractuelles entre le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, de sorte que l'appel en garantie de CAP Atlantique doit être rejeté ;

- subsidiairement, elle n'a aucune responsabilité dans la survenue des dommages.

Par des mémoires enregistrés les 21 juillet 2020 et 30 avril 2021 les sociétés EGDC et Botte Fondations, représentées par Me Viaud, concluent au rejet de la requête et des conclusions d'appel incident de Mmes A... et demandent à la cour de mettre à la charge de CAP Atlantique la somme totale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens présentés par CAP Atlantique et par Mmes A... ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 10 novembre 2020, 9 avril 2021 et 21 mai 2021 (ce dernier non communiqué) Mmes A..., représentées par Me Cottin, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, au besoin après avoir ordonné une nouvelle expertise, à ce que leur indemnité soit portée à la somme de 1 212 572 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2010 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) à ce que soit mis à la charge de CAP Atlantique les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par CAP Atlantique ne sont pas fondés ;

- le tribunal administratif de Nantes a sous-évalué leurs préjudices ; elles ont droit à 200 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, 16 580 euros au titre des frais divers, 645 992 euros au titre de la remise en état du pavillon et 350 000 euros au titre de la perte de sa valeur vénale.

Vu :

- la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me Phelip, représentant CAP Atlantique, de Me Liaud représentant la société IRH Ingénieur Conseil et de Me Viaud, représentant les sociétés EGDC et Botte Fondations.

Une note en délibéré, présentée pour les sociétés EGDC et Botte Fondations, a été enregistrée le 2 septembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A... a acquis en 1984 à La Baule un ensemble immobilier composé d'une maison d'habitation, de deux annexes et d'un garage. Le 15 mars 2010, la communauté d'agglomération de la presqu'île de Guérande Atlantique (CAP Atlantique) a entrepris la construction d'un bassin tampon d'eaux usées de 2 900 m3 sur un terrain jouxtant cette propriété. A partir du 22 mars 2010, Mme D... A... et sa fille C... A..., avec laquelle elle vit, ont constaté des fissures dans les murs de leur maison. Elles ont saisi le président du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire d'une demande d'expertise de leurs dommages. Ce tribunal a désigné un expert, qui a remis son rapport le 7 novembre 2011. Mmes A..., insatisfaites des conclusions de ce rapport, ont fait établir une contre-expertise le 30 septembre 2013 par M. B..., ingénieur conseil. Elles ont ensuite demandé au tribunal administratif de Nantes la condamnation de CAP Atlantique à leur verser la somme de 1 188 080 euros. Par un jugement n° 1510801 des 15 mai 2018 et 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes, après avoir ordonné une expertise avant dire droit, a condamné CAP Atlantique à verser à Mmes A... la somme totale de 171 823 euros et a rejeté les appels en garantie formés par la communauté d'agglomération contre la société IRH Ingénieur Conseil, maître d'œuvre, et les sociétés EGDC et Bottes Fondations, membres du groupement chargé de la réalisation des travaux.

CAP Atlantique relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, Mmes A... demandent que leur indemnité soit portée à la somme de 1 212 572 euros.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigés contre une personne de droit public : " par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages causés par un véhicule quelconque ". Toutefois, l'attribution de compétence ainsi donnée par ces dispositions aux tribunaux de l'ordre judiciaire ne s'applique que pour autant que le préjudice invoqué trouve sa cause déterminante dans l'action d'un véhicule et non dans la conception, l'organisation ou les conditions d'exécution de l'opération de travaux publics prise dans son ensemble.

3. Il résulte des conclusions du premier expert, mandaté par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, que la maison de Mme A... a subi des dommages, composés essentiellement de fissures, causés par les vibrations provoquées par les engins de chantier peu après le commencement des travaux, et que ces dommages ont été aggravés par " le déchaussement des fondations à partir de septembre 2010, période où les travaux de décapage et autre terrassement ont eu lieu ". Selon cette même expertise, aucune mesure conservatoire n'a été prise, ni même prescrite par les responsables du chantier et les recommandations du bureau de contrôle n'ont pas été suivies, alors même que la fragilité de l'immeuble, dans sa partie extérieure au moins, avait été relevée par un huissier quelques jours avant le début des travaux et que la faiblesse des fondations avait nécessairement été mise en évidence par les terrassements. Les dommages subis par Mmes A... résultent ainsi d'un défaut dans la préparation et l'exécution de l'opération de travaux publics en cause et non directement de l'action des engins de chantier. Par suite, la juridiction administrative est compétente pour statuer sur la demande de Mmes A... tendant à la réparation de ces dommages et les jugements attaqués ne sont donc pas entachés d'irrégularité sur ce point.

Sur la responsabilité de CAP Atlantique :

4. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, le maître d'œuvre et les constructeurs en charge des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution de ces travaux publics à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel. En outre, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

5. Le maître d'ouvrage est également responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Dans ce cas, ces tiers sont tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent.

6. Il résulte de l'instruction, notamment d'un constat d'huissier établi le 12 mars 2010 à la demande de la société EGDC et du rapport de l'expert diligenté par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, que si le bien de Mme A... mère était, avant même le commencement des travaux publics en cause, affecté de fissures causées par sa structure fragile et peu rigide et par la mauvaise qualité de ses fondations, toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au point 3, ces travaux ont aggravé ces désordres, accentuant les fissures anciennes et en créant de nouvelles. Par suite, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu, que la fragilité préexistante de la maison de Mme A... serait imputable à une faute de celle-ci, la responsabilité de CAP Atlantique est engagée à raison des désordres affectant le bien appartenant à Mme A....

7. Si CAP Atlantique soutient aussi que toute les précautions ont été prises pour prévenir l'apparition de nouveaux dommages, cette circonstance, au demeurant infirmée par les pièces de l'instruction ainsi qu'il a été dit au point 3, est sans incidence sur la responsabilité du maître de l'ouvrage à l'égard des tiers à raison des désordres survenus à l'occasion de la réalisation des travaux publics.

8. Enfin, si la mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique à raison de l'existence d'un ouvrage public est subordonnée à la démonstration par le tiers concerné de l'existence d'un préjudice anormal et spécial, il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que la présence d'un bassin tampon d'eaux usées de 2 900 m3 sur un terrain jouxtant le bien en litige est de nature, par les désagréments particuliers qu'elle est susceptible d'engendrer, à engager la responsabilité du maître de l'ouvrage.

Sur les préjudices :

9. Il résulte du premier rapport d'expertise que Mmes A... ont engagé des frais pour réparer en urgence certains désordres provoqués par les vibrations du chantier et par le déchaussement des fondations de leur maison. Il y a lieu toutefois d'écarter, ainsi que l'a fait l'expert, les sommes exposées pour la réparation d'un bac à douche, en lien avec un dégât des eaux dont la relation de cause à effet avec les travaux publics en cause n'est pas établie, et le remplacement d'une chaudière en octobre 2013, deux ans après la fin de ces travaux. L'indemnité à laquelle peuvent prétendre Mmes A... s'élève ainsi à la somme totale de 4 301,96 euros.

10. Il y a lieu, sur la base de l'évaluation réalisée par le premier expert, actualisée pour tenir compte du fait que les fissures constatées en 2010 ont légèrement progressé depuis, de condamner CAP Atlantique à verser à Mmes A... la somme de 25 000 euros au titre des travaux de peinture et de reprise des fissures intérieures et extérieures. Il y a lieu, en outre, de tenir compte du fait que ces désordres trouvent en partie leur origine dans l'état initial de fragilité et de vulnérabilité du bien et de laisser à la charge de Mmes A... 30% de cette somme.

11. Il y a lieu de condamner CAP Atlantique à prendre à sa charge les travaux de confortation en sous-sol de la propriété de Mme A..., affectée par les travaux publics en cause. Ainsi qu'il résulte des conclusions claires et précises de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nantes, la solution consistant en la pose de longrines sur micro-pieux, d'un coût supérieur à 197 000 euros, serait disproportionnée par rapport à l'importance des dommages constatés. Il y a donc lieu de retenir la solution technique recommandée par l'expert, à savoir une injection contrôlée de résine expansive dans le sol, solution qui ne nécessite ni la réalisation d'une étude de sol préalable, ni un temps de séchage important, ni la démolition et le remplacement de dallages, et permet de rétablir la configuration des lieux à l'identique par rapport à la situation antérieure à l'apparition des désordres et entre dans le champ de la garantie décennale. L'expert, sur la base d'un devis, a évalué à 86 823 euros le coût de ces travaux. Pour la même raison que celle indiquée au point précédent et tenant au défaut de conception originel des fondations de l'habitation, seuls 70% de cette somme seront mis à la charge de CAP Atlantique.

12. Il résulte de l'instruction que les travaux en litige ont duré environ dix-huit mois et qu'ils ont généré du bruit, des vibrations, de la poussière et des désordres auxquels

Mmes A... ont dû remédier en urgence. Il sera fait une plus juste évaluation de l'indemnité due à ce titre à Mmes A... en condamnant CAP Atlantique à leur verser la somme totale de 15 000 euros.

13. Mmes A... ont exposé, en lien avec le dommage de travaux publics qu'elles ont subi, des frais divers correspondant à des honoraires d'avocats, d'experts et d'huissiers de justice. Sur la base des factures produites, l'évaluation de ce préjudice peut être fixée à 8 000 euros.

14. Enfin, et s'agissant du dommage permanent lié à la présence de l'ouvrage public, si Mmes A... soutiennent que leur bien a perdu 50% de sa valeur vénale en raison de la proximité du bassin de rétention des eaux usées, elles n'ont produit, ni en première instance ni en appel, aucun document de nature à établir de manière probante la pertinence de cette estimation. Dans ces conditions, elles doivent être regardées comme ne justifiant ni de la réalité ni du montant de leur préjudice.

15. De même, si les intéressées sollicitent le versement d'une somme de 634 142 euros correspondant au coût de la démolition et de la reconstruction de leur maison, aucune préconisation d'une telle ampleur ne résulte des deux expertises judiciaires. Par voie de conséquences, elles ne sauraient davantage réclamer le versement d'une somme de 65 832,15euros au titre des frais d'hébergement et de garde-meuble pendant ces travaux.

16. Il résulte de ce qui précède que CAP Atlantique doit être condamnée à verser à Mmes A... la somme de 105 578,06 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2013, date de réception de leur réclamation préalable, et ces intérêts seront capitalisés à compter du 31 décembre 2015, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les appels en garantie :

17. Le devoir de conseil du maître d'œuvre ne concerne que l'état de l'ouvrage achevé sans s'étendre aux désordres causés à des tiers par l'exécution du marché. Par suite, CAP Atlantique n'est pas fondée à demander que la société IRH Ingénieur Conseil soit condamnée à la garantir au titre d'un manquement à son obligation de conseil lors de la réception de l'ouvrage public.

18. La société IRH Ingénieur Conseil n'étant pas condamnée au versement d'une somme d'argent, ses conclusions tendant à ce que CAP Atlantique et les sociétés Bottes Fondations et EGDC soient solidairement condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre sont sans objet et doivent, pour ce motif, être rejetées

19. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La réception d'un ouvrage public sans réserve interdit donc, en principe, sauf clause contractuelle contraire, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation auprès des constructeurs.

20. L'article 9.6. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de travaux publics en cause stipule : " Il est entendu que pendant la durée d'exécution des travaux et jusqu'à l'expiration du délai de garantie, le titulaire du marché est seul responsable vis-à-vis des tiers de tous dommages et de toutes leurs conséquences préjudiciables de quelque nature que ce soit, résultant de tous les travaux effectués et des suites. ". Selon l'article 15 du CCAP : " L'entrepreneur devra assurer à ses frais (...) tous les paiements aux tiers d'indemnités et dommages ". Enfin, l'article 12.2 du CCAP stipule que le titulaire du marché doit justifier avoir contracté " une assurance garantissant sa responsabilité à l'égard des tiers en cas d'accidents ou de dommages causés par la conduite des travaux ou les modalités de leur exécution ".

21. Il ne résulte pas de ces stipulations que la responsabilité contractuelle des sociétés EGDC et Botte Fondations puisse être engagée au-delà de la date de réception de l'ouvrage, soit le 3 janvier 2012, augmentée de la durée du délai contractuel de garantie. Par suite, à la date du 31 décembre 2015 à laquelle Mmes A... ont saisi le tribunal administratif de leur recours indemnitaire, la responsabilité contractuelle de ces constructeurs avait été levée. Les conclusions d'appel en garantie formulées à leur encontre par CAP Atlantique ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

22. Il résulte de tout ce qui précède que CAP Atlantique n'est fondée que dans la mesure indiquée au point 16 à demander la réformation du jugement attaqué, et que les conclusions d'appel incident de Mmes A..., de même que les conclusions d'appel en garantie présentées par CAP Atlantique et par la société IRH Ingénieur conseil, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 11 182,27 euros, sont mis définitivement à la charge de CAP Atlantique.

24. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties à l'instance les frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 171 823 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné CAP Atlantique à verser à Mmes A... est ramenée à 105 578,06 euros. Cette somme portera intérêt et capitalisation des intérêts dans les conditions fixées au point 16.

Article 2 : Le jugement n° 1510801 du tribunal administratif de Nantes du 22 octobre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions incidentes présentées par Mmes A... sont rejetés.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la société IRH Ingénieur Conseil.

Article 5 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 11 182,27 euros, sont mis définitivement à la charge de CAP Atlantique.

Article 6 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à CAP Atlantique, à Mme D... A..., à Mme C... A... et aux sociétés IRH Ingénieur Conseil, EGDC et Botte Fondations.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2021.

Le rapporteur

M. L'hirondelLa présidente

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT04927


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04927
Date de la décision : 17/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET PHELIP

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-17;19nt04927 ?
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