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09/09/2021 | FRANCE | N°20NT00356

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 09 septembre 2021, 20NT00356


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Acoln a demandé au tribunal administratif de Caen le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du quatrième trimestre de l'année 2018.

Par une ordonnance n° 1900844 du 2 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 janvier 2020 et 8 décembre 2020, la SCI Acoln, représentée par Me Vallançon, demande à la cour :
>1°) d'annuler l'ordonnance du 2 décembre 2019 ;

2°) de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Acoln a demandé au tribunal administratif de Caen le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du quatrième trimestre de l'année 2018.

Par une ordonnance n° 1900844 du 2 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 janvier 2020 et 8 décembre 2020, la SCI Acoln, représentée par Me Vallançon, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 décembre 2019 ;

2°) de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du quatrième trimestre de l'année 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée n'est pas suffisamment motivée ;

- elle exerce une activité économique au sens des articles 256 et 256 A du code général des impôts ;

- l'activité de location d'installations de tennis est considérée comme imposable à la taxe sur la valeur ajoutée selon l'instruction administrative publiée dans le

BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-30 n° 60 ;

- elle peut se prévaloir du paragraphe 170 de l'instruction publiée au

BOI-TVA-CHAMP-50-10 ;

- elle justifie de la réalité du loyer et de son caractère normal.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 juillet 2020 et 16 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Acoln a pour activité la location de terrains et autres biens immobiliers. Cette société a demandé, le 20 décembre 2018, le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 52 862 euros, au titre du 4ème trimestre 2018. Ce crédit a pour origine la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative à des travaux d'aménagement d'installations, situées sur le territoire de la commune de Bréville-sur-Mer (Manche) et comprenant notamment des courts de tennis et un club-house, dont la SCI Acoln est propriétaire et qu'elle met à la disposition de l'association Club Oxygène. Par une décision du 15 février 2019, le directeur départemental des finances publiques du Calvados a rejeté la réclamation de la SCI Acoln au motif que la mise à disposition des installations qui ont fait l'objet des travaux d'aménagement, à l'origine du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont le remboursement est demandé, ne constitue pas une activité économique au sens de l'article 256 A du code général des impôts qui permettrait à la société un assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, en application du 1 du I de l'article 271 du même code, une déductibilité de cette taxe. La SCI Acoln a demandé au tribunal administratif de Caen le remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Par une ordonnance du 2 décembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande, sur le fondement du

7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. La SCI Acoln fait appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Si la requérante soutient que " le tribunal n'a pas recherché si des loyers avaient effectivement été acquittés auprès de la SCI Acoln et a ainsi entaché son ordonnance d'une insuffisance de motivation ", ce moyen, au vu de sa formulation, est relatif au bien-fondé de l'ordonnance et non à sa régularité.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". L'article 256 A du même code dispose que : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ". Le 1 du I de l'article 271 du code général des impôts dispose que : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ".

4. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des dispositions de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dont elles assurent la transposition. Aux termes de l'article 2 de cette directive : " 1. Sont soumises à la TVA les opérations suivantes : (...) c) les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d'un État membre par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 9 de la même directive : " 1. Est considéré comme "assujetti" quiconque exerce, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. Est considérée comme "activité économique" toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services. Est en particulier considérée comme activité économique, l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en tirer des recettes ayant un caractère de permanence (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'est considéré comme assujetti quiconque exerce, de façon indépendante, une activité économique, quels que soient les buts et les résultats de cette activité. Une activité est, en règle générale, qualifiée d'économique lorsqu'elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l'auteur de l'opération. La possibilité de qualifier une opération d'" opération à titre onéreux " suppose uniquement l'existence d'un lien direct entre la livraison de biens ou la prestation de services et une contrepartie réellement reçue par l'assujetti. Ainsi, le fait qu'une opération économique soit effectuée à un prix supérieur ou inférieur au prix normal du marché est sans pertinence s'agissant de cette qualification. Il en va de même du lien pouvant éventuellement exister entre les parties à l'opération.

6. En particulier, la location d'un immeuble moyennant un loyer constitue en principe une activité économique et la seule circonstance que, compte tenu notamment du coût de revient de l'immeuble, le loyer consenti soit anormalement bas au regard d'une gestion commerciale normale ne permet pas de remettre en cause cette qualification d'activité économique. En revanche, une location ne constitue pas une activité économique lorsque, en raison du caractère insignifiant ou symbolique du montant du loyer stipulé dans le bail ou du montant des loyers effectivement encaissés, elle doit être regardée comme une libéralité consentie par le bailleur au bénéfice du preneur.

7. Il résulte de la convention de mise à disposition des installations, conclue le

23 novembre 2018 entre la SCI Acoln et l'association Club Oxygène, en vigueur lors de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de la requérante du

20 décembre 2018 et au 31 décembre 2018, terme du quatrième trimestre 2018, et devant être appliquée initialement jusqu'au 30 septembre 2019, que le montant du loyer était " calculé en fonction des sommes restantes disponibles après avoir soldé les charges citées ci-dessous : redevance de location du sol à la mairie, taxes foncières, charges fiscales et sociales, TVA, frais généraux de fonctionnement du club : électricité, téléphone, eau, gaz, frais de bureau, assurances, entretien des terrains et du club, publicité. ". Dès lors, en l'absence de certitude sur le montant des sommes restantes disponibles, ce loyer présentait un caractère hypothétique. La requérante soutient que cette première convention correspondait à la période de lancement de l'association Club Oxygène, en période hivernale, après 18 ans sans exploitation de ces courts de tennis, dans un contexte conflictuel avec la mairie et qu'elle n'a duré qu'un mois, dès lors qu'une seconde convention a été conclue le 20 juin 2019, avec effet rétroactif au 1er janvier 2019, fixant un loyer mensuel de 500 euros hors taxes. Toutefois, comme le fait valoir l'administration, la requérante n'a déclaré aucun loyer au titre de l'année 2018 et elle avait déclaré, le 6 février 2019, lors de l'instruction sur place de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée, que l'association Club Oxygène ne pouvait pas assumer le versement d'un loyer et qu'elle utilisait les infrastructures depuis octobre 2018 à titre gratuit. De plus, la production de ces factures s'agissant des loyers pour l'année 2019, qui comportent la mention manuscrite " réglé chèque " ou " réglé ", et d'un journal de recettes succinct, ne saurait justifier des dates effectives des paiements. En outre, la facture du premier trimestre 2019 est datée du 2 avril 2019 alors que la seconde convention, prévoyant un loyer mensuel de 500 euros hors taxes, n'a été rédigée que le 20 juin 2019.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la réalité de la perception des loyers n'est pas établie. Par conséquent, l'activité de mise en location de la SCI Acoln ne présentait pas un caractère économique. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la SCI Acoln n'avait pas la qualité d'assujettie et a refusé sur le fondement de la loi fiscale sa demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. En premier lieu, si la requérante se prévaut de l'instruction administrative publiée dans le BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-30 n° 60, aux termes de laquelle l'activité de location d'installations de tennis est considérée comme imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, celle-ci se rapporte au caractère imposable à la taxe sur la valeur ajoutée d'opérations effectuées par des assujettis, alors que l'administration oppose à la requérante le fait de ne pas avoir la qualité d'assujettie.

9. En second lieu, aux termes du paragraphe 170 de l'instruction publiée au

BOI-TVA-CHAMP-50-10 : " Cela étant, en ce qui concerne l'exercice du droit à déduction, il est admis que dès lors qu'une option a été formulée en bonne et due forme par le bailleur, cette dernière produit ses effets sur les locaux nus à usage professionnel non effectivement donnés en location par le bailleur mais dont il peut être établi, par des éléments objectifs, qu'il les offre à la location. (...) ". Ce paragraphe ne comporte pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Acoln n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande relative au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du quatrième trimestre de l'année 2018. Par voie de conséquence, sa demande relative aux frais liés au litige doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Acoln est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Acoln et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 30 août 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2021.

La rapporteure,

P. A...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT00356

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00356
Date de la décision : 09/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET FIDAL (MULHOUSE)

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-09;20nt00356 ?
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