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08/07/2021 | FRANCE | N°21NT00150

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 08 juillet 2021, 21NT00150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 octobre 2017 par laquelle la préfète de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1807886 du 25 août 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, e

nregistrés les 19 janvier 2021 et 3 mai 2021, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 octobre 2017 par laquelle la préfète de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1807886 du 25 août 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 janvier 2021 et 3 mai 2021, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- étant français depuis sa naissance, il ne pouvait faire l'objet d'une décision portant refus de titre de séjour ;

- si la cour estimait que sa nationalité française n'est pas établie, il y aurait lieu de saisir la juridiction judiciaire d'une question préjudicielle relative à sa nationalité et de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse du juge judiciaire ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2021, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant comorien né le 18 décembre 1997, est entré en France métropolitaine le 15 octobre 2015, muni d'un titre d'identité républicain délivré par le préfet de Mayotte. Le 8 novembre 2016, il a demandé au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour. Par une décision du 17 octobre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande. M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Par un jugement n° 1807886 du 25 août 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". L'article 20-1 du même code prévoit que : " La filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité ". L'article 29 du même code dispose : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire (...) ". Il résulte des dispositions de l'article 30 du même code que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française.

3. Aux termes de l'article R 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

4. S'il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre administratif de connaître des contestations sur la nationalité française, elles ne sont cependant tenues de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction civile se soit prononcée que dans le cas où la contestation soulève une difficulté sérieuse.

5. M. C... fait valoir que son père est de nationalité française et qu'il est par conséquent de nationalité française. Toutefois, il est constant que la nationalité française de M C... n'a pas été établie pendant sa minorité. Dès lors, en application de l'article 20-1 du code civil, la filiation invoquée n'a pas d'effet sur la nationalité de M. C.... Par ailleurs, le préfet de la Loire-Atlantique fait valoir sans être contredit que M. C... a présenté une demande de naturalisation qui a été rejetée. Dans ces conditions, l'exception de nationalité soulevée par le requérant ne présente pas de difficulté sérieuse et doit être écartée.

6. En deuxième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : "(...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant comorien né le 18 décembre 1997, a vécu et a été scolarisé à Mayotte depuis au moins l'âge de sept ans. Son père, de nationalité française, réside à Mayotte ainsi que sa grand-mère. Il est constant que M. C..., accompagné de sa mère, est entré en France métropolitaine en 2015, à l'âge de 17 ans, muni d'un titre d'identité républicain. En outre, sa mère réside régulièrement en France. Trois de ses frères ont la nationalité française et vivent en France. Sa soeur, avec laquelle il est régulièrement en contact, réside de manière régulière sur le territoire français. Si M. C... n'a pas obtenu son baccalauréat et a fait l'objet d'une condamnation à un mois d'emprisonnement avec sursis, ces éléments doivent être mis en balance avec le fait que l'ensemble des attaches privées et familiales de M. C... se trouvent en France, pays dans lequel il a vécu l'essentiel de sa vie. Dès lors, bien que les efforts d'intégration de M. C... ont été insuffisants jusqu'à présent, le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2017 implique que soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. C..., sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me B..., conseil de M. C..., d'une somme de 800 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1807886 du 25 août 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 17 octobre 2017 du préfet de la Loire-Atlantique est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. C..., sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me B... une somme de 800 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.

Le rapporteur,

H. A...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT00150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00150
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL R et P AVOCATS OLIVIER RENARD ET CINDIE PAPINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-08;21nt00150 ?
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