Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) JG Investissement a demandé au tribunal administratif de Nantes de lui accorder le remboursement du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1609637 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2019, l'EURL JG Investissement, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de condamner l'Etat au paiement du crédit d'impôt au titre des années 2011 à 2014 pour un montant global de 117 874 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a refusé à tort de lui accorder le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art prévu par les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts au titre des années 2011 à 2014 en raison des dépenses engagées par sa filiale, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Etablissements Gendre ;
- la SASU Etablissements Gendre est spécialisée dans la réalisation de mobilier, d'aménagements muséographiques et d'escaliers fabriqués sur mesure selon les spécifications de la clientèle, dispose d'un bureau d'études, conçoit les plans et réalise des prototypes en vue du contrôle de faisabilité ;
- elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de l'instruction BOI-BIC-RICI-10-100 du 18 mars 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL JG Investissement ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par des réclamations des 24 décembre 2015 et 16 février 2016, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) JG Investissement a demandé à l'administration fiscale le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art prévu par les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts au titre des années 2011 à 2014 en raison des dépenses engagées par sa filiale, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Etablissements Gendre, spécialisée dans la menuiserie métallique et la serrurerie, dont elle détient la totalité du capital. Elles ont été rejetées le 29 septembre 2016. Par un jugement du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande tendant au remboursement du crédit d'impôt " métier d'art " auquel elle estime avoir droit au titre de ces quatre années. L'EURL JG Investissement relève appel de ce jugement.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2011 et 2012 : " I. Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; 2° Des dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la conception des nouveaux produits mentionnés au 1° et à la réalisation de prototypes ; (...) 5° Des autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations de conception de nouveaux produits et à la réalisation de prototypes ; (...) ". Aux termes de ce même article dans sa rédaction applicable aux années 2013 et 2014 : " I. - Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement affectés à la création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série. La création d'ouvrages uniques, réalisés en un exemplaire ou en petite série, se définit selon deux critères cumulatifs : a) Un ouvrage pouvant s'appuyer sur la réalisation de plans ou maquettes ou de prototypes ou de tests ou encore de mise au point manuelle particulière à l'ouvrage ; b) Un ouvrage produit en un exemplaire ou en petite série ne figurant pas à l'identique dans les réalisations précédentes de l'entreprise ;(...) ". Aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes ".
En ce qui concerne les années 2011 et 2012 :
3. Il résulte des dispositions citées au point 2, d'une part, que la seule circonstance qu'une entreprise artisanale exerce un ou plusieurs métiers d'art n'est pas suffisante pour lui permettre d'être éligible au crédit d'impôt et, d'autre part, que les opérations de conception de nouveaux produits ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt consistent en la mise en oeuvre de moyens visant à la production d'un travail de création original. A cet égard, la circonstance que des équipements seraient conçus et fabriqués sur mesure par des personnels mettant en oeuvre un savoir-faire exigeant pour répondre à la demande individuelle de chaque client, constituant ainsi autant d'ouvrages d'artisanat d'art différents et uniques, ne suffit pas à caractériser un travail de conception d'un nouveau produit au sens de ces dispositions.
4. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts subordonnent le bénéfice du crédit d'impôt qu'elles instituent. En particulier, il doit procéder à l'examen concret de la production de l'entreprise en vue de déterminer si elle est constituée de produits ou de gammes de produits nouveaux.
5. Il résulte de l'instruction qu'alors même que chacun des produits qu'elle fabriquait était réalisé sur mesure en un seul exemplaire et sans comporter d'éléments préfabriqués, les escaliers présentant des formes ou des conceptions diverses, en bois, acier, aluminium, inox ou en verre, les passerelles, les mobiliers, les aménagements intérieurs et les vitrines produits par la SASU Etablissements Gendre n'étaient pas des nouveaux produits et ne pouvaient, de ce fait, être éligibles au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater O du code général des impôts. Les circonstances que la SASU Etablissement Gendre soit spécialisée dans la réalisation de mobilier, d'aménagements muséographiques et d'escaliers fabriqués sur mesure selon les spécifications de la clientèle, dispose d'un bureau d'études, conçoit les plans et réalise des prototypes en vue du contrôle de faisabilité ne suffisent pas à caractériser la conception de nouveaux produits qui pourraient se distinguer des objets industriels ou artisanaux existants ou de séries ou de collections précédentes.
En ce qui concerne les années 2013 et 2014 :
6. Comme il a été rappelé au point 2, les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, issues de l'article 35 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, réservent désormais le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art aux entreprises exerçant une activité de " création d'ouvrages uniques, réalisés en un exemplaire ou en petite série ", alors que pouvaient bénéficier de ce crédit d'impôt, dans la rédaction antérieure à cette loi, les activités de " conception de nouveaux produits ". Ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires, cette modification a eu pour objet de restreindre les activités pouvant bénéficier de ce crédit d'impôt, en excluant du bénéfice de ce dispositif, par l'emploi du mot " ouvrage ", d'une part les activités de prestation de services, d'autre part, celles conduisant à la production de biens immeubles ou de biens meubles incorporels.
7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, les escaliers produits par la SASU Etablissements Gendre doivent être regardés comme des biens immeubles par destination au sens du dernier alinéa des dispositions de l'article 524 du code civil aux termes desquelles " Sont aussi immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure " dès lors qu'ils ont vocation à être fixés à un bien immobilier. Dès lors, ces biens sont exclus par nature du bénéfice du crédit d'impôt sur le terrain de la loi fiscale.
8. Il ne résulte pas de l'instruction que les autres réalisations matérielles, notamment les éléments mobiliers, produites par la SASU Etablissements Gendre présentent une originalité particulière en comparaison des commandes de même nature effectuées par l'entreprise au cours des années antérieures. Dès lors, elles ne constituent pas des ouvrages uniques au sens des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
9. L'EURL JG Investissement n'est pas fondée, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, à se prévaloir de l'instruction BOI-BIC-RICI-10-100 du 18 mars 2014 qui ne comporte pas une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL JG Investissement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL JG Investissement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée JG Investissement et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.
Le rapporteur,
J.E. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03807