Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1701165 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juillet 2019, 29 mars 2021 et 6 mai 2021, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer cette décharge et, à titre subsidiaire, de prononcer une décharge partielle tenant compte du fait que les dépenses et investissements réalisés ont concouru, pour moitié, à l'activité d'achat-revente de buis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; le tribunal administratif a statué ultra petita en ce qu'il s'est fondé, pour rejeter les conclusions à fin de décharge, sur un autre moyen que celui présenté par l'administration fiscale ; le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ; le jugement attaqué ne comporte pas les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, en violation des dispositions des articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative ;
- au cours des exercices clos les 31 décembre 2010 et 31 décembre 2011, la totalité du chiffre d'affaires réalisé était de nature commerciale ; la moyenne du chiffre d'affaires réalisé au cours des années 2009, 2010 et 2011 était de nature commerciale à 100% ; la moyenne du chiffre d'affaires réalisé au cours des années 2010, 2011 et 2012 était de nature commerciale à 96 % ; la pépinière relevait ainsi uniquement du régime des bénéfices industriels et commerciaux en application du 1 du I de l'article 155 du code général des impôts ;
- l'activité de négoce de buis, qui relève du régime des bénéfices industriels et commerciaux, est indispensable économiquement pour assurer le démarrage et le maintien de la production agricole de buis ; les dépenses et investissements réalisés l'ont été dans l'intérêt de l'activité de négoce ; les déficits en résultant devaient donc être regardés comme des déficits industriels et commerciaux ; ces dépenses et investissements peuvent, a minima, être affectés pour moitié à l'activité de négoce.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 17 janvier 2020, 12 avril 2021 et 3 juin 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des moyens portant sur la régularité du jugement attaqué, ces moyens ayant été présentés après l'expiration du délai d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,
- et les observations de Me C..., pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Pépinières du Bois Roux exploite une pépinière. Elle relevait, jusqu'au 12 mars 2015, du régime des sociétés de personnes. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a estimé que la somme de 50 676 euros déclarée comme déficit industriel et commercial au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012 devait être qualifiée de déficit agricole et que la somme de 41 542 euros déclarée comme déficit industriel et commercial au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 devait être prise en compte en tant que déficit agricole pour 41 562 euros et comme bénéfice industriel et commercial pour 20 euros. Constatant que les déficits agricoles, contrairement aux déficits industriels et commerciaux, ne pouvaient pas s'imputer sur les autres revenus catégoriels en application du 1° du I de l'article 156 du code général des impôts, le vérificateur a donc rectifié le revenu déclaré par M. et Mme B... en 2012 et 2013, et a en conséquence mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu. Après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation, M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires, dont le montant s'élève, en droit et pénalités, à 25 348 euros pour 2012 et 12 543 euros pour 2013. Par un jugement n° 1701165 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans sa requête introductive d'instance, M. B... s'est borné à contester le bien-fondé des impositions en litige. C'est seulement dans un mémoire complémentaire, présenté après l'expiration de délai d'appel, qu'il a soulevé des moyens portant sur la régularité du jugement attaqué. M. B... a ainsi émis une prétention fondée sur une cause juridique distincte constituant une demande nouvelle qui, ayant été présentée tardivement, n'est pas recevable.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 63 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices de l'exploitation agricole pour l'application de l'impôt sur le revenu, les revenus que l'exploitation de biens ruraux procure soit aux fermiers, métayers, soit aux propriétaires exploitant eux-mêmes. ". L'article 34 du même code prévoit que : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. ". L'article 155 du même code dispose que : " I. - 1. Lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale étend son activité à des opérations dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices de l'exploitation agricole ou dans celle des bénéfices des professions non commerciales, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu. ". Enfin, il résulte des dispositions du 1° du I de l'article 156 du même code que les déficits agricoles ne peuvent s'imputer sur les autres revenus catégoriels qu'à la condition que les revenus nets agricoles n'excèdent pas un certain seuil, qui était fixé à 106 225 euros pour 2012 et 107 075 euros pour 2013.
4. A l'issue du contrôle, et ainsi qu'il a été rappelé au point 1, le vérificateur a estimé que la somme de 50 676 euros déclarée comme déficit industriel et commercial au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012 devait être qualifiée de déficit agricole et que la somme de 41 542 euros déclarée au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 comme déficit industriel et commercial devait être prise en compte en tant que déficit agricole pour 41 562 euros et comme bénéfice industriel et commercial pour 20 euros. Pour opérer cette requalification, le vérificateur a d'abord distingué les ventes de végétaux achetés plus de douze mois avant la vente, qui relèvent d'une activité agricole, et les ventes de végétaux achetés moins de douze mois avant la vente, qui relèvent d'une activité commerciale. Le vérificateur a ensuite constaté que la société exerçait une activité de pépiniériste consistant à cultiver du buis par bouturage, et que cette activité présente un caractère agricole puisqu'elle participe au développement du cycle biologique de développement végétal, et ce pendant plus de douze mois. Au cours du contrôle, M. B... a en effet expliqué au vérificateur que la production d'une boule de buis de 30 centimètres à partir d'une bouture nécessitait 4 à 5 ans de culture, et que la production d'une boule de 40 à 50 centimètres nécessitait 7 ans de culture. Le vérificateur en a déduit que la société était, au cours des années 2009 à 2013, en période de démarrage, et que ce démarrage permettait d'expliquer pourquoi la société n'avait, s'agissant des végétaux achetés plus de douze mois après leur vente, réalisé aucune vente entre 2009 et 2011 et seulement 668 euros de ventes en 2012 et 701 euros en 2013. Le vérificateur a également constaté que la société avait réalisé, en 2010, 2011 et 2013, une activité accessoire de négoce de végétaux, consistant à revendre des buis achetés moins de douze mois auparavant, pour des montants de 555 euros, 10 078 euros et 586 euros. A l'issue de ces constatations, le vérificateur en a déduit, s'agissant de l'année 2012, que le déficit constaté de 50 676 euros relevait des déficits agricoles, la société n'ayant, au cours de cette année 2012, effectué aucune activité de négoce. S'agissant de l'année 2013, le vérificateur a, pour calculer le bénéfice industriel et commercial, effectué la différence entre le montant des ventes de végétaux achetés moins de douze mois auparavant et le coût d'achat de ces végétaux. Pour calculer le déficit agricole, le vérificateur a soustrait du produit des ventes de végétaux achetés plus de douze mois auparavant les coûts d'acquisition de ces plants, mais également l'ensemble des charges d'exploitation, et en particulier les charges de personnel et la dotation aux amortissements.
5. En premier lieu, M. B... soutient qu'en application du 1 du I de l'article 155 du code général des impôts cité au point 3, les déficits constatés en 2012 et 2013 présentaient un caractère industriel et commercial. Toutefois, pour bénéficier de ces dispositions, l'activité industrielle ou commerciale réalisée doit être prépondérante. En l'espèce, l'administration fiscale a estimé que l'activité prépondérante exercée par la société était de nature agricole. Pour ce faire, l'administration s'est fondée sur le fait que la société Pépinière du Bois Roux exerce, comme son nom l'indique, une activité de pépiniériste. La société s'est d'ailleurs enregistrée sous le code APE 013Z " reproduction de plantes ". L'administration s'est ensuite fondée sur le fait que, ainsi que le précisait la plaquette de la société, et comme l'a confirmé M. B... au cours du contrôle de la société, l'activité de la pépinière consistait à cultiver du buis par bouturage et que cette activité nécessitait une culture des plants sur plusieurs années. Le service s'est également fondé sur le fait que la société avait réalisé des investissements pour exercer cette activité en faisant l'acquisition de matériels et outillages agricoles (fendeuses, tronçonneuse, broyeur à herbe, micro-tracter, remorque et fraise rotative) et en remettant en état un hangar. M. B... fait cependant valoir que, entre 2009 et 2013, le chiffre d'affaires lié à la vente de végétaux acquis mois de douze mois auparavant représente l'essentiel du chiffre d'affaires réalisé au cours de la période. Toutefois, la société étant à cette période en cours de démarrage, le chiffre d'affaires ne saurait constituer un critère pertinent pour déterminer l'activité prépondérante de la société. Sur cette période, cette activité d'achat-revente présentait en outre un caractère marginal, puisque la société n'a réalisé aucune vente en 2009 et 2012, et seulement 555 euros en 2010 et 586 euros en 2013. Si, en 2011, la société a réalisé 10 078 euros de ventes de végétaux de moins de douze mois, ces ventes présentent également un caractère marginal eu égard aux investissements réalisés par la société sur cette période, et qui s'élèvent à plus de 300 000 euros. Dès lors, c'est à bon droit que le service s'est fondé, pour déterminer la nature de l'activité principale exercée, non sur le chiffre d'affaires réalisé, mais sur les conditions d'exploitation de la société. L'administration fiscale apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, de ce que les déficits constatés au cours des années 2012 et 2013 présentaient un caractère agricole. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'activité industrielle et commerciale de la société présentait un caractère prépondérant et entrait dans le champ du 1 du I de l'article 155 du code général des impôts.
6. En second lieu, M. B... fait valoir que les charges d'exploitation constatées en 2012 et 2013 auraient dû être totalement, ou a minima partiellement, déduites des bénéfices industriels et commerciaux. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé aux points 4 et 5, l'administration fiscale a bien apporté la preuve que les investissements réalisés l'ont été afin de mettre en place une activité agricole de culture du buis. En outre, ainsi qu'il a été également rappelé au point 5, la société n'a réalisé aucune activité de négoce en 2012, et a seulement réalisé 586 euros de ventes en 2013. Ces ventes de 2013, compte tenu du prix d'achat des plants, ont rapporté à la société 20 euros de recettes. Dès lors, s'il est possible que certains des équipements de la société, comme le hangar, aient pu servir à l'activité de négoce, cette participation à l'activité commerciale n'a pu revêtir qu'un caractère extrêmement marginal. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit imputer l'ensemble des charges d'exploitation à l'activité agricole.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.
Le rapporteur,
H. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT027742