Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B... et Mme A... E... épouse B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 14 juin 2019 par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a refusé à M. B... le bénéfice du regroupement familial pour son épouse.
Par un jugement n° 1902407 du 2 juin 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 août 2020 M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Eure et-Loir du 14 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de leur situation particulière ;
- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur leur situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 février 2021 le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... B..., ressortissant tunisien né en 1977 et titulaire d'une carte de résident valable 10 ans, a déposé auprès des services de la préfecture d'Eure-et-Loir le 3 avril 2019 une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme A... E... épouse B..., une compatriote née en 1978 et entrée en France le 19 avril 2016 sous couvert d'un visa expirant le 7 avril 2017, qu'il a épousée le 25 juin 2016. Par une décision du 14 juin 2019, le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur recours tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
3. Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter celle-ci dans le cas où les membres de la famille à raison desquels la demande a été présentée résident, comme en l'espèce, sur le territoire français. Le préfet dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande, notamment dans le cas où ce refus porterait une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale ou méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. B... au bénéfice de son épouse le préfet d'Eure-et-Loir s'est fondé sur le motif tiré de ce que, cette dernière " étant déjà en France, il n'[était] donc pas possible de réserver une suite favorable à la demande de regroupement familial ". Si en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 411-6, la présence de l'épouse du demandeur en France pouvait le conduire à l'exclure du bénéfice du regroupement familial, le préfet, qui n'était pas tenu d'opposer un refus pour ce motif, ne pouvait toutefois le faire qu'après avoir vérifié que les conséquences d'un rejet ne seraient pas de nature à porter une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale du requérant ou à méconnaître l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision contestée, que le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... et de son épouse, notamment au regard de ces stipulations.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, et après avoir vérifié qu'aucun autre moyen opérant et fondé n'était susceptible d'être accueilli et d'avoir une influence sur la portée de l'injonction à prononcer, le présent arrêt implique seulement que le préfet d'Eure-et-Loir réexamine la demande de regroupement familial présentée par M. B.... Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution de l'astreinte demandée par le requérant.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à M. et Mme B... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902407 du tribunal administratif d'Orléans du 2 juin 2020 et la décision du préfet d'Eure-et-Loir du 14 juin 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Eure-et-Loir de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Mme A... E... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme D..., présidente de chambre,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Berthon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2021.
La présidente-rapporteure
I. D...La présidente-assesseure
C. BrissonLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02405