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18/05/2021 | FRANCE | N°20NT03098

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 18 mai 2021, 20NT03098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays de destination pour l'exécution de l'interdiction judiciaire du territoire dont il a fait l'objet le 10 juin 2020.

Par un jugement n° 2003764 du 7 septembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et mis la somme de 800 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de

justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... a également ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays de destination pour l'exécution de l'interdiction judiciaire du territoire dont il a fait l'objet le 10 juin 2020.

Par un jugement n° 2003764 du 7 septembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et mis la somme de 800 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... a également demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays de destination pour l'exécution de l'interdiction judiciaire du territoire dont il a fait l'objet le 10 juin 2020.

Par un jugement n° 2003836 du 10 septembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 20NT03098 le 1er octobre 2020, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 septembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 2 septembre 2020 pour méconnaissance d'une garantie procédurale dès lors que M. A... a été entendu les 9 juin et 21 juillet 2020 pour une vérification de son droit au séjour, a été informé qu'il était envisagé de prendre à son encontre une mesure d'éloignement vers son pays d'origine et a été invité à présenter ses observations ; en outre, l'intéressé a été amené à formuler ses observations lors de la notification de la mesure qu'il conteste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'appel du préfet du Pas-de-Calais est dépourvu d'objet et à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par lui ne sont pas fondés.

II - Par une requête enregistrée sous le n° 20NT03364 le 26 octobre 2020, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 8 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen approfondi de sa situation dès lors que le préfet s'est fondé sur les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile sans vérifier ses craintes de persécution dans son pays d'origine ;

- les dispositions des articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues ; s'il lui a été demandé par écrit de fournir ses observations le 8 septembre à 14h10, la décision litigieuse a été prise le même jour à 14h40 de sorte qu'il est certain que la préfecture avait déjà pris cette décision avant de recueillir ses observations ; il n'a pas été en mesure de comprendre la procédure menée à son encontre ;

- pour ce même motif, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de l'instance n° 20NT03364 par une décision du 7 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant soudanais né le 5 novembre 1981, est entré en France en 2016. Sa demande d'asile présentée le 3 mars 2016, a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 avril 2016, puis par la cour nationale du droit d'asile, le 21 novembre 2016. Sa demande de réexamen a également été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, le 26 mai 2017, puis par la cour nationale du droit d'asile, le 3 août 2017. Par un jugement du 10 juin 2020 du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, M. A... a été condamné à quatre mois d'emprisonnement et à une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, pour des faits de vol par ruse et d'effraction ou escalade d'un local d'habitation ou d'un lieu d'entrepôt. Dès son élargissement du centre pénitentiaire de Longuenesse, le préfet du Pas-de-Calais a pris, le 2 septembre 2020, un arrêté le plaçant en rétention administrative et fixant le Soudan comme pays de destination de l'intéressé. M. A... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'annulation de cette dernière décision. Par un jugement du 7 septembre 2020, le tribunal administratif a annulé cette décision au motif que l'intéressé avait été privé de la possibilité de faire valoir ses observations. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel de ce jugement dans l'instance enregistrée sous le n° 20NT03098. Le 8 septembre 2020, le préfet a toutefois pris un nouvel arrêté fixant le pays de destination de M. A..., lequel a contesté cette seconde décision devant le tribunal administratif de Rennes. Dans l'instance n° 20NT03364, l'intéressé relève appel du jugement du 10 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. Ces deux affaires se rapportent à la même personne et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 septembre 2020 :

2. Si la décision du 8 septembre 2020 présente le même objet que la décision fixant le pays de destination de M. A... contenue dans l'arrêté du 2 septembre 2020, et si l'intéressé a été éloigné vers son pays d'origine le 16 novembre 2020, il est constant que la seconde décision a été contestée devant le tribunal administratif de Rennes et que M. A... a fait appel du jugement rendu. Cette décision n'est par suite pas devenue définitive. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le litige afférent au premier arrêté aurait perdu son objet.

3. L'arrêté du 2 septembre 2020, dont l'article 1er dispose que M. A... sera reconduit à destination du pays dont il possède la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible, vise l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 codifié aux articles L. 121-1 à L. 121-8 du code des relations entre le public et l'administration et précise que M. A... a été informé que le préfet envisageait de mettre à exécution la décision judiciaire d'interdiction du territoire français prononcée à son encontre. Il précise que l'intéressé a pu faire valoir ses observations. Après un rappel des textes applicables, l'arrêté indique que M. A... a été mis en mesure de faire valoir ses observations quant à un état de vulnérabilité ou un handicap qui ferait obstacle à son placement en rétention administrative. En appel, le préfet, qui n'avait pas défendu en première instance, produit un procès-verbal en date du 9 juin 2020 dressé par un officier de police judiciaire du commissariat de police de Calais. M. A..., assisté d'un interprète, précise avoir demandé l'asile en France et avoir fui son pays en raison de la guerre. Il lui est expressément précisé que le préfet peut prendre à son encontre une mesure d'éloignement et demandé s'il entend présenter des observations. L'intéressé se borne à réitérer ses propos tenant au conflit qui sévit au Soudan. Le préfet produit également un procès-verbal administratif du 21 juillet 2020, rédigé au centre de rétention par un officier de police judiciaire assisté d'un interprète. Il est de nouveau indiqué à M. A... qu'il peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire fixant son pays de destination. Il lui est demandé s'il a des observations. L'intéressé indique seulement qu'il ne souhaite pas rentrer au Soudan. Compte tenu de ces éléments, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision litigieuse au motif que M. A... n'avait pas été mis à même de présenter ses observations en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant le tribunal administratif de Rennes que devant elle.

5. En premier lieu, il est constant que la décision contestée a été prise en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 2 ans prononcée par le juge judiciaire. S'il est exact que la décision du 2 septembre 2020 ne rappelle pas le rejet de la demande d'asile présentée le 3 mars 2016 par M. A..., il ressort des pièces du dossier et notamment des procès-verbaux mentionnés ci-dessus, que le préfet, qui a obtenu en vue de l'éloignement de l'intéressé un laisser passer des autorités consulaires soudanaises le 28 août 2020, avait connaissance de ces informations. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. A... s'est borné, les 9 juin et 21 juillet 2020, à indiquer qu'il ne souhaitait pas être éloigné vers son pays d'origine en raison de la guerre qui y sévit. Dans ces conditions, et alors que M. A... ne conteste pas sa nationalité, la décision du 2 septembre 2020 fixant son pays de destination doit être regardée comme comportant une motivation suffisante qui ne révèle aucun défaut d'examen de sa situation personnelle.

6. En deuxième lieu, si M. A... soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'apporte aucun élément de nature à établir le bien-fondé de ce moyen.

7. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande d'asile présentée par M. A... a été définitivement rejetée. A plusieurs reprises, l'intéressé a indiqué ne pas vouloir regagner son pays d'origine en raison de la guerre, sans se prévaloir d'aucune circonstance particulière lui faisant craindre personnellement des traitements dégradants et inhumains. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2020 :

8. En premier lieu, la décision du 8 septembre 2020 vise les textes dont il est fait application, le jugement judiciaire du 10 juin 2020 ainsi que le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 septembre 2020 annulant la décision du 2 septembre 2020. Elle rappelle le rejet des demandes d'asile et de réexamen présentées par M. A..., le fait qu'il n'a pas manifesté la volonté de solliciter l'asile lors de son placement en rétention administrative, et qu'il n'apporte aucun élément nouveau tendant à prouver qu'il serait exposé à des menaces pour sa vie ou sa liberté dans son pays d'origine. Cette décision indique en outre que l'intéressé a été informé de la mesure envisagée et qu'il pouvait formuler des observations écrites. Par suite cette décision est suffisamment motivée et ne révèle aucun défaut d'examen de la situation personnelle et familiale du requérant.

9. En second lieu, M. A... reconnait lui-même avoir bénéficié de l'assistance d'un interprète en langue arabe et avoir été invité à présenter ses observations. Le préfet produit un document daté du 8 septembre 2020 qui indique que l'intéressé a été informé qu'il envisageait de prononcer une nouvelle décision fixant son pays de destination à la suite du jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 septembre 2020 et qu'il a été invité à présenter ses observations. M. A... a signé ce document à 14h10 sans formuler aucune observation. Dans ces conditions, et alors même que l'arrêté lui aurait été notifié peu de temps après cet entretien, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il serait intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. A... contre l'arrêté du 2 septembre 2020 ainsi que sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2020 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

11. Le présent arrêt, qui rejette la demande ainsi que la requête présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation administrative et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que les conseils de M. A... demandent dans ces deux instances au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003764 du tribunal administratif de Rennes en date du 7 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. A... en ce qui concerne l'arrêté du 2 septembre 2020, ses conclusions présentées dans l'instance n° 20NT03098 ainsi que sa requête enregistrée sous le n° 20NT03364 dirigée contre l'arrêté du 8 septembre 2020 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....

Une copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mai 2021.

Le rapporteur,

V. GELARD

Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 20NT03098, 20NT03364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03098
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : MARAL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-18;20nt03098 ?
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