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17/05/2021 | FRANCE | N°20NT02648

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 17 mai 2021, 20NT02648


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 mars 2020 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer une autorisation de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000712 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2020, Mme F..., r

eprésentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 mars 2020 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer une autorisation de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000712 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2020, Mme F..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la même notification et dans l'attente de lui délivrer un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est entaché d'une irrégularité dès lors que le médecin rapporteur n'a pas convoqué son fils à un nouveau rendez-vous médical après l'annulation d'un premier rendez-vous ;

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- le préfet devait s'assurer que le traitement et les soins nécessaires et adaptés à l'état de santé de son enfant A... étaient effectivement disponibles en Algérie compte tenu de la gravité des pathologies et des lacunes du système de santé dans ce pays ; en particulier, le médicament dénommé " Keppra " n'est pas disponible en Algérie ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- compte tenu de la crise sanitaire, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas à titre exceptionnel un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

Par des mémoires en défense, enregistré le 20 novembre 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 22 janvier 2021.

Un mémoire a été enregistré le 10 février 2021 pour le préfet du Calvados après la clôture de l'instruction.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir été titulaire de deux autorisations provisoires de séjour, valables du 22 décembre 2016 au 22 novembre 2017, puis d'un certificat de résidence pour raisons de santé, valable du 1er janvier 2018 au 7 juillet 2018, Mme D... E..., épouse F..., ressortissante algérienne, née le 4 août 1980 et entrée en France le 16 novembre 2015, a sollicité auprès du préfet du Calvados le renouvellement de ce titre de séjour le 21 juin 2018. Par un arrêté du 13 février 2019, le préfet a refusé de le renouveler, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un arrêt n°19NT02628 de la présente cour du 10 septembre 2020. Mme F... a déposé, le 6 septembre 2019, une demande d'autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 mars 2020, le préfet du Calvados lui en a refusé la délivrance, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 15 juillet 2020, dont Mme F... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Mme F... reprend en appel, sans apporter aucun nouvel élément en fait et en droit, ses moyens invoqués en première instance et tirés de ce que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est entaché d'un vice de procédure dans la mesure où le médecin rapporteur n'a pas convoqué son fils à un nouveau rendez-vous médical après l'annulation d'un premier rendez-vous à la demande de la requérante, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ces moyens.

4. Si les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour pour l'accompagnement d'un enfant malade.

5. En l'espèce, le préfet du Calvados, après avoir au demeurant à tort examiné la situation de la requérante au regard des conditions prévues à l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de ce qu'il a été dit au point 4, et estimé que la requérante ne remplissait pas ces conditions, a entendu exercer son pouvoir discrétionnaire d'appréciation. Il suit de là qu'il a pu apprécier la situation de Mme F... en raison de l'état de santé de son fils. Dès lors, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'une insuffisante motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle et familiale de la requérante, même si le préfet n'a pas mentionné examiner cette situation au regard des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 en ce qui concerne les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doit, en tout état de cause, être écarté.

7. Mme F... entend soutenir qu'un titre de séjour devait lui être délivré de plein droit, en application des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, en raison de l'état de santé de son fils, né le 1er décembre 2012, et des certificats médicaux indiquant que ce dernier souffre d'une pathologie neurologique rare avec des crises convulsives de forte intensité, un décalage de développement et des crises d'épilepsie.

8. Par un avis émis le 2 janvier 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé du fils de Mme F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'enfant peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des articles de presse sur l'insuffisance de la structure et des équipements hospitaliers en Algérie, des notes peu circonstanciées de deux pharmacies situées en Algérie mentionnant l'indisponibilité du " Keppra " et de celle du ministère algérien de la santé du 29 juillet 2020, au demeurant postérieure à la date de l'arrêté attaqué et établie à la demande de M. F..., que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur l'offre de soins notamment pharmaceutiques en Algérie au regard des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire supérieure à trente jours :

11. En vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays où il est légalement admissible. Si les dispositions de cet article prévoient que l'autorité administrative " peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas ", il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados aurait, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas à Mme F..., à titre exceptionnel, un délai de départ supérieur à trente jours.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... épouse F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... épouse F... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.

Le rapporteur,

J.E. B...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02648


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02648
Date de la décision : 17/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : LELOUEY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-17;20nt02648 ?
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