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30/04/2021 | FRANCE | N°20NT03768

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 30 avril 2021, 20NT03768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement no 2010973 du 10 novembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête enregistrée le 4 décembre 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement no 2010973 du 10 novembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours ;

3°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de transfert :

- sa demande d'asile doit être examinée en France, en application de l'article 17-1 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, dès lors que son frère réside régulièrement en France depuis qu'il a obtenu une protection internationale il y a 10 ans ;

- la décision attaquée méconnait l'article 3-2 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'UE dès lors qu'il existe des défaillances systémiques de l'Italie dans la prise en charge des demandeurs d'asile ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- il n'y a pas de perspective raisonnable d'exécution de la mesure en l'espèce ;

- il a précisé que son frère était domicilié à Cholet et l'adresse d'Angers n'est qu'une élection de domicile, la préfecture de Maine-et-Loire aurait dû imposer une obligation de pointage au commissariat de Cholet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant érythréen, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 15 juillet 2020. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 18 août 2020. La consultation du fichier " Eurodac " a fait apparaître que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 6 juillet 2020 dans le cadre du franchissement irrégulier de la frontière italienne. Les autorités italiennes ont été saisies le 20 août 2020 d'une demande de prise en charge sur le fondement de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013. Ces dernières ont accepté implicitement leur responsabilité. Le préfet de Maine-et-Loire a alors décidé de transférer M. B... aux autorités italiennes et de l'assigner à résidence par deux arrêtés du 23 octobre 2020. Par sa requête visée ci-dessus, M. B... relève appel du jugement du 10 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 23 octobre 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit en principe qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre et que cet État est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Cette faculté laissée à chaque État membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. Si le requérant se prévaut de la présence en France de son frère, bénéficiaire de la qualité de réfugié depuis 2010, en indiquant que celui-ci peut le prendre en charge et l'héberger, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont vécu séparément depuis plus de 10 ans à la date de la décision attaquée. L'intensité des relations avec son frère ne présente pas en l'espèce un caractère suffisant, ce dernier ne l'hébergeant pas. En outre, il n'est pas contesté que M. B... n'a pas déclaré de domiciliation chez ce dernier lors de l'introduction de sa demande d'asile et a déclaré être domicilié au CVH 2 square Gaston Allard à Angers. Par suite, le moyen selon lequel la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'UE : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 visé ci-dessus : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ".

5. Le requérant ne démontre pas qu'il serait personnellement exposé en Italie à des risques de traitements inhumains ou dégradants, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La seule circonstance que l'Italie soit confronté à une crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, au même titre que la France, n'est pas de nature à démontrer que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités de ce pays dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il n'est pas davantage établi qu'à la date de l'arrêté attaqué, les autorités italiennes auraient pris, à raison de cette épidémie, des mesures de restriction d'accès à leur territoire pour les personnes visées par une procédure de transfert. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et aurait méconnu les dispositions précitées.

6. M. B..., qui est célibataire, sans enfant, et qui n'a déclaré aucun problème de santé, a vécu séparé de son frère pendant plus de dix ans. Dans ces conditions, et en l'absence de circonstance particulières, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels celle-ci a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

7. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ".

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'exécution de la décision de transfert aux autorités italiennes ne demeurait pas une perspective raisonnable. Par ailleurs, M. B... qui a fait élection de domicile au 2 square Gaston Allard à Angers lors de l'introduction de sa demande d'asile, n'établit pas que l'obligation qui lui a été faite de se présenter tous les mardis à huit heures, sauf les jours fériés, au commissariat de police de cette commune, situé au 15 bis rue Dupetit-Thouars, serait incompatible avec sa situation personnelle. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté aurait méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 novembre 2020.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2021.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

O. GASPON

Le greffier,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03768
Date de la décision : 30/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : ROULLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-30;20nt03768 ?
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