Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier du Cotentin à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices que son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a causés.
Par un jugement n° 1801679 du 18 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019 M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 septembre 2019 ;
2°) de condamner le centre hospitalier du Cotentin à lui verser la somme de
25 000 euros au titre du préjudice moral et du préjudice économique ainsi que 719,83 euros correspondant à sa rémunération pour la période du 21 au 31 décembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Cotentin la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas communiqué à la partie adverse le mémoire et les pièces qu'il a produits le 28 août 2019 ;
- l'insuffisance professionnelle alléguée par son employeur n'est pas établie, d'autant que les griefs qui lui sont reprochés concernent pour l'essentiel les fonctions de responsable de la paie alors qu'il a été engagé comme contrôleur de gestion ;
- son licenciement injustifié engage la responsabilité pour faute du centre hospitalier du Cotentin ;
- il a droit à la réparation de son préjudice moral et de son préjudice financier ainsi qu'à la rémunération du travail qu'il a effectué en décembre 2015, avant l'entrée en vigueur de son contrat.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2020 le centre hospitalier du Cotentin, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de licenciement dont l'illégalité est alléguée est devenue définitive ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté le 2 janvier 2016 par le centre hospitalier du Cotentin en qualité d'attaché d'administration contractuel et affecté sur un poste de contrôleur de gestion au sein de la direction des ressources humaines et des affaires médicales de cet hôpital. A partir du 1er septembre 2016, son employeur lui a également confié les fonctions de responsable de la paie. M. B... a été licencié le 29 janvier 2018 pour insuffisance professionnelle. Après avoir lié le contentieux par une réclamation du 16 avril 2018, il a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier du Cotentin à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices résultant de son licenciement, qu'il estime illégal. Par un jugement du
18 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande première instance par le centre hospitalier du Cotentin :
2. Si le centre hospitalier du Cotentin fait valoir que la décision du 29 janvier 2018 prononçant le licenciement de M. B... est devenue définitive, M. B... est recevable à exciper de l'illégalité de cette décision, qui n'a pas un objet purement pécuniaire, à l'appui de ses conclusions indemnitaires.
Sur la responsabilité du centre hospitalier du Cotentin :
3. Aux termes de la décision du 29 janvier 2018, M. B... a été licencié en raison d'un " comportement inapproprié " dans ses relations de travail et d'une incapacité à s'organiser " de nature à compromettre le fonctionnement régulier de la direction des ressources humaines et des affaires médicales ".
4. D'une part, si le centre hospitalier du Cotentin reproche à M. B... un comportement inadapté envers sa supérieure hiérarchique, se traduisant notamment, à partir de septembre 2017, par des mouvements d'humeur déplacés et par une attitude conflictuelle, de tels faits ne révèlent pas une insuffisance professionnelle mais, le cas échéant, une faute susceptible d'être sanctionnée à l'issue d'une procédure disciplinaire. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient le centre hospitalier du Cotentin, il n'est pas démontré que M. B... aurait eu l'habitude de déléguer à ses collègues des tâches lui incombant, ce grief n'étant allégué que dans deux situations et ne lui étant d'ailleurs pas imputable dans l'un de ces deux cas.
5. D'autre part, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public contractuel ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de cet agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé. Il s'ensuit notamment que pour évaluer l'aptitude d'un agent, l'administration doit lui confier une charge de travail qui n'est pas excessive au regard de ses responsabilités.
6. Or il résulte de l'instruction que la dégradation de la manière de servir de M. B..., qui ne s'est d'ailleurs manifestée qu'à partir de septembre 2017 par des erreurs dans l'exercice de ses fonctions de responsable de la paie et des retards dans la remise de documents budgétaires se rattachant à ses fonctions de contrôleur de gestion, s'explique par une charge de travail devenue déraisonnable, engendrée par le cumul, devenu pérenne, ainsi que l'admet le centre hospitalier dans ses écritures, de deux fonctions d'encadrement à plein temps au sein d'un établissement de plus de 2 500 agents. Il est d'ailleurs établi que M. B... a, en vain, alerté à plusieurs reprises sa hiérarchie de cette situation, avant d'être placé en congé pour maladie du
17 juillet au 24 août 2017 en raison d'un état de surmenage.
7. Dans ces conditions, le centre hospitalier du Cotentin doit être regardé comme ayant placé M. B... dans une situation qui ne lui permettait pas d'apprécier son aptitude professionnelle. C'est, par suite, au prix d'une erreur d'appréciation qu'il a décidé de le licencier pour insuffisance professionnelle. Cette décision fautive, alors même qu'elle est devenue définitive, engage la responsabilité de cet établissement hospitalier envers son ancien salarié.
Sur les préjudices :
8. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.
9. M. B... bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée et, avant d'être nommée responsable de la paie, donnait toute satisfaction dans les fonctions de contrôleur de gestion pour lesquelles il avait été recruté. Il a donc subi un préjudice moral et financier important en raison du licenciement illégal dont il a fait l'objet. Il sera fait une juste appréciation de celui-ci en condamnant le centre hospitalier du Cotentin à lui verser une indemnité de 20 000 euros.
10. En revanche, si M. B... indique avoir travaillé au sein du centre hospitalier du Cotentin une dizaine de jours avant l'entrée en vigueur de son contrat, le 2 janvier 2016, il ne l'établit pas. Il n'est donc pas fondé à demander le versement du salaire correspondant.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse au centre hospitalier du Cotentin la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche de mettre à la charge du centre hospitalier du Cotentin la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801679 du tribunal administratif de Caen du 18 septembre 2019 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier du Cotentin est condamné à verser à M. B... la somme de 20 000 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le centre hospitalier du Cotentin versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier du Cotentin sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au centre hospitalier du Cotentin.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.
Le rapporteur
E. C...Le président
I. PerrotLe greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04405