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01/04/2021 | FRANCE | N°19NT01981

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 01 avril 2021, 19NT01981


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2013.

Par un jugement n° 1607132 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée 24 mai 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme

nt ;

2°) de prononcer cette décharge ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; il est...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2013.

Par un jugement n° 1607132 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée 24 mai 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; il est entaché d'une motivation insuffisante, d'erreurs matérielles et d'erreurs de droit ; le tribunal aurait dû, d'office, relever que l'activité de coupe de bois ne relève pas des bénéfices industriels mais des bénéfices agricoles, en application de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;

- la procédure d'imposition est irrégulière ; M. A... n'a pas bénéficié d'un débat oral contradictoire ; les pièces comptables saisies ne lui ont pas été communiquées et n'étaient pas jointes à la proposition de rectification ;

- c'est à tort que le service a qualifié son activité d'occulte ; il était enregistré depuis des décennies auprès de toutes les administrations comme agriculteur ; il déposait régulièrement des déclarations de bénéfice agricole ; l'activité n'ayant pas de caractère occulte, la prescription décennale n'était pas applicable ; il a été privé des garanties de la procédure contradictoire, et notamment de la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental et la commission départementale des impôts ;

- l'activité de coupe de bois relevait des bénéfices agricoles en application de l'article 76 du code général des impôts ; le bénéfice est alors déterminé selon un forfait ;

- le taux de frais généraux est notablement inférieur à celui constaté dans les autres exploitations ; les vols de bois n'ont pas été pris en compte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a exercé à titre individuel une activité agricole jusqu'au 30 novembre 2001, date de la liquidation judiciaire de son exploitation. A la suite de l'ouverture, en 2014, d'une information judiciaire à son encontre pour des faits de travail dissimulé, l'autorité judiciaire a informé l'administration fiscale de cette procédure conformément aux dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales. L'administration fiscale, après examen des informations qu'elle a obtenues dans le cadre du droit de communication prévu par l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, a procédé à une vérification de comptabilité de l'activité présumée exercée par M. A... entre 2005 et 2014. A l'issue de ce contrôle, le service a estimé que M. A... avait exercé une activité occulte de commerce de bois de chauffage et ce jusqu'à la régularisation de son activité en 2014, à travers la création de la société par actions simplifiée (SAS) Société du Chêne. À partir d'informations obtenues dans le cadre de son droit de communication exercé auprès de scieries et de transporteurs en relation d'affaires avec M. A..., le vérificateur a procédé à la reconstitution du bénéfice industriel et commercial qu'il a réalisé au titre de son activité de commerce de bois au cours de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2013. Le service a également appliqué la majoration de 80% pour activité occulte prévue par l'article 1728 du code général des impôts. Après mise en recouvrement, et en l'absence de paiement dans le délai imparti, les impositions ont été assorties d'une majoration de recouvrement de 10%. M. A... a présenté une réclamation qui a été rejetée le 24 juin 2016. M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2013, pour un montant total de 381 130 euros. Par un jugement n° 1607132 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. A... fait valoir que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation, d'erreurs matérielles et d'erreurs de droit, ces moyens ne sont pas assortis des précisisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, il ressort du jugement attaqué que celui-ci est suffisamment motivé. Les moyens tirés de l'erreur matérielle et de l'erreur de droit relèvent par ailleurs du bien-fondé du jugement attaqué et non de sa régularité. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, il n'est pas contesté qu'une première intervention a eu lieu, en présence de M. A..., le 13 mars 2015. Par la suite, le vérificateur a rencontré à deux reprises le conseil de M. A..., les 10 juillet et 25 septembre 2015, deux réunions auxquelles n'a pas participé M. A... alors qu'il y était convié. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.

4. En second lieu, M. A... fait valoir qu'il n'a pas pu avoir accès, au cours de la procédure, aux pièces comptables qui auraient été saisies par l'autorité judiciaire. Toutefois, M. A... a reconnu, lors du premier entretien du 13 mars 2015, n'avoir tenu aucune comptabilité et n'avoir aucun justificatif de recettes en sa possession. En outre, si l'administration a eu accès aux éléments recueillis par l'autorité judiciaire, et en particulier les factures et feuilles de route des transporteurs et des scieries avec lesquelles M. A... travaillait, elle a informé ce dernier, dans la proposition de rectification, de l'origine et de la teneur de ces renseignements. Il est par ailleurs constant qu'un CD-ROM contenant une copie de l'ensemble des pièces utilisées était joint à la proposition de rectification. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le caractère occulte de l'activité exercée par M. A... :

5. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales prévoit que : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ". L'article L. 73 du même livre prévoit que : " Peuvent être évalués d'office : 1° le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) / 3° si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169. "

6. Pour qualifier l'activité de M. A... d'activité occulte, l'administration s'est fondée sur le fait que cette activité de vente de bois au cours des années en litige n'avait fait l'objet d'aucune déclaration fiscale et n'avait pas été déclarée auprès d'un centre de formalité des entreprises ou du greffe d'un tribunal de commerce. Si M. A... fait valoir qu'il a déposé, au cours de ces mêmes années, des déclarations de bénéfice agricole, l'activité de vente de bois de chauffage ne relevait pas, ainsi qu'il sera exposé au point 8, des bénéfices agricoles, mais des bénéfices industriels et commerciaux. En outre, le ministre fait valoir en défense, sans être contredit, que le chiffre d'affaires de négoce de bois au cours de ces mêmes années est sans commune mesure avec celui des bénéfices agricoles déclarés par M. A... malgré sa cessation d'activité. Par suite, c'est à bon droit que le service a estimé que M. A... s'était livré à une activité occulte. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition d'office et la prescription décennale n'étaient pas applicables. Il n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il a été privé des garanties de la procédure contradictoire, et notamment de la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 76 du code général des impôts : " 1. En ce qui concerne les bois, oseraies, aulnaies et saussaies situés en France, le bénéfice agricole imposable provenant des coupes de bois est fixé à une somme égale au revenu ayant servi de base à la taxe foncière établie sur ces propriétés au titre de l'année de l'imposition. Le bénéfice qui résulte de la récolte de produits tels que les fruits, l'écorce ou la résine, en vue de la vente desquels les bois sont exploités, ainsi que le bénéfice résultant d'opérations de transformations des bois coupés par le propriétaire lui-même, lorsque ces transformations ne présentent pas un caractère industriel, sont imposés selon les régimes définis aux articles 64 bis ou 69. ". Il résulte de ces dispositions que l'application du régime des bénéfices agricoles suppose, pour l'activité de vente de bois, que ce bois provienne de forêts exploitées par le vendeur, et que la transformation ne présente pas un caractère industriel.

8. En l'espèce, il est constant que le bois de chauffage vendu par M. A... provenait de bois et de grumes acquis auprès de scieries. Au demeurant, M. A... utilisait un matériel industriel pour procéder à la découpe de ce bois. Par conséquent, son activité n'entrait pas dans le champ de l'article 76 du code général des impôts et ne relevait pas des bénéfices agricoles. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur dans la catégorie d'imposition ne peut qu'être écarté. Enfin, à supposer que M. A... ait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative référencée BOI-BA-SECT-10 n°10 du 7-9-2016, cette instruction est en tout état de cause postérieure aux années en litige.

9. M. A... fait valoir que le taux de frais généraux est notablement inférieur à celui constaté dans les autres exploitations et que les vols de bois n'ont pas été pris en compte. Toutefois, il incombe à M. A..., en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions en litige. En l'espèce, M. A... n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT019812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01981
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : MICHALLON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-01;19nt01981 ?
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