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23/03/2021 | FRANCE | N°20NT01907

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 mars 2021, 20NT01907


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à lui verser la somme de 135 344 euros en réparation des préjudices résultant de l'estimation erronée de sa pension de retraite par les services de la préfecture d'Indre-et-Loire.

Par un jugement n° 1602893 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête

et un mémoire enregistrés les 5 septembre 2018 et 5 septembre 2019, M. C..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à lui verser la somme de 135 344 euros en réparation des préjudices résultant de l'estimation erronée de sa pension de retraite par les services de la préfecture d'Indre-et-Loire.

Par un jugement n° 1602893 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 septembre 2018 et 5 septembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 130 344 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a omis de répondre à ses conclusions tendant à la réparation de son préjudice financier résultant de sa perte de rémunération ainsi que sur le fait que le préfet avait refusé de faire droit à sa demande de réintégration ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les vices propres affectant le rejet de sa réclamation préalable étaient sans incidence sur la solution du litige ;

- le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a reconnu la faute de l'Etat ;

- s'il avait connu le montant exact de sa pension, il aurait attendu l'âge de 65 ans pour partir à la retraite, de sorte qu'il a subi une perte de rémunération de 66 024 euros ; il ne peut lui être opposé l'absence de service fait dès lors que c'est le préfet qui a refusé sa réintégration ; son état de santé mis en avant par le préfet est postérieur au 1er juin 2014 ; sa situation n'est pas comparable avec celle d'une personne née en 1954 sans carrière longue ;

- compte tenu de son espérance de vie, le préjudice résultant du montant minoré de sa retraite est de 64 320 euros ;

- son préjudice moral sera confirmé ;

- la somme de 1 000 euros que le tribunal administratif lui a accordé au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne correspond pas à la réalité.

Par une ordonnance du 10 juillet 2019, la cour a transmis la requête de M. C... au Conseil d'Etat.

Par une décision du 18 juin 2020, le Conseil d'Etat a estimé que l'affaire relevait de la compétence de la présente cour.

Cette affaire est désormais enregistrée sous le n° 20NT01907.

Par un mémoire complémentaire enregistré le 9 décembre 2020, M. C..., représenté par la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix demande à la cour, par les mêmes moyens :

1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 126 300 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation au 14 juin 2016, en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2020 à 11h52, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir travaillé dans le secteur privé, M. C... a intégré à compter du 1er janvier 1992, la direction départementale de l'équipement de Loir-et-Cher en qualité d'ouvrier des parcs et ateliers. En novembre 2008, il a obtenu sa mutation à la direction départementale des territoires (DDT) d'Indre-et-Loire et, en janvier 2010, il a été affecté sur la base aérienne de Romorantin en qualité d'ouvrier d'entretien des pistes et des immeubles. En 2013, M. C..., qui est né le 10 mai 1954 et était alors âgé de 59 ans, a consulté le service des ressources humaines de la DDT pour obtenir une simulation du montant de sa retraite. Il bénéficiait en effet d'un droit au départ anticipé à l'âge de 60 ans en raison de sa longue carrière. Selon l'estimation qui lui a été communiquée le 26 novembre 2013, le montant brut de pension était évalué à 1 120 euros par mois. M. C... a sollicité sa mise à la retraite le 5 décembre 2013 pour une cessation de ses fonctions au 1er juin 2014. En juin 2014, l'intéressé n'a cependant pas perçu le montant de 1 120 euros qu'on lui avait indiqué mais une somme de 852 euros. Estimant que l'administration avait commis une faute en lui communiquant des informations erronées, M. C... a présenté une réclamation préalable auprès du préfet d'Indre-et-Loire, qui l'a rejetée le 19 août 2016. M. C... a saisi le tribunal administratif d'Orléans qui, par un jugement du 10 juillet 2018, a retenu la responsabilité de l'Etat et condamné ce dernier à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence. M. C..., qui sollicitait une indemnisation de l'ensemble de ces préjudices à hauteur de 135 344 euros, relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. En revanche, aucune des parties ne remet en cause ce jugement en tant qu'il a reconnu que l'Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en communiquant à cet agent des informations erronées l'ayant conduit à solliciter son départ à la retraite au 1er juin 2014[GO1].

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Au regard de l'objet de la demande présentée par M. C..., tendant à l'indemnisation de ses préjudices, le tribunal administratif a estimé à bon droit que les moyens tirés de l'illégalité de la décision du préfet du 19 août 2016 rejetant sa réclamation préalable était sans incidence sur la solution du litige. Ce faisant, les premiers juges n'ont, en tout état de cause, pas entaché d'irrégularité le jugement attaqué, l'erreur alléguée portant sur le bien-fondé du jugement attaqué. Par ailleurs, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur chacun des arguments présentés par les parties, a répondu aux trois chefs de préjudices invoqués par M. C.... Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer.

Sur les préjudices :

3. En premier lieu, il est constant qu'immédiatement après avoir constaté que le montant de sa pension de retraite était inférieur à l'évaluation qui lui avait été donnée quelques mois plus tôt, M. C... a sollicité, en vain, sa réintégration. Par ailleurs, si l'intéressé produit un certificat du psychiatre qui le suit, indiquant que, depuis le 25 juin 2015, il souffre d'une rechute des troubles anxieux généralisés qu'il présente en lien avec le litige relatif à sa retraite, il n'est pas établi que son état de santé, préalablement à ce contentieux, l'aurait empêché de poursuivre son activité professionnelle au-delà de 60 ans. Par suite, le requérant doit être regardé comme ayant été privé de la possibilité de prolonger son activité professionnelle au-delà de cet âge. Il n'est cependant pas contesté que M. C... a entendu se placer dans le cadre du régime dérogatoire des carrières longues et qu'il a sollicité sa retraite sur la base d'une estimation évaluant la somme qu'il percevrait à 1 120 euros bruts par mois, de sorte qu'il est légitime de penser qu'il aurait pu continuer à travailler jusqu'à l'âge de 62 ans pour obtenir une pension se rapprochant de ce montant. Dans ces conditions, il sera fait une juste indemnisation de la perte de rémunération qu'il a subie durant ces deux années, et qui présente un lien direct avec la faute commise, en lui allouant une somme de 12 576 euros calculée sur la base d'une diminution de ses revenus de 1 048 euros par mois, sur une période de deux ans, et d'une perte de chance qu'il y a lieu de fixer à 50 % compte tenu de son âge, de sa faculté de cesser ses fonctions à l'âge de 60 ans et des démarches engagées en ce sens.

4. En deuxième lieu, M. C... a été privé d'une chance de prolonger son activité afin de bénéficier d'une pension de retraite plus élevée, dans une proportion qu'il conviendra d'établir à 50 % en raison notamment de son âge et de sa longue carrière. Compte tenu des informations communiquées par le requérant, ce chef de préjudice sera évalué à la somme de 3 216 euros par an. Il y a lieu de capitaliser cette somme par application d'un coefficient de 21.018 correspondant aux indications du barème publié en 2020 à la Gazette du Palais pour un homme de soixante-deux ans, âge auquel le requérant aurait légitimement pu être admis à faire valoir ses droits à la retraite compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus. M. C... est par suite fondé à solliciter une somme de 33 800 euros en réparation de ce chef de préjudice.

5. En troisième lieu, M. C... ne conteste pas la somme de 5 000 euros qui lui a été allouée par les premiers juges en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence.

6. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... est fondé, dans la limite de la somme de 46 376 euros, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a limité à 5 000 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices[GO2].

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

7. M. C... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 51 376 euros (46 376 + 5 000) à compter du 20 juin 2016, date de réception de sa réclamation préalable. Les intérêts seront capitalisés à compter du 20 juin 2017, date à laquelle une année d'intérêt était due, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 5 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. C... en réparation de ses préjudices est portée à 51 376 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2016 et de leur capitalisation à compter du 20 juin 2017 puis à chaque échéance annuelle.

Article 2 : Le jugement n° 1602893 du tribunal administratif d'Orléans en date du 10 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[GO1]Pas sûr qu'il faille le maintenir ici. Plutôt un rappel de cadrage dans l'intro '

[GO2]IL et capitalisation à ajouter à/c 20 juin 2016

Ok

2

N° 20NT01907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01907
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP LAVISSE, BOUAMRIRENE, GAFTONIUC

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-23;20nt01907 ?
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