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16/03/2021 | FRANCE | N°19NT03606

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 mars 2021, 19NT03606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 par lequel le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a radiée des cadres et l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2018.

Par un jugement n° 1808894 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 septembre 2019, 30 novembre 2020 et 8 févri

er 2021, Mme D..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 par lequel le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a radiée des cadres et l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2018.

Par un jugement n° 1808894 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 septembre 2019, 30 novembre 2020 et 8 février 2021, Mme D..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juillet 2019 ;

2°) d'ordonner avant-dire droit une expertise aux fins de déterminer si elle est affectée d'une invalidité rendant impossible son reclassement sur tout poste ;

3°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de procéder à sa réintégration à compter du 1er juin 2018, de la placer dans une position régulière et de reconstituer sa carrière dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en refusant d'ordonner une expertise médicale, le tribunal administratif a méconnu la jurisprudence du Conseil d'Etat ;

- le ministre des affaires étrangères n'a pas examiné ses possibilités de reclassement sur un poste adapté et ne l'a pas invitée à présenter une demande de reclassement dans un autre corps alors qu'elle n'a jamais été déclarée inapte à toute activité professionnelle ; il a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- la décision la plaçant à la retraite constitue une sanction déguisée ;

- à défaut de délégation précise et publiée, la décision contestée est entachée d'un vice de compétence ;

- il n'est pas établi que les membres de la commission de réforme aient été régulièrement investis ; il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'ils aient été régulièrement convoqués, ni qu'ils aient disposés des éléments nécessaires pour se prononcer ;

- il n'est pas établi que le ministre chargé du budget ait émis un avis conforme conformément aux dispositions applicables ;

- l'arrêté du 25 juillet 2018, qui ne mentionne ni l'avis de la commission de réforme, ni le contenu de cet avis, est insuffisamment motivé ;

- cette décision est entachée d'un vice d'incompétence négative dès lors que le ministre s'est contenté de suivre l'avis émis par la commission de réforme sans porter sa propre appréciation sur son dossier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me F..., représentant Mme D....

Des notes en délibéré, présentées pour Mme D..., ont été enregistrées les 25 février et 3 mars 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., secrétaire de chancellerie, a été affectée en juillet 2008 à l'ambassade de France à Cotonou au Bénin. Le 14 janvier 2010, une violente altercation a eu lieu entre l'intéressée et un autre agent de droit local de l'ambassade, à l'issue de laquelle Mme D... a été placée en arrêt de travail jusqu'au 7 mars 2010. L'agent béninois ayant porté plainte devant la justice locale contre Mme D..., l'ambassadeur de France a ordonné son retour en France. A compter du 22 janvier 2010, elle a été affectée sur des postes en administration centrale à Nantes. Par une décision du 19 avril 2011, le ministre chargé des affaires étrangères a reconnu l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme D.... Sa demande de protection fonctionnelle a en revanche été rejetée à deux reprises. Le 9 décembre 2015, Mme D... a de nouveau été placée en arrêt de maladie à raison des mêmes faits. Le 30 janvier 2018, la commission de réforme a estimé que l'état de santé de l'intéressée était consolidé au 4 octobre 2017, a fixé son taux d'incapacité partielle permanente (IPP) à 20 %, l'a déclarée définitivement inapte à toutes fonctions et a émis un avis favorable à son placement à la retraite pour invalidité. Mme D... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2018, par lequel le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a placée en retraite pour invalidité. Elle relève appel du jugement du 9 juillet 2019 du tribunal administratif rejetant sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2018 :

2. En premier lieu, l'arrêté du 25 juillet 2018 vise les textes en application desquels Mme D... a été radiée des cadres et admise à faire valoir ses droits à la retraite ainsi que l'avis conforme du service des retraites de l'Etat du 16 juillet 2018. S'il ne vise en revanche pas l'avis de la commission de réforme du 30 janvier 2018, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée en a été destinataire par un courrier en date 8 février 2018, de sorte qu'elle en connaissait la teneur. Par suite, et pour regrettable que soit l'absence de mention de cet avis, la décision contestée doit être regardée comme suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la commission de réforme n'auraient pas été régulièrement investis, n'auraient pas été régulièrement convoqués, ou qu'ils n'auraient pas disposés des éléments nécessaires pour émettre un avis en toute connaissance de cause sur sa mise à la retraite d'office pour invalidité. Par suite, le moyen tiré de ce que cet avis aurait été irrégulièrement rendu ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, Mme B..., signataire de la décision contestée, adjointe au chef du centre de services des ressources humaines du ministère des affaires étrangères, disposait d'une délégation de signature consentie par une décision du 21 mars 2018, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté.

5. En quatrième lieu, si Mme D... soutient qu'il n'est pas établi que le ministre chargé du budget ait émis " un avis conforme conformément aux dispositions applicables ", ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes afin de permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, il ne peut qu'être écarté.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (...). Le reclassement (...) est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ".

7. Si à la suite de l'altercation qui s'est produite le 14 septembre 2010, Mme D... a présenté de nombreuses griffures et ecchymoses, le docteur Le Rendu, psychiatre, a estimé le 1er août 2016 que tous ses arrêts de travail étaient en lien direct et certain avec cet accident, y compris sa période d'hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Nantes du 15 avril 2016 au 31 mai 2016, tout en soulignant que son état nécessitait des soins " sur du long terme " n'excluant pas la nécessité de nouvelles hospitalisations. Lors de son examen du 2 novembre 2016, le docteur Barbier, également psychiatre, a confirmé que l'intéressée présentait un syndrome de stress post-traumatique très important, ayant justifié plusieurs hospitalisations en 2010, 2015 et 2016. Le docteur Nortier, psychiatre à Paris a également constaté, le 4 octobre 2017 dans un avis destiné à la commission de réforme, que Mme D... présente " une sensitivité manifeste avec ruminations anxieuses ", une " psychorigidité manifeste ", et des " tendances quérulente-procédurières ". Il concluait que compte tenu de son état clinique, l'intéressée ne pouvait reprendre son activité professionnelle et que son " inaptitude à tout emploi [était] définitive et absolue ". Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas du rapport de ce médecin qu'il aurait entaché son expertise de partialité ou d'une quelconque irrégularité. Enfin, la circonstance que Mme D... produit un certificat d'un médecin généraliste du 10 octobre 2018 indiquant qu'il " pense que son état de santé ne la rend pas inapte à tout travail " ne suffit pas à démentir les différentes expertises antérieures, lesquelles ne présentent pas de contradictions entre elles dès lors les experts ne pouvaient se prononcer sur son aptitude à la reprise de son activité professionnelle sur son poste ou tout autre poste tant que son état de santé n'était pas consolidé. Dans son avis 30 janvier 2018, rendu en présence d'un médecin généraliste, président du comité médical, d'un autre médecin généraliste et d'un spécialiste, membres du comité médical, la commission de réforme a estimé que la demande de contre-expertise médicale sollicitée par l'intéressée n'était pas nécessaire, qu'elle avait développé une pathologie anxio-dépressive sur un état antérieur, que son état était consolidé au 4 octobre 2017, que son IPP était de 20 %, qu'elle était " définitivement inapte à exercer toutes fonctions, sans possibilité de reclassement ". En conséquence, la commission de réforme a émis un avis favorable à son admission à la retraite pour invalidité imputable au service en application de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Enfin, si Mme D... produit en appel un rapport établi le 29 janvier 2021 par un psychiatre qui conclut à son aptitude à reprendre son poste, ce seul document rédigé plus de dix ans après les faits, sur la base d'éléments de son dossier médical communiqués par l'intéressée, n'est, à lui seul, pas de nature à établir que les précédents avis seraient erronés. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

8. En sixième lieu, eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, et compte tenu notamment du fait que l'état psychologique de Mme D... a nécessité plusieurs hospitalisations récentes alors même que les faits à l'origine de sa pathologie se sont déroulés en 2010, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le ministre chargé des affaires étrangères, qui n'était pas tenu de procéder à des recherches de reclassement dès lors que l'intéressée était inapte à tout poste, aurait méconnu l'étendue de ses compétences et entaché sa décision d'une erreur de droit.

9. En septième lieu, si Mme D... fait allusion à l'action en diffamation introduite à titre personnel par ses anciens supérieurs hiérarchiques à la suite d'une interview qu'elle a donnée à un organe de presse au sujet de malversations financières qu'elle aurait découvertes aux services des bourses de l'ambassade de France lorsqu'elle était en poste au Bénin, cet élément ne suffit pas à établir une volonté de la part du ministre de l'Europe et des affaires étrangères de prononcer à son encontre une sanction déguisée dès lors que plusieurs médecins ont confirmé son incapacité définitive à toutes fonctions et la nécessité de la placer en retraite pour invalidité.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'irrégularité, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les conclusions présentées par Mme D... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de procéder à sa réintégration à compter du 1er juin 2018, de la placer dans une position régulière et de reconstituer sa carrière, ne peuvent qu'être écartées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 19 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mars 2021.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03606
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL LEXIO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-16;19nt03606 ?
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