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12/03/2021 | FRANCE | N°19NT02331

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 12 mars 2021, 19NT02331


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Ar Guilor a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 14 mars 2017 par laquelle la commission de recours a confirmé la décision du préfet de la région Bretagne du 6 octobre 2016 lui ayant infligé une amende de 15 390 euros (600 euros par hectare) pour avoir exploité sans autorisation des terres agricoles.

Par un jugement n° 1702231 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

enregistrée le 17 juin 2019 et un mémoire du 18 janvier 2021 (non communiqué) l'EARL Ar Guil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Ar Guilor a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 14 mars 2017 par laquelle la commission de recours a confirmé la décision du préfet de la région Bretagne du 6 octobre 2016 lui ayant infligé une amende de 15 390 euros (600 euros par hectare) pour avoir exploité sans autorisation des terres agricoles.

Par un jugement n° 1702231 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2019 et un mémoire du 18 janvier 2021 (non communiqué) l'EARL Ar Guilor, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 avril 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 14 mars 2017 de la commission de recours ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions la sanction qui lui a été infligée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé en méconnaissance de l'article L 9 du code de justice administrative et de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision du 6 octobre 2016 du préfet de la région Bretagne est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne vise pas le schéma directeur régional des exploitations agricoles adopté le 28 juin 2016 ;

- la régularité de la composition de la commission de recours n'est pas établie par l'administration ; ce vice l'a privée d'une garantie ;

- le préfet et la commission ont méconnu les dispositions de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime, dès lors qu'elle n'a pas été mise en demeure de déposer un dossier de demande d'autorisation d'exploiter les terres agricoles litigeuses en application des dispositions du nouveau schéma régional ;

- le montant de la sanction prononcée à son encontre est disproportionné au regard notamment de sa situation financière.

Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2020, le ministre de l'agriculture conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 novembre 2015, le préfet des Côtes-d'Armor ayant constaté, au vu de ses déclarations de surfaces au titre des années 2014 et 2015, que l'EARL Ar Guilor ne disposait pas d'autorisation pour exploiter des terres agricoles sur la commune de Rospez, l'a mise en demeure de déposer un dossier de demande d'autorisation d'exploiter. Le 28 janvier 2016, l'EARL a demandé l'autorisation d'exploiter 26,60 hectares de terres agricoles, dont celles ayant fait l'objet de la mise en demeure du 2 novembre 2015. Par une décision du 10 mars 2016, le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande. Le 20 juillet 2016, le préfet de la région Bretagne a mis l'EARL Ar Guilor en demeure de cesser l'exploitation des parcelles litigieuses. Le 21 septembre 2016, les services de la direction départementale des territoires et de la mer des Côtes-d'Armor ont constaté que les parcelles étaient toujours exploitées. Par décision du 6 octobre 2016, le préfet de la région Bretagne a infligé à l'EARL Ar Guilor une sanction financière d'un montant de 15 390 euros, soit 600 euros par hectare, pour une surface concernée ramenée à 25,65 hectares. La commission régionale de recours, saisie par l'EARL Ar Guilor, a confirmé cette sanction par une décision du 14 mars 2017. L'EARL Ar Guilor a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif de Rennes. Par un jugement du 23 avril 2019 le tribunal a rejeté sa demande. L'EARL Ar Guilor relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse au moyen, d'ailleurs non assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, tiré de ce que l'administration ne justifiait pas de la régularité de la composition de la commission régionale des recours, et au moyen, au demeurant inopérant, tiré de ce que le préfet de la région Bretagne n'avait pas fait application des dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne. Le jugement attaqué n'est donc pas irrégulier. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.

Sur la légalité de la décision du 14 mars 2017 de la commission régionale des recours :

3. Aux termes de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime: " Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées. (...) Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 304,90 et 914,70 euros par hectare (...) ". Selon l'article L. 331-8 du même code : " La décision prononçant la sanction pécuniaire mentionnée à l'article L. 331-7 est notifiée à l'exploitant concerné, qui peut la contester, avant tout recours contentieux, dans le mois de sa réception, devant une commission des recours dont la composition et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Les recours devant cette commission sont suspensifs. Leur instruction est contradictoire. La commission, qui statue par décision motivée, peut soit confirmer la sanction, soit décider qu'en raison d'éléments tirés de la situation de la personne concernée il y a lieu de ramener la pénalité prononcée à un montant qu'elle détermine dans les limites fixées à l'article L. 331-7, soit décider qu'en l'absence de violation établie des dispositions du présent chapitre il n'y a pas lieu à sanction (...). La décision de la commission peut faire l'objet, de la part de l'autorité administrative ou de l'intéressé, d'un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif. ". Enfin, aux termes de l'article R. 331-9 du même code, dans sa rédaction applicable : " La commission des recours mentionnée à l'article L. 331-8 est constituée dans chaque région. Elle est présidée par un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en activité ou honoraire, nommé par le vice-président du Conseil d'Etat, sur proposition du président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif dont il relève, lorsqu'il est en activité. Elle comprend également : / 1. Le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ou son représentant ; / 2. Le trésorier-payeur général de la région ou son représentant ; / 3. Deux personnalités choisies en raison de leur compétence en matière agricole, nommées par arrêté du préfet de région sur proposition de la chambre régionale d'agriculture (...). La commission des recours ne peut valablement siéger que si tous ses membres titulaires ou suppléants sont présents (...) ".

4. En premier lieu, l'institution par les dispositions rappelées au point précédent d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à la commission compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite de ce recours se substitue nécessairement à la décision initiale. L'EARL Ar Guilor ne peut donc utilement soulever le moyen tiré de ce que la décision initiale du préfet de la région Bretagne aurait été insuffisamment motivée, faute d'avoir visé le schéma directeur régional des exploitations agricoles, cet éventuel défaut de motivation étant propre à cette décision et ayant nécessairement disparu avec elle. Par ailleurs, à supposer que la société requérante ait également entendu soulever ce moyen contre la décision contestée de la commission régionale de recours, celle-ci mentionne les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et est donc suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, en se bornant à indiquer que l'administration ne justifierait pas de la régularité de la composition de la commission régionale de recours, l'EARL Ar Guilor n'assortit pas ce moyen des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. En outre, le préfet a produit en première instance le compte rendu de la séance du 2 mars 2017 dont il résulte que la commission était régulièrement composée de son président, des représentants du trésorier payeur général et du directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ainsi que de deux personnalités nommées sur proposition de la chambre régionale d'agriculture. Le moyen doit donc être écarté.

6. En troisième lieu, alors même que le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne est entré en vigueur avant la décision initiale du préfet de la région Bretagne, aucun texte ni aucun principe n'imposait à cette autorité de mettre une nouvelle fois en demeure l'EARL Ar Guilor de déposer une demande d'autorisation d'exploiter les terres qu'elle mettait illégalement en valeur de manière à ce qu'elle puisse bénéficier des dispositions du nouveau schéma.

7. En dernier lieu, l'EARL Ar Guilor ne produit aucun élément permettant de regarder le niveau de la sanction qui lui a été infligée comme excessif au regard de sa situation. Le moyen tiré du caractère disproportionné de cette sanction doit donc être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que l'EARL Ar Guilor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à l'EARL Ar Guilor la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EARL Ar Guilor est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Ar Guilor et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 18 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2021.

Le rapporteur

E. B...Le président

C Brisson

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02331
Date de la décision : 12/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP DROUOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-12;19nt02331 ?
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