Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Josselin Porc Abattage a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, la décharge des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2016 à raison de son site de Josselin et, à titre subsidiaire, la réduction de 196 530 euros des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2016 à raison de son site de Josselin ou la réduction des bases d'imposition de 860 157 euros.
Par un jugement n° 1701330 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a ramené la base de la cotisation foncière des entreprises fixée à la SASU Josselin Porc Abattage au titre de l'année 2016 au montant résultant de la prise en compte du prix de revient des biens passibles d'une taxe foncière, figurant au bilan de la société par actions simplifiée (SAS) Immo Amont et issu de la cession du 22 janvier 2015, a déchargé la SASU Josselin Porc Abattage de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 correspondant à cette réduction de la base d'imposition, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 août 2019 et 21 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de décider qu'il sera remis à la charge de l'intéressée la somme de 239 274 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises de l'année 2016 ;
3°) à titre subsidiaire, de décider qu'il sera remis à la charge de la société la somme de 190 307 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises de l'année 2016 ;
4°) d'ordonner la restitution de la somme de 1 500 euros indûment versée par l'Etat à la société au titre des frais liés au litige en exécution de ce jugement.
Il soutient que :
- à titre principal, le changement d'exploitant, au sens du IV de l'article 1478 du code général des impôts doit être regardé comme intervenu le 20 octobre 2014 ;
- à titre subsidiaire, la cession de 2015 a porté sur un établissement industriel et l'article 1518 B du code général des impôts était donc applicable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, la SASU Josselin Porc Abattage, représentée par Me C..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme A..., rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de sa liquidation judiciaire, la société GAD, qui exploitait un établissement d'abattage de porcs, de découpe et d'expédition de viande de porc, a cédé à la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Josselin Porc Abattage son fonds de commerce. Parallèlement, l'ensemble immobilier, dans lequel cette activité était exercée, a été cédé par son propriétaire, la société du Jarlot, à la société Immo Amont. La SASU Josselin Porc Abattage a été agréée en tant que repreneur par un jugement du tribunal de commerce de Rennes du 16 octobre 2014, prévoyant son entrée en jouissance à compter du 20 octobre 2014. La SASU Josselin Porc Abattage a pu, dès cette date, occuper les lieux, en vertu d'une convention d'occupation temporaire et gratuite, conclue avec la société du Jarlot, qui les a toutefois cédés à la société Immo Amont, dès le 22 janvier 2015. La cession du fonds de commerce a été conclue par acte du 22 mai 2015. Par une réclamation du 20 décembre 2016, la SASU Josselin Porc Abattage a contesté le montant de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2016 en sollicitant une réduction de la valeur locative de l'ensemble à usage industriel dont elle a la disposition. Cette réclamation a été rejetée le 18 janvier 2017. La SASU Josselin Porc Abattage a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, la décharge des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2016 à raison de son site de Josselin et, à titre subsidiaire, la réduction de 196 530 euros des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2016 à raison de son site de Josselin ou la réduction des bases d'imposition de 860 157 euros. Par un jugement du 24 avril 2019, le tribunal a ramené la base de la cotisation foncière des entreprises fixée à la SASU Josselin Porc Abattage au titre de l'année 2016 au montant résultant de la prise en compte du prix de revient des biens passibles d'une taxe foncière, figurant au bilan de la société Immo Amont et issu de la cession du 22 janvier 2015, a déchargé la SASU Josselin Porc Abattage de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 correspondant à cette réduction de la base d'imposition, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de l'article 1478 du code général des impôts :
2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...) ". Aux termes de l'article 1467 A de ce code : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. ".
3. Aux termes de l'article 1478 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. / Toutefois le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la cotisation foncière des entreprises pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ou en cas de transfert d'activité. (...) / II. - En cas de création d'un établissement autre que ceux mentionnés au III, la cotisation foncière des entreprises n'est pas due pour l'année de la création. / Pour les deux années suivant celle de la création, la base d'imposition est calculée d'après les biens passibles de taxe foncière dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d'activité. / En cas de création d'établissement, la base du nouvel exploitant est réduite de moitié pour la première année d'imposition. (...) / IV. - En cas de changement d'exploitant, la base d'imposition est calculée pour les deux années suivant celle du changement, dans les conditions définies au deuxième alinéa du II. / Si le changement d'exploitant prend effet le 1er janvier, le nouvel exploitant est imposé pour l'année du changement sur les bases relatives à l'activité de son prédécesseur (...). ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de changement d'exploitant, la base de la cotisation foncière des entreprises est calculée pour les deux années suivant celle du changement d'après les biens passibles de taxe foncière dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d'activité.
5. Il est constant que la cession du fonds de commerce par la société GAD à la SASU Josselin Porc Abattage a eu lieu le 22 mai 2015. L'administration soutient que le changement d'exploitant est intervenu le 20 octobre 2014 dès lors que, par un jugement rendu le 16 octobre 2014, le tribunal de commerce de Rennes a confié à la société Josselin Porc Abattage, en tant que repreneur, la gestion de l'unité de production de la société GAD avec prise de possession au plus tôt le 20 octobre 2014, que cette société a repris l'ensemble des stocks de viande et des contrats en cours, notamment les contrats de travail, que le prix de cession était ferme et définitif dès le 20 octobre 2014 et que la convention d'occupation signée par la société du Jarlot permettant cette entrée en jouissance n'était pas précaire. Toutefois, ces éléments, s'ils font état d'un transfert matériel dès le 20 octobre 2014, ne caractérisent pas une transmission juridique du fonds de commerce et donc un changement d'exploitant au sens des dispositions de l'article 1478 du code général des impôts. Par conséquent, la date du changement d'exploitant doit être regardée comme étant intervenue le 22 mai 2015, date de la cession du fonds de commerce. Par suite, l'administration n'est pas fondée à soutenir que la cotisation foncière des entreprises dont était redevable la SASU Josselin Porc Abattage au titre de l'année 2016 devait être calculée sur la valeur locative des biens passibles de taxe foncière dont elle disposait au 31 décembre 2014 pour un prix de revient de 14 287 500 euros et qui étaient mis à sa disposition par la société du Jarlot sous couvert d'une convention d'occupation temporaire.
En ce qui concerne l'application de l'article 1518 B du code général des impôts :
6. Aux termes de l'article 1518 B du code général des impôts : " A compter du
1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux seules immobilisations corporelles directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession, dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération. / Les valeurs locatives des biens passibles d'une taxe foncière déterminées conformément au présent article sont majorées dans les conditions prévues à l'article 1518 bis. / (...) / Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération. / (...) / Par exception aux cinquième et sixième alinéas, pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 2006 et pour les opérations mentionnées au sixième alinéa, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à : / a. 90 % de son montant avant l'opération pour les opérations entre sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A ou de l'article 223 A bis ; / b. Sous réserve des dispositions du a, 50 % de son montant avant l'opération pour les opérations de reprise d'immobilisations prévue par un plan de cession ou comprises dans une cession d'actifs en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire, jusqu'à la deuxième année suivant celle du jugement ordonnant la cession ou autorisant la cession d'actifs en cours de période d'observation. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, un établissement doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une cession lorsque le même redevable a acquis l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers qui étaient nécessaires à l'exercice autonome de l'activité par le cédant, en vue d'y exercer, avec ces moyens, sa propre activité.
7. Il résulte de l'instruction que la cession de l'unité de production (fonds de commerce) est intervenue le 22 mai 2015 au profit de la SASU Josselin Porc Abattage, alors que la cession de l'immeuble abritant l'unité de production, composé de locaux nus, a été réalisée dès le 22 janvier 2015, entre la SARL du Jarlot, vendeuse, et la SAS Immo Amont, ces deux sociétés ayant pour activité la location. Il est ainsi constant que la SASU Josselin Porc Abattage, a acquis uniquement le fonds de commerce et non l'ensemble immobilier. Par conséquent, alors même que la société Immo Amont appartient au même groupe que la SASU Josselin Porc Abattage et qu'elle a ensuite loué à cette dernière, à partir du 22 janvier 2015, l'ensemble immobilier, ces circonstances font obstacle à ce que soient appliquées à la cotisation foncière des entreprises due pour l'année 2016 par la SASU Josselin Porc Abattage les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts. D'ailleurs, le bail qui liait la SARL du Jarlot et la société GAD n'a pas été cédé. Enfin, le bien donné à bail par un loueur ne constitue pas, par lui-même, un établissement pour celui-ci au sens des dispositions en cause. Dès lors, le moyen soulevé par le ministre, à titre subsidiaire, et tiré de ce qu'il y a eu une cession d'établissement au sens des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a ramené la base de la cotisation foncière des entreprises fixée à la SASU Josselin Porc Abattage au titre de l'année 2016 au montant résultant de la prise en compte du prix de revient des biens passibles d'une taxe foncière, figurant au bilan de la société par actions simplifiée (SAS) Immo Amont et issu de la cession du 22 janvier 2015, a déchargé la SASU Josselin Porc Abattage de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 correspondant à cette réduction de la base d'imposition et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au bénéfice de la SASU Josselin Porc Abattage, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SASU Josselin Porc Abattage une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société par actions simplifiée unipersonnelle Josselin Porc Abattage.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
La rapporteure,
P. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03189
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