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16/02/2021 | FRANCE | N°19NT02892

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 février 2021, 19NT02892


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 26 mai 2016 ainsi que celle du 30 août 2016, prise sur recours gracieux, par lesquelles le directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Maine-et-Loire a retenu la somme de 286,54 euros sur son traitement du mois de mai 2016, de le condamner à lui verser une somme de 216,67 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2016, et de mettre à sa charge la somme de 500 euros

sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 26 mai 2016 ainsi que celle du 30 août 2016, prise sur recours gracieux, par lesquelles le directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Maine-et-Loire a retenu la somme de 286,54 euros sur son traitement du mois de mai 2016, de le condamner à lui verser une somme de 216,67 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2016, et de mettre à sa charge la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1609014 du 12 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions (article 1er), a condamné le SDIS de Maine-et-Loire à verser à M. E... une somme de 160 euros (article 2), a mis à sa charge une somme de 100 euros à verser à M. E... (article 3) et a rejeté le surplus de la demande (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2019 et 26 octobre 2020, le SDIS de Maine-et-Loire, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le tribunal administratif de Nantes a commis une erreur de droit en appliquant l'article RH44 du règlement intérieur du SDIS pour calculer la retenue du traitement au titre des jours de grève dès lors que cet article ne s'applique pas en cas de grève et que l'interruption d'une garde en raison d'un mouvement de grève ne peut être regardée comme constitutive d'un départ anticipé.

Par deux mémoires, enregistrés les 7 avril et 19 novembre 2020, M. E..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du SDIS de Maine-et-Loire une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, si la cour censure le moyen retenu par les premiers juges, il se prévaut des moyens présentés en première instance, notamment ceux relatifs à l'incompétence du signataire des décisions et à l'exception d'illégalité opposée à la planification de gardes de 24 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°85-1148 du 24 octobre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le SDIS de Maine-et-Loire.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., sapeur-pompier professionnel au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Maine-et-Loire, a pris part, les 31 mars et 28 avril 2016, à deux mouvements de grève de minuit à 8 heures, alors qu'il effectuait une garde de 24 heures. Par deux décisions du 26 mai 2016, il a été informé qu'une retenue d'un montant total de 286,54 euros, correspondant à deux absences de service fait de huit heures, était effectuée sur son salaire du mois de mai 2016. Par courrier du 11 juillet 2016, M. E... a exercé un recours gracieux auprès du président du conseil d'administration du SDIS de Maine-et-Loire contestant ces retenues et sollicitant le versement de la somme de 216,67 euros correspondant, selon lui, au trop prélevé au-delà de la retenue de 69,87 euros justifiée pour la seule journée du 31 mars 2016. Par courrier du 30 août 2016, le vice-président du SDIS de Maine-et-Loire a rejeté son recours gracieux. L'intéressé a alors sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces décisions ainsi que la condamnation du SDIS de Maine-et-Loire à lui verser la somme de 216,67 euros. Par un jugement du 12 juin 2019, dont le SDIS de Maine-et-Loire fait appel, ce tribunal a annulé ces décisions (article 1er), a condamné le SDIS de Maine-et-Loire à verser à M. E... une somme de 160 euros (article 2), a mis à sa charge une somme de 100 euros à verser à M. E... (article 3) et a rejeté le surplus de la demande (article 4).

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Pour annuler les décisions contestées, les premiers juges ont retenu que le SDIS de Maine-et-Loire a commis une erreur de droit en ne retenant pas, pour le calcul des retenues opérées au titre des grèves auxquelles M. E... a participé, les modalités prévues à l'article RH44 du règlement intérieur du SDIS en cas de départ anticipé.

3. Aux termes du § 1 de l'article RH44 de ce règlement intérieur, qui fixe, en vertu de l'article R. 1424-22 du code général des collectivités territoriales, les modalités de fonctionnement du corps départemental et les obligations de service de ses membres : " La garde de 24 heures (G24) est comptabilisée 17 heures en temps de travail et rémunérée comme telle. / En cas de départ anticipé, les 12 premières heures d'une garde de 24 heures sont décomptées selon le temps effectivement réalisé. Au-delà de la douzième heure, 25 minutes de temps de travail sont décomptées par heure de présence. Dans le cas d'un remplacement entre agent, aucun décompte horaire ne sera appliqué. ".

4. Les dispositions prévues au deuxième alinéa du paragraphe 1 de l'article RH44 cité au point précédent se bornent à définir les modalités de décompte du temps d'équivalence au temps de travail en cas de départ anticipé lors d'une garde de 24 heures et n'instaurent aucune disposition particulière dérogatoire en matière de rémunération de cette garde[GO1]. Par[MF2] suite, en admettant même que l'interruption d'une garde pour participer à un mouvement de grève puisse être regardée comme un cas de départ anticipé, le SDIS de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur de droit dans son calcul de la retenue sur salaire en ne se fondant pas sur ce rapport d'équivalence. Dès lors, le SDIS de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler ses décisions, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce motif.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

6. En premier lieu, les décisions du 26 mai 2016 ont été signées par le colonel Fadin, directeur départemental adjoint, qui bénéficiait, en vertu de l'article 2 de l'arrêté n° 2016.0087 du 28 janvier 2016 du président du conseil d'administration du SDIS de Maine-et-Loire, en cas d'absence ou d'empêchement du colonel Belhache, directeur départemental, d'une délégation générale de signature à l'exception de la signature des marchés. Par suite, le signataire de ces actes était bien compétent. Si M. E... met en doute cet empêchement ou cette absence, il n'établit pas que le colonel Belhache n'aurait pas été absent ou empêché lors de la signature des décisions du 26 mai 2016. Par ailleurs, la décision du 30 août 2016, prise sur recours gracieux, a été signée par M. A..., deuxième vice-président du conseil d'administration du SDIS de Maine-et-Loire qui bénéficie, en vertu de l'article 2 de l'arrêté n° 2015.906 du 18 mai 2015 du président du conseil d'administration du SDIS, des attributions du président du conseil d'administration en matière, notamment, de gestion des carrières des personnels de l'établissement, au nombre desquelles figurent les décisions relatives aux rémunérations. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires des actes contestés doit être écarté.

7. En deuxième lieu, la décision par laquelle l'autorité administrative, lorsqu'elle liquide le traitement d'un agent, procède à une retenue pour absence de service fait constitue une mesure purement comptable et n'a pas à être motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions du 26 mai 2016 doit être écarté.

8. En troisième lieu, la décision JSP-2016-4701 du 26 mai 2016 mentionne qu'il est procédé à une retenue sur le salaire du mois de mai 2016 en raison de l'absence de service fait le 29 avril 2016. Si M. E... fait valoir qu'il n'était pas absent du service ce jour-là, l'erreur commise, consistant à avoir mentionné le 29 avril au lieu du 28 avril, date à laquelle l'intéressé a participé à un mouvement de grève national, constitue une simple erreur de plume, corrigée dès la décision prise sur recours gracieux.

9. En quatrième lieu, en vertu de l'article 87 de la loi du 26 janvier 1984, les fonctionnaires territoriaux ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983. Cet article prévoit que cette rémunération comprend notamment un traitement auquel est attribuée, selon l'article 3 du décret du 24 octobre 1985, une valeur annuelle. L'absence de service fait par un fonctionnaire territorial, due en particulier à sa participation à une grève, donne lieu à une retenue sur son traitement. A défaut de dispositions législatives applicables à ces agents précisant le régime de cette retenue, son montant doit être proportionné à la durée de la grève, en comparant cette durée aux obligations de service auxquelles les intéressés étaient soumis pendant la période au cours de laquelle l'absence de service fait a été constatée et au titre de laquelle la retenue est opérée. Dans le cas d'un agent qui assure son service sous la forme de gardes d'une durée de 24 heures suivies d'une période de repos, et dont le nombre total est fixé pour l'année alors que son traitement est liquidé mensuellement, il y a lieu, lorsque l'agent n'a pas accompli une partie de la garde de 24 heures à laquelle il était astreint, de rapporter le nombre d'heures qu'il n'a pas accomplies au nombre d'heures résultant de son obligation de service annuelle, et d'appliquer le rapport en résultant au montant mensuel du traitement auquel il a normalement droit.

10. Il est constant que l'obligation de service annuelle de M. E... était en 2016 de 75 gardes de 24 heures, 21 gardes de 12 heures et 80 heures d'activités de service, soit 2 132 heures. L'application du rapport de 8 heures non accomplies à ces 2 132 heures résultant de l'obligation de service au montant mensuel de la rémunération mensuelle de l'intéressé conduit à une retenue pour absence de service fait pendant huit heures de 143,37 euros, primes incluses. Par suite, en déterminant ainsi cette retenue, le SDIS de Maine-et-Loire n'a pas, contrairement à ce que soutient M. E..., procédé à une retenue disproportionnée au regard de la durée de la grève.

11. En cinquième lieu, M. E... soutient que la retenue ainsi calculée porte atteinte à l'exercice du droit de grève dès lors que les agents, ayant des obligations de service mensuelles différentes, sont soumis à des retenues différentes. Toutefois, le régime mentionné au point 9 repose sur la prise en compte de l'obligation de service annuelle, et non mensuelle, et aboutit à une retenue similaire pour un même nombre d'heures qui n'ont pas été accomplies, quelle que soit l'obligation de service mensuelle. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

12. En dernier lieu, si M. E... soutient que les retenues sont fondées sur une durée de présence illégale dès lors que la planification de garde de 24 heures est elle-même illégale, ce moyen, présenté comme excipant de l'illégalité de la planification effectuée sur la base de l'article 3 du décret du 31 décembre 2001, est inopérant dès lors qu'eu égard aux modalités de calcul de la retenue exposées au point 9, l'organisation de gardes de 24 heures est sans influence sur le rapport appliqué au montant mensuel de la rémunération.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. E... doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'indemnisation fondées sur la réparation du préjudice résultant de l'illégalité des décisions contestées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS de Maine-et-Loire, qui n'est pas partie perdante, la somme sollicitée par M. E.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... une somme de 1 000 euros[MF3] à verser au SDIS de Maine-et-Loire sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 12 juin 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. E... versera, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Maine-et-Loire.

Article 4 : Le surplus des conclusions du SDIS de Maine-et-Loire est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de Maine-et-Loire et à M. B... E....

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme F..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

Le rapporteur,

F. F...Le président,

O. GASPON

Le greffier,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[GO1]Attention : la première phrase du RH 44 définit bien une modalité de rémunération en relation avec le système d'équivalence, i.e 24h payées 17. Ou je comprends mal '

[MF2]Oui tout à fait. Mais le litige ne porte que sur l'application du deuxième alinéa en cas de départ anticipé et c'est de ce seul alinéa que je propose de dire qu'il ne comporte pas de modalité de rémunération.

La thèse de M. Hamelin est de dire : en cas de départ anticipé, les 12 premières heures sont payées 1 h et les 12 suivantes, comptées comme 25 mn, sont moins valorisées financièrement.

Le deuxième alinéa ne le dit pas.

(Et le premier alinéa ne me parait pas dire autre chose qu'une heure de garde de 24h est payée 1/24*17, ce qui s'applique donc)

[MF3]Nous n'en avons pas reparlé. Peut-être est ce un peu dur finalement de mettre des FIR à sa charge ' 1 000 euros maximum '.

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N° 19NT02892 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02892
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : EUVRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-02-16;19nt02892 ?
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