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16/02/2021 | FRANCE | N°19NT02152

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 février 2021, 19NT02152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... N... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 23 juin 2017 par laquelle le président du conseil départemental des Côtes d'Armor a prononcé sa révocation.

Par un jugement n°1703444 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2019, le 12 février 2020, le 10 mars 2020, le 11 mars 2020 et le 30 mars 2020, Mme N..., représentée par M

e I... et Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 avril 2019 du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... N... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 23 juin 2017 par laquelle le président du conseil départemental des Côtes d'Armor a prononcé sa révocation.

Par un jugement n°1703444 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2019, le 12 février 2020, le 10 mars 2020, le 11 mars 2020 et le 30 mars 2020, Mme N..., représentée par Me I... et Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du 23 juin 2017 par laquelle le président du conseil départemental des Côtes d'Armor a prononcé sa révocation ;

3°) d'inscrire en faux les pièces relatives à l'expertise sociale et aux témoignages n°9, 10 et 11 sur le fondement de l'article R. 633-1 du code de justice administrative ;

4°) d'enjoindre au président du conseil départemental des Côtes-d'Armor de prononcer sa réintégration à la date du 8 juillet 2017 et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

5°) de mettre à la charge du département des Côtes d'Armor le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le rapporteur public du tribunal ayant préalablement siégé en qualité de président du conseil de discipline lorsque son affaire a été examinée lors de la séance du 9 juin 2017, le jugement est entaché de partialité ;

- le jugement est insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- la procédure disciplinaire est entachée d'irrégularités :

* dès lors que son dossier individuel consulté ne faisait l'objet d'aucun classement ou numérotation, rendant impossible de s'assurer de son caractère complet ;

* reconsulter son dossier individuel n'avait pas d'intérêt dès lors que ce dernier est intangible et qu'il était en tout état de cause incomplet ;

* la liste des personnes convoquées ne figure pas au dossier disciplinaire et elle n'est pas annexée au procès-verbal de séance, ce qui ne permet pas de s'assurer que sa situation a été examinée par un conseil de discipline impartial et compétent ;

* le conseil de discipline était irrégulièrement composé dès lors que trois suppléants ont siégé aux lieux et places des titulaires et aucun empêchement des titulaires n'est justifié ;

* il n'a été fait aucun appel des présents et aucune des signatures des membres siégeant ne figure au procès verbal du conseil de discipline, ni dans ses annexes ;

* Mme L..., rédacteur principal de 1ère classe, ayant siégé en tant que représentant titulaire du personnel au sein du conseil de discipline, n'appartient pas à son groupe hiérarchique ou au groupe hiérarchique supérieur ;

* l'enquête disciplinaire a été conduite de manière partiale, aucune enquête disciplinaire en bonne et due forme n'ayant été réellement menée ;

* elle n'a pas été mise en mesure d'exposer sa version des faits, fournir toute attestation ou requérir tout témoignage à décharge à l'enquêtrice dans le cadre de l'enquête disciplinaire ;

* il ne peut lui être reprochée de ne pas avoir participé à l'enquête administrative dès lors que cette enquête était à l'origine une expertise sur les dysfonctionnements des relations de travail au sein du Service d'Accompagnement et de Soutien à la Parentalité (SASP), l'analyse des risques psycho sociaux et de harcèlement qui a été requalifiée rétroactivement en enquête administrative ;

- la sanction contestée est entachée d'erreurs de fait et d'erreurs de qualification juridique des faits :

* les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

* la sanction en cause participe d'un harcèlement moral qu'elle subit depuis plusieurs années ;

* la sanction en litige est disproportionnée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 novembre 2019, le 25 février 2020 et le 13 mars 2020, le département des Côtes d'Armor conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme N... la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la demande en inscription de faux déposée par Mme N... est irrecevable et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me K..., substituant Me I... et Me D..., représentant Mme N...,

- et les observations de Me P..., substituant Me M..., représentant le département des Côtes d'Armor.

Considérant ce qui suit :

1. Mme N..., assistante socio-éducative titulaire au sein des services du département des Côtes d'Armor, a fait l'objet d'une sanction disciplinaire de révocation par un arrêté du 23 juin 2017 du président du conseil départemental des Côtes d'Armor. Par sa requête visée ci-dessus, Mme N... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2019 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rôle de l'audience du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Rennes au cours de laquelle l'affaire de Mme N... a été appelée et de la fiche dite " skipper " de l'instance n°1703444 produite, éditée postérieurement à l'audience du 4 avril 2019, que Mme G... assurait les fonctions de rapporteur public lors de cette audience, en dépit de la mention erronée portée sur le jugement selon laquelle les conclusions de M. B..., rapporteur public, auraient été entendues lors de l'audience publique. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement en cause serait entaché d'irrégularité dès lors que M. B..., magistrat ayant préalablement siégé en qualité de président du conseil de discipline lorsque son affaire a été examinée lors de la séance du 9 juin 2017, ne pouvait conclure dans cette affaire.

3. En second lieu, contrairement à ce qui est allégué, le jugement attaqué est suffisamment motivé quant à l'exactitude matérielle des faits reprochés et à leur qualification juridique.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. (...) Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. ".

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de consultation de son dossier établi le 18 mai 2017, que Mme N... n'a pas été en mesure de prendre connaissance initialement dans de bonnes conditions de l'intégralité de son dossier administratif, en raison d'un défaut de classement et de numérotation des pièces le constituant. Toutefois, le département a pris en compte les observations présentées par la requérante lors de la première consultation de son dossier et lui a proposé de consulter à nouveau son dossier, dont les pièces avaient été reclassées et numérotées, le 22 mai 2017, dans un délai suffisant avant la réunion du conseil de discipline du 9 juin 2017. Il est constant que l'intéressée n'y a pas donné suite. Le reclassement et la numérotation régulière du dossier administratif sont sans lien avec le caractère intangible du dossier, qui ne concerne que son contenu. Les allégations de la requérante selon lesquelles reconsulter son dossier individuel n'avait pas d'intérêt dès lors que ce dernier était en tout état de cause incomplet ne reposent sur aucun élément, alors même que la requérante ne soutient ni même n'allègue qu'une pièce pouvant avoir une influence sur le cours de la procédure disciplinaire aurait été soustraite du dossier avant sa communication. Dans ces conditions, Mme N... n'est pas fondée à soutenir que la procédure disciplinaire serait entachée d'irrégularité sur ce point.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 18 septembre 1989 susvisé : " (...) Le conseil de discipline est présidé par un magistrat de l'ordre administratif, en activité ou honoraire (...). Le conseil de discipline comprend en nombre égal des représentants du personnel et des représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. (...) Lorsque le nombre de représentants de l'administration est impair, le membre supplémentaire est choisi parmi les représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Siègent en qualité de représentants du personnel les membres titulaires de la commission administrative paritaire appartenant au même groupe hiérarchique que l'intéressé et au groupe hiérarchique supérieur. Les membres suppléants ne siègent que lorsque les membres titulaires qu'ils remplacent sont empêchés. Toutefois, lorsque le nombre de représentants titulaires du personnel appelés à siéger est inférieur à trois, les suppléants siègent avec les titulaires et ont voix délibérative. Si l'application de l'alinéa précédent ne permet pas d'avoir un nombre de représentants du personnel pouvant siéger au moins égal à trois, cette représentation est complétée ou, le cas échéant, constituée par tirage ou sort parmi les fonctionnaires en activité relevant du groupe hiérarchique le plus élevé de la commission administrative paritaire. Dans le cas où le nombre de fonctionnaires ainsi obtenu demeure inférieur à trois, la représentation est complétée ou, le cas échéant, constituée par tirage au sort parmi les représentants du personnel à la commission administrative paritaire de la catégorie supérieure. Le tirage au sort est effectué par le président du conseil de discipline. Les représentants des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics sont désignés par le président du conseil de discipline par tirage au sort, en présence d'un représentant du personnel et d'un représentant de l'autorité territoriale : 1° Lorsque la collectivité territoriale ou l'établissement public dont relève le fonctionnaire poursuivi est affilié à un centre de gestion, parmi l'ensemble des représentants des collectivités et établissements à la commission administrative paritaire placée auprès du centre de gestion ; 2° Lorsque la collectivité territoriale ou l'établissement public dont relève le fonctionnaire poursuivi n'est pas affilié à un centre de gestion, parmi l'ensemble des représentants de la collectivité ou de l'établissement à la commission administrative paritaire (...). Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le conseil de discipline est convoqué par son président. L'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne peut siéger. (...) ".

7. Ni les dispositions précitées, ni aucune autre disposition réglementaire ne prévoient que la liste des personnes convoquées au conseil de discipline doit figurer dans le dossier disciplinaire ou être annexée au procès-verbal de séance. Les allégations de la requérante selon lesquelles sa situation aurait été examinée par un conseil de discipline partial et incompétent, faute de convocation régulière des membres du conseil de discipline, ne sont corroborées par aucun élément, alors que le département produit en défense les courriers de convocation des membres du conseil de discipline, en date du 10 mai 2017. La circonstance que le procès-verbal du conseil de discipline en date du 9 juin 2017 n'ait pas été signé par tous les membres composant cette formation est sans incidence sur sa légalité dès lors que la requérante ne soutient ni même n'allègue que le procès-verbal comporterait des inexactitudes ou que certaines des personnes qui y sont mentionnées auraient été absentes. Ensuite, il n'est pas établi que les suppléants présents lors de la séance du conseil de discipline ne pouvaient siéger, en l'absence d'empêchement des titulaires suppléés. Enfin, Mme L..., rédacteur principal de 1ère classe, ayant siégé en tant que représentant titulaire du personnel au sein du conseil de discipline, appartient au même groupe hiérarchique 4 que l'intéressée, selon la définition retenue par l'article 5 du décret n°95-1018 du 14 septembre 1995. Dans ces conditions, Mme N... n'est pas fondée à soutenir que la procédure disciplinaire serait entachée d'irrégularités sur ces différents points.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 du décret du 18 septembre 1989 susvisé : " S'il ne se juge pas suffisamment éclairé sur les circonstances de l'affaire, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, ordonner une enquête. ".

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande de la requérante tendant à bénéficier de la protection fonctionnelle dans le cadre de la dénonciation d'agissements constitutifs de harcèlement moral, le département des Côtes d'Armor a diligenté, au mois de janvier 2017, une enquête administrative sur les dysfonctionnements des relations de travail au sein du Service d'Action Sociale de Proximité (SASP[GO1]) et l'analyse des risques psycho sociaux au sein de ce service, conduite par Mme O.... Cette enquête, par sa finalité et son objet, ne saurait être assimilée à l'enquête disciplinaire prévue par les dispositions précitées, qui constitue un pouvoir d'instruction du conseil de discipline. Néanmoins, le conseil de discipline pouvait prendre en compte les résultats de cette enquête pour apprécier le comportement de l'intéressée dans le cadre des faits reprochés. La circonstance que Mme O... soit intervenue ponctuellement en tant que formatrice et médiatrice au sein du centre de gestion du département des Côtes d'Armor ne saurait, par elle-même, remettre en cause son impartialité. Si Mme N... se plaint de ne pas avoir été mise en mesure d'exposer sa version des faits et de fournir des éléments à l'enquêtrice dans le cadre de cette enquête, il n'est pas contesté qu'elle a refusé d'être entendue au cours de celle-ci. Dans ces conditions, Mme N... n'est pas fondée à soutenir que la procédure disciplinaire serait entachée d'irrégularité sur ce point.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Quatrième groupe : (...) la révocation. (...) ".

11. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

12. Il est reproché à Mme N... de ne pas respecter les devoirs et obligations incombant à tout fonctionnaire, notamment le devoir d'obéissance hiérarchique, le devoir de discrétion et l'obligation de neutralité, de porter atteinte à la dignité des personnes et à l'image de la collectivité, de faire preuve d'agressivité à l'encontre de ses collègues, de sa hiérarchie et des partenaires de la collectivité en instaurant un climat conflictuel au sein du service. L'intéressée aurait notamment adopté, au cours de l'année 2016 et au début de l'année 2017, un comportement inapproprié avec le collectif de travail générateur de conflits et manifesté à de nombreuses reprises un comportement agressif à l'égard de ses collègues et instauré un climat de méfiance envers ces derniers. Il lui est reproché un comportement contraire à l'éthique professionnelle, une attitude d'insubordination en refusant le 1er avril 2016 d'appliquer une directive de la cheffe de service, de recevoir un usager du service en urgence alimentaire, d'avoir refusé le 28 novembre 2016 d'effectuer une démarche (mesure d'évaluation préoccupante) demandée par sa supérieure hiérarchique, de fermer à clé son bureau empêchant ses collègues d'accéder aux dossiers des usagers lorsqu'elle est absente et de perturber l'organisation et le bon fonctionnement du service. Elle manifesterait également une attitude inadaptée vis-à-vis d'usagers en grande difficulté sociale, soit en refusant de les recevoir, soit en refusant de les renseigner, ainsi qu'à l'encontre de partenaires extérieurs du service, en adoptant une attitude agressive. Mme N... n'aurait en outre pas respecté une mesure de suspension prononcée à son encontre.

13. Tout d'abord, aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. ". Si Mme N... argue de faux les pièces relatives à l'expertise sociale et aux témoignages n° 9, 10 et 11, ses allégations concernant lesdites pièces ne reposent sur aucun élément sérieux. En particulier, la circonstance que le rapport sur les dysfonctionnements des relations de travail au sein du SASP ne soit pas signé par son auteur ou que sa mise en page diffère entre les versions produites, ne saurait remettre en cause son authenticité. De même, si les attestations n° 9, 10 et 11 soumises au débat ne sont pas accompagnées d'une pièce d'identité de leur auteur, cette circonstance ne saurait, à elle seule, caractériser l'existence d'un faux. Dès lors, les conclusions présentées par la requérante sur le fondement de l'article R. 633-1 du code de justice administrative ne sauraient, en tout état de cause, être accueillies.

14. Ensuite, il ressort des pièces du dossier, notamment des notes du 5 avril 2016, du 5 janvier 2017 et du 14 février 2017, de M. C... et de Mme F..., anciens directeur et directrice de la maison du département de Loudéac, qui recensent des incidents intervenus au cours de l'année 2016 et début 2017 ainsi que du courriel de Mme J..., conseillère à l'emploi de Pôle emploi en date du 16 janvier 2017 adressé à l'intéressée, des attestations et courriels d'usagers et de collègues produits se plaignant du comportement de Mme N... et de l'enquête administrative sur les dysfonctionnements des relations de travail au sein du SASP conduite par Mme O..., que la requérante a instauré un climat de travail conflictuel au sein de la maison du département, ayant adopté un comportement perturbant gravement le bon fonctionnement du service, caractérisé par de nombreux manquements à ses obligations professionnelles. Les agents de la maison du département de Loudéac désignent, dans l'enquête administrative de Mme O..., le comportement de Mme N... comme la source des tensions au sein du service, se plaignant notamment d'une communication impossible avec l'intéressée, de conflits directs et d'agressions verbales. Mme N... a en outre fait preuve d'insuffisances répétées dans la prise en charge des usagers du service social, en méconnaissance de ses obligations de service, comme des refus de répondre au téléphone, un comportement remettant en cause la légitimité d'autres assistants du service social ou des décisions du chef de service sur de nouvelles procédures.

15. Enfin, Mme N... a fait l'objet d'une suspension de fonctions par arrêté du 27 février 2017, concomitamment à l'engagement de la procédure disciplinaire. Il ressort de l'attestation du 7 mars 2017 de Mme E..., chef de service à la maison du département, que la requérante a accompagné, le 6 mars 2017, une usagère à la Cour d'appel de Rennes, laquelle faisait appel d'un placement de ses enfants, mesure que soutenait le département des Côtes d'Armor dans l'intérêt des enfants, alors qu'elle était suspendue de ses fonctions. Les allégations de l'intéressée selon lesquelles elle aurait rencontré de manière impromptue l'ancienne usagère au Parlement de Bretagne sont dénuées de caractère sérieux, alors même que Mme N... ne produit aucune attestation de l'usagère en question susceptible de confirmer ses dires. Dans ces conditions, en agissant de la sorte, Mme N..., qui continuait d'être liée au service public et devait en conséquence observer la réserve qu'exige la qualité dont elle demeurait revêtue, a manqué à son obligation de réserve et de loyauté envers son service. Enfin, les éléments du dossier ne permettent pas de présumer que la sanction en cause participerait d'un harcèlement moral dont Mme N... serait la victime depuis plusieurs années alors que, notamment, le département a décidé de lui proposer un soutien psychologique au mois de novembre 2016 après l'avoir reçue en entretien. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que la matérialité des faits reprochés est établie.

16. Les faits précédemment décrits sont fautifs et sont de nature à être sanctionnés disciplinairement. Eu égard à leur nature, à leur répétition, en dépit des multiples rappels à l'ordre de Mme N... par ses supérieurs hiérarchiques et de la mesure de suspension prise à son encontre, à la méconnaissance qu'ils traduisent, de sa part, de ses devoirs d'obéissance hiérarchique et des manquements graves à son obligation de servir liés à la mauvaise exécution de ses missions, notamment par des relations particulièrement conflictuelles entretenues avec ses collègues de travail de nature à nuire aux missions d'accompagnement réalisées par l'ensemble de la filière sociale de son service et portant atteinte à l'image de l'institution départementale, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en prononçant à son encontre la sanction de révocation.

17. Il résulte de ce qui précède que Mme N... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction de la requête ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du conseil départemental des Côtes d'Armor, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme N... au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme N... la somme réclamée par le conseil départemental des Côtes d'Armor au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme N... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du conseil départemental des Côtes d'Armor sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... N... et au département des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec la collectivité territoriale en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[GO1]' en toutes lettres

2

N°19NT02152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02152
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP UHRY D'ORIA GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-02-16;19nt02152 ?
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