La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2021 | FRANCE | N°20NT00483

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 février 2021, 20NT00483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1902128 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
r>Par une requête enregistrée le 11 février 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1902128 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours, ou à défaut de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; l'avis du collège de médecins comporte une signature numérisée des trois médecins, dont la qualité est en outre illisible ; les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ont donc été méconnues ; la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article R. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B... C..., ressortissant angolais né le 4 juin 1985, entré en France le 19 juin 2016 et dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 novembre 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 mai 2018, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au vu d'un avis du 26 avril 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. La circonstance que la signature des trois médecins du collège ait été apposée sous forme numérisée ne saurait caractériser une méconnaissance des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. De plus, si M. C... soutient que la qualité des médecins de ce collège n'est pas lisible, il n'invoque aucune disposition législative ou réglementaire imposant que la qualité des médecins soit précisée sur l'avis du collège de médecins de l'Office. Au surplus, le préfet du Calvados produit une attestation du directeur territorial de l'Office qui confirme que le collège de médecins était bien constitué par les médecins signataires de l'avis. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier de l'avis du collège de médecins doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministère de la santé (...) ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Il ressort de l'avis du 26 avril 2019 que le collège de médecins de l'OFII a estimé, d'une part, que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, qu'il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester le sens de cet avis, M. C... fait valoir qu'il suit un traitement médicamenteux composé d'Alprazolam, d'Effexor et de Lormetazepam, en ce qui concerne son syndrome de stress post-traumatique, et un autre traitement composé de Diclofenac, de Versatis et de Lyrica et que ces médicaments ne sont pas disponibles en Angola. Pour établir l'absence de disponibilité de ce traitement, M. C... se réfère essentiellement à des fiches issues du site " Drugs.com ". Toutefois, les fiches en question, au demeurant non traduites en français et non datées, ne portent pas sur la disponibilité des molécules, mais sur le nom générique adopté dans chaque pays. Si M. C... se réfère également à une " liste de médicaments essentiels " publiée par le ministère de la santé angolais, cette liste est datée de 2008. De plus, rien ne permet d'indiquer que cette liste constituerait une liste exhaustive des médicaments disponibles. M. C... se prévaut également de plusieurs certificats médicaux. Toutefois les certificats médicaux produits, établis les 29 juillet, 12 septembre et 10 octobre 2019 par un médecin généraliste et un médecin psychiatre, ne font pas état de l'impossibilité de suivre un traitement en Angola. M. C... produit enfin, pour la première fois en appel, un certificat médical du 21 novembre 2019 établi par des médecins de l'hôpital de Prena en Angola. Cependant, ce certificat fait état d'une consultation de M. C... alors que M. C... n'allègue pas être retourné en Angola à cette période. Surtout, si les médecins indiquent qu'il n'y a pas de traitement par manque de médicaments et en l'absence d'assurance sociale, cette mention à caractère général ne saurait à elle seule permettre de remettre en cause les conclusions du collège de médecins faisant état d'une disponibilité du traitement de M. C... en Angola. Par suite, M. B... C... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour raison médicale, le préfet du Calvados a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, M. C... fait valoir qu'il est le père d'un enfant français qui réside aujourd'hui en France. Il précise qu'un ressortissant français a reconnu cet enfant, mais qu'il a engagé une action en justice afin de démontrer qu'il en est le père biologique et de se voir accorder l'autorité parentale. M. C... produit au soutien de ses allégations un jugement du tribunal de grande instance de Caen du 14 novembre 2019. Toutefois, il ressort de ce document que cette procédure a été initiée par Mme D..., et non par M. C.... La production de quelques photographies sur lesquelles il apparaît avec cet enfant ne sauraient permettre de caractériser des liens stables et intenses avec cet enfant. M. C... n'établit en outre pas que la mère se serait opposée à ce qu'il conserve de tels liens. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. C... n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions ont été méconnues.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. La décision portant refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision doit être annulée par voie de conséquence.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

Le rapporteur,

H. A...

Le président,

F. BatailleLe rapporteur,

H. A...Le président,

F. Bataille

La greffière,

A. Rivoal

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 20NT00483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00483
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : HOURMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-02-11;20nt00483 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award