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11/02/2021 | FRANCE | N°19NT00976

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 février 2021, 19NT00976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société IMSA Limited a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2013, des rappels de taxes

sur les salaires au titre de l'année 2013, ainsi que des amendes fiscales prononcée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société IMSA Limited a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2013, des rappels de taxes sur les salaires au titre de l'année 2013, ainsi que des amendes fiscales prononcées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1609844 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 mars 2019, 13 mars 2019, 14 mars 2019, 20 mai 2020, 22 septembre 2020, 5 octobre 2020, 28 octobre 2020 et 10 novembre 2020, la société IMSA Limited, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'avis de vérification a été adressé au lieu de résidence des deux dirigeants ; la signature de cet avis ne correspond pas à celle des dirigeants ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la proposition de rectification du 31 juillet 2015 a été adressée à la société à responsabilité limitée (SARL) LPA à Saint-Nazaire ;

- la société a été privée d'un débat oral et contradictoire, les dirigeants ne parlant que le grec ;

- l'avis de mise en recouvrement méconnaît l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ; le signataire de cet avis n'avait pas délégation pour ce faire ;

- la vérification de comptabilité a débuté avant l'envoi de l'avis de vérification, rendant la procédure d'imposition irrégulière ;

- la proposition de rectification ne mentionne pas la teneur de la réponse des autorités chypriotes à la suite de la demande d'assistance administrative internationale, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne pouvait recours à la procédure de taxation d'office dès lors qu'elle a déclaré l'existence d'un établissement stable en France auprès du greffe du tribunal de commerce le 15 décembre 2014, soit antérieurement à l'avis de vérification du 26 janvier 2015 ;

- s'agissant de l'impôt sur les sociétés, elle ne disposait pas d'un établissement autonome au sens du I de l'article 209 du code général des impôts ; les rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et les rappels de taxe sur les salaires ne sont par conséquent pas non plus justifiés ;

- la méthode de reconstitution des bases imposables est radicalement viciée ; le service ne pouvait pas écarter les charges liées au siège chypriote, en application du point 3 de l'article 7 de la convention fiscale franco-chypriote ; la reconstitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée n'a pas été faite à partir des encaissements sur ses comptes bancaires ;

- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne disposait pas en France d'un établissement stable ; elle ne disposait pas de moyens techniques propres, ces derniers étant la propriété de la société Muelhan ; le service a, lors du contrôle de la société Muelhan, validé le recours par celle-ci au mécanisme de l'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de des paragraphes 184 et 185 de la documentation administrative de base référencée 3 A-1-10 du 4 janvier 2010, repris aux paragraphes 130 et 140 du bulletin officiel des impôts TVA-DECLA-10-10-20 du 26 décembre 2014 ainsi que du paragraphe 16 de la documentation administrative de base référencée 3 A-1-10 du 4 janvier 2010, repris aux paragraphes 130 et 140 du bulletin officiel des impôts TVA-CHAMP- 20-50-10 du 12 septembre 2012 ;

- la majoration pour activité occulte n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 30 septembre 2019, 23 septembre 2020, 28 septembre 2020, 15 octobre 2020 et 2 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société IMSA Limited ne sont pas fondés.

Un mémoire du ministre de l'économie, des finances et de la relance a été enregistré le 17 novembre 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Chypre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 18 décembre 1981 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

- et les observations de Me A..., pour la société IMSA Limited.

Une note en délibéré pour la société Imsa Limited a été enregistrée par le greffe le lundi 1er février 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La société IMSA Limited, immatriculée au registre des sociétés à Chypre depuis le 28 août 2012, exerce une activité de préparation et traitement des surfaces en qualité de sous-traitante de la société à responsabilité limitée (SARL) Muelhan aux chantiers navals de Saint-Nazaire et à la raffinerie de Donges. L'administration fiscale a exercé le droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans les locaux de la résidence hôtelière " Le Twintel ", situés 26 rue Marcel Sembat à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), susceptibles d'être occupés par la société IMSA Limited, et les locaux situés rue de la Fourme Joubert à Saint-Nazaire et chemin de la Darse à Lillebonne (Seine-Maritime), susceptibles d'être occupés par la SARL Muelhan. La société IMSA Limited a ensuite fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 28 août 2012 au 31 décembre 2013, étendue jusqu'au 31 décembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ces procédures, l'administration fiscale a estimé que la société IMSA Limited disposait d'un établissement stable en France jusqu'en novembre 2014. Des cotisations d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe sur les salaires et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ont été mis à sa charge selon la procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, à l'exception du rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent au seul mois de décembre 2014, notifié selon la procédure contradictoire, et assortis des pénalités de retard et de la majoration de 80% pour activité occulte, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts. La société a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de ces impositions et amende. Par un jugement n° 1609844 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ". L'article L. 68 du même livre prévoit que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 ; ". Le deuxième alinéa de l'article L. 169 du même livre dispose : " L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à l'organisme mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 123-33 du code de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ".

3. La société fait valoir qu'elle a régularisé sa situation par le dépôt, le 15 décembre 2014, d'une déclaration d'un établissement stable en France auprès du greffe du tribunal de commerce de Saint-Nazaire, soit antérieurement à l'avis de vérification du 26 janvier 2015. Toutefois, la régularisation à laquelle une société procède ne peut produire d'effet qu'à l'égard des impositions qui peuvent encore donner lieu à une déclaration dans les délais prescrits. En l'espèce, la vérification de comptabilité a porté sur les exercices clos en 2012 et 2013. La déclaration d'un établissement stable le 15 décembre 2014 est donc sans incidence dans le présent litige. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la société soutient que la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'avis de vérification a été adressée au lieu de résidence des deux dirigeants. Toutefois, un avis de vérification a également été adressé au siège de la société à Chypre. Cet avis a été réceptionné le 20 février 2015. Au surplus, aucun établissement n'ayant été déclaré en France, l'administration ne pouvait qu'adresser l'avis de vérification à la résidence " Le Twintel ". Cet avis a d'ailleurs été réceptionné le 27 janvier 2015. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, si la société soutient que la signature apposée sur l'avis de vérification n'est pas celle des dirigeants, elle n'apporte aucun élément au soutien de son allégation. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. ".

7. La société soutient que l'envoi de l'avis de vérification à la résidence hôtelière " le Twintel " à Saint-Nazaire constitue la preuve que des investigations ont été menées avant que ne débute la vérification de comptabilité. Toutefois, l'envoi de l'avis de vérification à cette adresse fait suite aux constats opérés par le service lors de la visite domiciliaire. Lors de cette visite, les agents de l'administration fiscale ne se sont pas livrés à un examen critique de la comptabilité en la comparant aux déclarations souscrites par la société, mais se sont bornés à faire un certain nombre de constatations matérielles, en particulier en ce qui concerne les documents et personnes présentes à cette adresse. Dans ces conditions, la société n'est pas fondée à soutenir que la vérification de comptabilité a commencé avant l'envoi de l'avis de vérification.

8. En cinquième lieu, la société fait valoir que la procédure est irrégulière en raison de l'envoi de la proposition de rectification du 31 juillet 2015 à la société LPA à Saint Nazaire. Toutefois, une copie de cette proposition de rectification a bien été adressée au siège de la société à Chypre, mais a été retournée au service revêtue de la mention " unclaimed " le 7 septembre 2015. En outre, le cabinet d'expertise comptable LPA a contacté la vérificatrice par courriel le 30 janvier 2015 pour demander que les opérations de contrôle aient lieu à son cabinet. Cette demande a été confirmée par les représentants de l'entreprise par lettre du 4 février 2015. Enfin, la société a eu connaissance de la proposition de rectification le 12 août 2015 au plus tard, date à laquelle elle a demandé par courrier un délai supplémentaire de 30 jours pour y répondre, ses observations écrites étant d'ailleurs parvenues au service le 2 octobre 2015. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté.

9. En sixième lieu, la société soutient qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire, les dirigeants ne parlant que le grec. Toutefois, ce moyen manque en fait dès lors que les dirigeants ont bien été assistés par Mme E..., interprète, ainsi qu'il est indiqué sur la proposition de rectification. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. En septième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

11. En l'espèce, dans le paragraphe de la proposition de rectification consacré à la présentation de la société, l'administration a indiqué que " La réponse partielle apportée par les autorités fiscales chypriotes à la demande d'assistance administrative qui leur a été adressée le 15/05/2015 afin d'obtenir des informations concernant des entités établies à Chypre, a confirmé les éléments issus de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ". La société fait valoir que l'administration n'a pas précisé la teneur de la réponse des autorités chypriotes. Toutefois, il ressort de la proposition de rectification que la teneur des informations obtenues a bien été précisée à la suite de la mention citée ci-dessus. En tout état de cause, il ressort de la réponse des autorités chypriotes, versée au débat par le ministre, que celle-ci portait sur des renseignements nécessairement connus du contribuable. Cette réponse se borne en effet à fournir des informations relatives à l'immatriculation à Chypre, au lieu d'établissement du siège, au nom des dirigeants et des associés et à la répartition du capital. Dans ces conditions, l'absence alléguée de mention de la teneur de la réponse des autorités chypriotes n'a eu aucune incidence sur la faculté pour la société de contester de manière utile les rectifications proposées. La société n'a ainsi été privée d'aucune garantie. Dès lors, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige.

12. En huitième lieu, le signataire de l'avis de mise en recouvrement du 15 février 2016, Mme F... C..., avait bien reçu délégation pour ce faire par une décision du 1er septembre 2015 publiée au recueil des actes administratifs de Loire-Atlantique n° 58 de l'année 2015. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

13. En neuvième lieu, la société reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement méconnaît l'article L. 48 du livre des procédures fiscales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu à bon droit par le tribunal administratif de Nantes.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les cotisations d'impôt sur les sociétés, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et les taxes assises sur les salaires :

14. En premier lieu, en vertu de l'article 209 du code général des impôts, les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions, sont passibles de l'impôt sur les sociétés.

15. Au cours de la visite de l'appartement occupé par M. G..., l'un des deux associés de la société, dans la résidence " Le Twintel " à Saint-Nazaire, le service a constaté la présence d'ordinateurs utilisés à des fins professionnelles. Il y a saisi les statuts de création de la société IMSA Limited, des tampons au nom de M. G... avec la mention " managing director ", du papier à en-tête, des cartes de visite, les plannings des salariés de la société IMSA Limited, la liste des salariés résidant dans la résidence hôtelière " Le Twintel ", la liste nominative des habilitations de ces salariés, des fiches de paie, les certificats de sécurité sociale, les factures d'acquisition d'un ordinateur portable et de réparation d'un véhicule immatriculé en Grèce, des documents d'attribution de cartes bancaires et des avis de virement de la société IMSA Limited à M. G.... Le service a également saisi les contrats conclus entre la société Imsa Limited et la société Muelhan France signés en France, des documents de gestion comptable comme des tableaux de suivi de facturation et des factures vierges à en-tête de la société. Il a également constaté que la SARL Muelhan prenait en location 15 à 23 appartements de cette résidence pour y loger les employés des sociétés IMSA Limited. Le service s'est également fondé sur le fait que ces locaux ont été occupés sans discontinuer tout au long de la période vérifiée, tant par les trois dirigeants de la société Imsa Limited que par les employés de la société. Un droit de communication auprès de la société Muelhan France a aussi révélé que cette société mettait des moyens matériels à la disposition de la société requérante et les lui refacturait mensuellement, comme la consommation en eau des appartements occupés par les salariés, l'accès à Internet depuis la résidence, des abonnements téléphoniques, les frais de formation à la sécurité et de visites médicales des salariés ou la mise à disposition d'un superviseur. Dans ces conditions, l'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la société Imsa avait son siège de direction effectif en France dans les locaux de la résidence hôtelière Le Twinter à Saint-Nazaire. Si la société fait valoir que les deux dirigeants de la société gèrent d'autres activités à Chypre, en Grèce, en Bulgarie et en Afrique du Sud, qu'ils étaient ponctuellement de passage comme en témoigne l'absence de vêtements de rechange, ces allégations, au demeurant non établies, ne permettent pas, au regard de l'ensemble des constatations énumérées ci-dessus, de remettre en cause la qualification d'établissement autonome au sens du I de l'article 209 du code général des impôts retenue par l'administration. Dès lors, la société était donc imposable à l'impôt sur les sociétés en France. Elle était également, par voie de conséquence, imposable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en application de l'article 1586 ter du code général des impôts, à la taxe d'apprentissage en application de l'article 224 du code général des impôts, à la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue en application de l'article 235 ter C du code général des impôts et à la participation des employeurs à l'effort de construction en application de l'article 235 bis du code général des impôts.

16. En second lieu, aux termes du point 3 de l'article 7 de la convention fiscale franco-chypriote : " pour déterminer les bénéfices d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d'administration ainsi exposés, soit dans l'Etat où est situé cet établissement stable, soit ailleurs. ".

17. La société fait valoir que le service ne pouvait pas, en application de ces stipulations, exclure les charges de l'établissement stable liées au siège chypriote. Toutefois, les stipulations invoquées portent sur les charges exposées par le siège social chypriote au bénéfice de l'établissement stable et non sur les charges de l'établissement stable liées au siège social à Chypre. Par suite, la société ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

18. En premier lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". L'article 259 du même code dispose : " Le lieu des prestations de services est situé en France :1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; ". L'article 283 du même code prévoit que : " 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur. / (...) ".

19. Il résulte de ces dispositions que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies. Cet établissement doit présenter un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. Dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire.

20. En l'espèce, la société ne conteste pas le fait que les prestations qu'elle a réalisées étaient assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. La société conteste en revanche sa qualité de redevable. Pour établir cette qualité, l'administration s'est appuyée sur les constats opérés lors des opérations de visite et lors de la vérification de comptabilité et qui ont été rappelés au point 15. Si l'ensemble de ces constatations ne sont pas remises en cause par la société, celle-ci fait valoir, d'une part, qu'elle ne disposait pas de moyens matériels propres. Toutefois, cette seule circonstance ne saurait permettre d'infirmer l'existence d'un établissement stable. Les moyens techniques étaient au demeurant mis à disposition uniquement de la société Rehas Maritime Limited, puis de la société IMSA Limited qui a pris en charge la suite des prestations. La société se prévaut d'autre part du fait que le service n'a pas remis en cause l'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée par la société Muelhan. Cependant, cette circonstance est sans incidence sur la qualité de redevable de la taxe. Au surplus, la société Muelhan a déduit en avril 2016 la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures rectificatives éditées par la société IMSA Limited. La société Muelhan n'a donc pas, en définitive, acquitté la taxe relative aux opérations en litige. Dans ces conditions, les éléments mis en avant par le service permettent de caractériser un degré suffisant de permanence et l'existence d'une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. Il suit de là que l'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la société IMSA Limited était le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations réalisées.

21. En second lieu, si la société fait valoir que la reconstitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée n'a pas été faite à partir des encaissements sur ses comptes bancaires, il est constant que la société n'a pas été en mesure de fournir ses relevés de comptes au cours des opérations de contrôle, et n'a fourni que les comptes de charge (classe 6) et les comptes de produits (classe 7). Le service a, en conséquence, utilisé le compte fournisseur du principal donneur d'ordre, la société Muelhan ainsi que les paiements effectués par cette société. Le service a en outre pu rattacher chaque paiement à une facture émise. Dans ces conditions, s'agissant des périodes relevant de la procédure de taxation d'office, la société n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, de ce que la méthode de reconstitution des bases en matière de taxe sur la valeur ajoutée serait radicalement viciée. S'agissant de la période relevant de la procédure contradictoire, il incombe également à la société de produire les éléments permettant de démontrer le caractère exagéré de l'imposition, la société étant seule en mesure de produire de tels éléments. Compte tenu de l'absence de production de ses comptes bancaires, le moyen ne peut qu'être écarté.

22. En dernier lieu, la société n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 184 et 185 de la documentation administrative de base référencée 3 A-1-10 du 4 janvier 2010, repris aux paragraphes 130 et 140 du bulletin officiel des impôts TVA-DECLA-10-10-20 du 26 décembre 2014 ainsi que du paragraphe 16 de la documentation administrative de base référencée 3 A-1-10 du 4 janvier 2010, repris aux paragraphes 130 et 140 du bulletin officiel des impôts TVA-CHAMP- 20-50-10 du 12 septembre 2012, ces énonciations ne comportant pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

En ce qui concerne la majoration pour activité occulte :

23. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. " L'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dispose que : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. (...) ".

24. Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

25. En l'espèce, il est constant que la société n'avait ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Pour établir qu'elle a commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ces obligations déclaratives, la société fait valoir, sans l'établir, qu'elle a effectué l'ensemble de ses déclarations sociales afférentes à l'emploi de salariés et s'est acquittée du paiement de cotisations sociales. La société met également en avant le fait qu'elle a déclaré et payé l'impôt sur les sociétés à Chypre. La société se prévaut enfin du fait que la taxe sur la valeur ajoutée avait bien été acquittée par le preneur. Toutefois, et bien que la convention fiscale franco-chypriote ne contienne aucune clause relative au secret bancaire, l'administration fait valoir sans être contredite que le taux d'imposition à l'impôt sur les sociétés à Chypre au cours de la période a varié entre 10 et 12,5%, alors qu'il était en France de 33,33 %. En outre, les constats opérés lors de la visite domiciliaire, au sein de la résidence " Le Twintel " ont permis de démontrer que la société avait installé au sein de cette résidence une structure de gestion autonome en charge de la gestion opérationnelle, mais également administrative, comptable et financière de l'activité réalisée en France. Au regard de ces constats, et en dépit du fait que les prestations ont bien été assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée via une auto-liquidation par le preneur, la société ne pouvait ignorer qu'elle avait installé en France un établissement stable. Dès lors, les arguments avancés par la société ne permettent pas d'établir qu'elle aurait commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit pas acquittée de ses obligations déclaratives.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société IMSA Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société IMSA Limited est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société IMSA Limited et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

La greffière,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT009762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00976
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : GARITEY BALZAC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-02-11;19nt00976 ?
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