Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 ainsi que des suppléments de contributions sociales établis au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes. Par une ordonnance du 17 octobre 2016, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué au tribunal administratif d'Orléans le jugement de cette demande.
Par un jugement n° 1603415 du 28 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. et Mme D....
Par un arrêt n° 17NT01575 du 31 janvier 2019, la cour après avoir prononcé un non-lieu à concurrence d'un dégrèvement de 5 060 euros accordé en cours d'instance au titre des contributions sociales mises à la charge de M. et Mme D... au titre de l'année 2013, a en son article 2 rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par ces derniers contre le jugement du tribunal administratif.
Par une décision n°429310 du 19 décembre 2019 le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'article 2 cet arrêt et renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n°19NT04920.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 mai et 27 juillet 2017 M. et Mme D..., représentés par Me C..., ont demandé à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 28 mars 2017 en ce qu'il a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutenaient que :
- l'administration a méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales en fixant le bénéfice imposable de l'exercice clos en 2013 de la Sarl Socoprim à 126 503 euros et, leur redressement étant lié à celui de la Sarl Socoprim, la procédure les concernant est également irrégulière ;
- la proposition de rectification comporte une erreur de date, à savoir le 5 février 2014 au lieu du 5 février 2015, ce qui explique leur mauvaise compréhension des griefs formulés par le service ;
- la Sarl Socoprim peut, en application de l'article 220 quinquies du code général des impôts, bénéficier du report en arrière des déficits dégagés au titre de l'exercice clos en 2014 sur les bénéfices déterminés par l'administration, à la suite d'une vérification de comptabilité, au titre de l'exercice clos en 2013, dès lors que ces bénéfices ne sauraient être qualifiés de revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du même code ; en conséquence, aucun revenu distribué ne peut être imposé au titre de l'année 2013 entre les mains de M. et Mme D....
Par un mémoire en défense enregistré le 25 octobre 2017 le ministre de l'action et des comptes publics a conclu au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements, en droits et pénalités, accordés en cours d'instance en matière de contributions sociales, soit la somme totale de 5 060 euros au titre de l'année 2013 et au rejet du surplus de la requête.
Il faisait valoir que :
- le litige est dépourvu d'objet en tant qu'il porte sur les droits et pénalités dégrevés ;
- les moyens invoqués par M. et Mme D... ne sont pas fondés.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2020 M. et Mme D... réitèrent les conclusions présentées par eux le 22 mai 2017 devant la cour.
Ils soutiennent que la décision du Conseil d'Etat du 19 décembre 2019 confirme leur droit de bénéficier du report en arrière du déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2014 et, par voie de conséquence, l'absence de revenus distribués imposables.
Par un mémoire enregistré le 16 mars 2020 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que, s'il est impossible d'appliquer les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts au bénéfice déterminé pour la Sarl Socoprim au titre de l'exercice clos en 2013, il lui est cependant possible, par voie de substitution de base légale et dès lors que les règles de procédure ont été respectées, de fonder les impositions litigieuses sur le 2° du 1 de l'article 109 du même code ; les sommes de 92 299 et 37 773 euros réintégrées dans les résultats de la société au titre de produits exceptionnels non comptabilisés et de charges non admises en déduction doivent être regardées comme ayant été appréhendées par les intéressés et imposées entre leurs mains en tant que rémunérations occultes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Socoprim, qui exerce une activité de marchand de biens et d'agence immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses exercices clos en 2011, 2012 et 2013, à l'issue de laquelle son bénéfice au titre de l'exercice clos en 2013 a été fixé par l'administration à 126 503 euros. L'administration ayant estimé que ce bénéfice devait être regardé comme distribué en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et appréhendé par M. D... en sa qualité de seul maître de l'affaire, a mis à la charge de M. et Mme D..., au titre de l'année 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales procédant de la taxation des sommes correspondantes entre les mains de M. D... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par un jugement du 28 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. et Mme D... tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires. Par un arrêt du 31 janvier 2019, la cour a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dont elle était saisie à hauteur de 5 060 euros et a pour le surplus, en son article 2, rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement. Par une décision n°429310 du 19 décembre 2019 le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'article 2 de cet arrêt et renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n°19NT04920.
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : /1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; /2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices.(...)". Aux termes de l'article 110 de ce code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés.(...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes.(...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que le bénéfice de l'exercice clos en 2013 de la société Socoprim, dont la comptabilité faisait initialement apparaître un déficit, a été déterminé par l'administration, d'une part, en réintégrant dans les recettes des produits exceptionnels non comptabilisés pour un montant de 92 299 euros et en remettant en cause des charges non justifiées pour un montant de 37 773 euros et, d'autre part, en corrigeant à la baisse la valeur d'inscription, au bilan d'ouverture de l'exercice, d'un immeuble cédé en cours d'exercice, ce qui a eu pour effet une réduction de la variation négative des stocks. Pour rejeter la demande de décharge des impositions supplémentaires auxquelles M. et Mme D... avaient été assujettis au titre de l'année 2013, l'administration fiscale a estimé que la totalité du résultat bénéficiaire au titre de l'exercice clos au 30 juin 2013 était réputée distribuée à M. D..., gérant de la société, en sa qualité de maître de l'affaire.
4. Toutefois, il n'est pas contesté que le rehaussement du résultat de l'exercice clos en 2013 provient, pour un montant supérieur au bénéfice net retenu par l'administration, de la modification de la variation des stocks de la société procédant de la correction de leur valeur d'inscription dans le bilan d'ouverture, qui n'a entraîné, par elle-même, aucun désinvestissement. Par suite, le bénéfice de l'exercice clos en 2013 déterminé par l'administration fiscale à l'issue de la vérification de comptabilité à laquelle elle avait procédé ne pouvait être regardé comme distribué à M. D..., maître de l'affaire, au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts rappelé ci-dessus.
5. Le ministre de l'action et des comptes publics demande cependant, par voie de substitution de base légale, que l'imposition contestée soit maintenue dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
6. Toutefois, s'il n'a pas donné lieu, en l'absence de solde bénéficiaire, à l'établissement d'une cotisation d'impôt sur les sociétés, le rehaussement des résultats d'une société ne saurait par lui-même révéler l'existence de bénéfices ou produits non mis en réserve ou incorporés au capital, taxables entre les mains de leur bénéficiaire comme revenus distribués. Pour soumettre à l'impôt sur le revenu de tels revenus sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir qu'ils ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer soit le maître de l'affaire est à cet égard sans incidence.
7. En se bornant à soutenir que les sommes correspondant aux recettes des produits exceptionnels non comptabilisés pour un montant de 92 299 euros et aux charges non justifiées pour un montant de 37 773 euros, mises en évidence lors de la vérification de comptabilité de la Sarl Socoprim au titre de l'exercice clos en 2013, doivent être regardées comme ayant été mises à la disposition de M. D..., l'administration fiscale, alors même que ce dernier est le maître de l'affaire et qu'il ne conteste pas ces rehaussements, n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les sommes en litige seraient taxables entre les mains de M. et Mme D... sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande de décharge totale de l'imposition qu'ils contestaient.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme D... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : M. et Mme D... sont déchargés en droits et pénalités de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.
Article 2 : Le jugement n°1603415 du tribunal administratif d'Orléans du 28 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme D... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 février 2021.
Le président rapporteur
I. A...Le président-assesseur
C. Brisson
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°19NT04920