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28/01/2021 | FRANCE | N°19NT01225

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 janvier 2021, 19NT01225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Bourgoin C... Thierry a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1704368 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a réduit la base imposable de la SARL Bourgoin C... Thierry à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011 d'une somme d

e 10 000 euros (article 1er), a déchargé en conséquence la société de la cotisation supplé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Bourgoin C... Thierry a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1704368 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a réduit la base imposable de la SARL Bourgoin C... Thierry à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011 d'une somme de 10 000 euros (article 1er), a déchargé en conséquence la société de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés correspondante (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2019, la SARL Bourgoin C... Thierry, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés demeurant à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 23 mai 2014 est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'apporte pas la preuve d'un écart significatif entre la valeur vénale et le prix convenu, compte tenu notamment des spécificités du fonds, du contexte de la vente, des insuffisances de la méthode de valorisation ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'intention, pour la société, de recevoir une libéralité ; une telle intention ne pouvait exister dans le contexte conflictuel entre M. D... C... et son frère ; la minoration du prix de vente trouve sa contrepartie dans la nécessité de trouver une issue au conflit, permettant d'entériner la scission des activités entre les deux frères.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Bourgoin C... Thierry, créée en janvier 2007 et gérée par M. D... C..., a acquis, par acte du 29 décembre 2011, un fonds de commerce qu'elle exploitait jusqu'alors dans le cadre d'un contrat de location-gérance, conclu le 29 décembre 2006 avec la société Etablissements Bourgoin, pour un prix de cession de 100 000 euros, dont 72 660 euros au titre des éléments incorporels et 27 340 euros au titre des matériels, aménagements et agencements. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, l'administration fiscale a rehaussé la valeur de cet élément d'actif à hauteur de la somme de 214 393 euros au titre des éléments incorporels et de 10 000 euros au titre des matériels. Après mise en recouvrement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés découlant de ce contrôle et rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge de cette imposition. Par un jugement n° 1704368 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a estimé que le rehaussement relatif aux éléments corporels n'était pas justifié, a prononcé la décharge de l'imposition résultant de ce rehaussement, et a confirmé le rehaussement relatif aux éléments incorporels. La société relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande relative à ce rehaussement des éléments incorporels. La demande de la société porte sur une somme de 69 183 euros en droits et 6 918 euros en intérêts de retard.

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) ". Aux termes du 1 de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition (...) / b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que, dans le cas où le prix de l'acquisition d'une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine de l'immobilisation, comptabilisée par l'entreprise acquéreuse pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net dans la mesure de l'acquisition faite à titre gratuit. La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix d'acquisition de l'immobilisation et sa valeur vénale et, d'autre part, d'une intention, pour le cédant, d'octroyer et, pour la société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la vente. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

3. Pour établir l'intention, de la part de la SARL Bourgoin C... Thierry, de recevoir une libéralité en acquérant le fonds de commerce en question à un prix minoré, l'administration s'est fondée sur l'existence d'une collusion d'intérêts entre la société cédante et la société cessionnaire. Si les deux sociétés parties à la vente étaient effectivement contrôlées directement ou indirectement par M. D... C... et par son frère M. E... C..., la société appelante fait valoir que cette vente s'est inscrite dans un contexte global visant à séparer entre les deux frères les différentes activités issues du groupe Bourgoin dont les deux fils ont hérité. La société appelante rappelle que cette nécessité de séparer les activités du groupe résulte d'un conflit entre les deux frères. Cette situation de conflit est établie par le protocole d'accord signé le 18 décembre 2008 entre les deux frères, et confirmée au demeurant par le dépôt de plainte de M. E... C... à l'égard de son frère en 2014. Ce protocole d'accord prévoyait que M. E... C... exerce l'activité relative aux bâches de camion et que M. D... C... exerce l'activité de vente de stores, décoration, publicité. Ce protocole prévoyait également une séparation intégrale des patrimoines, afin qu'aucun des deux frères ne détienne plus de participations dans les sociétés contrôlées par l'autre.

4. Ainsi, il est constant que la vente du fonds de commerce en litige faisait partie d'un ensemble d'opérations visant à séparer les activités exercées par le groupe entre les deux frères. Au cours des mois de décembre 2011 et janvier 2012, et conformément au protocole d'accord signé en 2008, M. D... C... a donc cédé à son frère les parts qu'il détenait au sein des sociétés contrôlées par ce dernier, pour un montant de 145 000 euros. En échange, son frère lui a cédé le fonds de commerce qu'il exploitait pour 100 000 euros et lui a également cédé les parts qu'il détenait indirectement au sein de la SARL Bourgoin C... Thierry, pour 45 000 euros. Compte tenu des difficultés relationnelles persistantes, le tribunal de commerce de Blois a d'ailleurs désigné un mandataire ad hoc le 30 mars 2010 afin d'assister les deux frères dans la scission du groupe Bourgoin. Ces cinq opérations ont ainsi permis aux deux frères d'exercer leurs activités respectives et de séparer définitivement les patrimoines. Par conséquent, et contrairement à ce que fait valoir l'administration fiscale en défense, la vente du fonds de commerce à un prix minoré a eu pour contrepartie la possibilité de scinder le groupe Bourgoin entre les deux frères et de sortir d'une situation de conflit. Au surplus, il est peu probable, compte tenu de cette situation conflictuelle, que la société cédante contrôlée par M. E... C... ait eu l'intention d'accorder une libéralité à la société Bourgoin C... Thierry contrôlée par son frère. Dans ces conditions, en dépit de la relation d'intérêt unissant la société cédante et la société cessionnaire, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que la vente du fonds de commerce à un prix minoré était dépourvue de contrepartie. La preuve de ce que la société Bourgoin C... Thierry ait eu l'intention de recevoir une libéralité n'est dès lors pas davantage apportée.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Bourgoin C... Thierry est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SARL Bourgoin C... Thierry une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1704368 du 31 janvier 2019 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La SARL Bourgoin C... Thierry est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés restant à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011, soit les sommes de 69 183 euros en droits et 6 918 euros en intérêts de retard.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Bourgoin C... Thierry une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Bourgoin C... Thierry et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

La greffière,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT012254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01225
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SCP LE METAYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-28;19nt01225 ?
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