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22/01/2021 | FRANCE | N°19NT02422

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 22 janvier 2021, 19NT02422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Shaper's France a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007.

Par un jugement no 1310050 du 29 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la réduction à concurrence de 103 601 euros de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle la soci

té a été assujettie au titre de l'année 2007 et a rejeté le surplus des conclusions ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Shaper's France a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007.

Par un jugement no 1310050 du 29 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la réduction à concurrence de 103 601 euros de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle la société a été assujettie au titre de l'année 2007 et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la SAS Shaper's France.

Par un arrêt n° 16NT00964 du 21 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la SAS Shaper's et, faisant droit à l'appel incident formé par le ministre, a annulé ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 janvier 2016 en tant qu'il a prononcé la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle la société Shaper's France a été assujettie au titre de l'année 2007 et a remis cette cotisation supplémentaire à la charge de la société à concurrence de 103 601 euros.

Par une décision n° 418356 du 21 juin 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la société Shaper's France tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 et a, dans cette mesure, renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 19NT002422.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 mars 2016, 3 janvier et 6 juin 2017 la SAS Shaper's France, représentée par Me B..., a demandé à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 restant en litige ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006 à concurrence d'une somme de 39 142 euros, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 à concurrence d'une somme supplémentaire de 117 545 euros, ou, en tout état de cause, de prononcer la décharge de cette cotisation à hauteur d'une somme de 127 603 euros et non de 103 601 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait notamment que le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée appliqué après l'exonération limitée par l'application de la règle dite " de minimis " admis par les premiers juges comporte une erreur dès lors qu'il a été calculé en appliquant un taux de 3,8 % à la valeur ajoutée au lieu du taux de 3,5 % qui s'appliquait à toutes les entreprises en 2007, en conséquence de quoi elle demande un dégrèvement complémentaire de taxe professionnelle de 24 002 euros au titre de l'année 2007.

Par trois mémoires en défense enregistrés les 22 juillet 2016, 31 mars 2017 et 10 août 2017 le ministre de l'action et des comptes publics a demandé à la cour :

1°) de rejeter la requête de la SAS Shapers'France ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 janvier 2016 et de rétablir, en droits et pénalités, la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2007 à concurrence du dégrèvement prononcé en exécution de ce jugement, soit la somme de 103 601 euros.

Il soutenait que :

- le dégrèvement accordé par les premiers juges en application du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée n'est pas intervenu à la suite d'une réclamation présentée dans les conditions de formes et de délais prévues par le livre des procédures fiscales ; en effet, la société n'a à aucun moment déposé de demande de restitution dans le respect des prescriptions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts et dans les conditions applicables en matière de taxe professionnelle prévues à l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales ou, le cas échéant, à l'article R. 196-3 du même livre ; le délai de reprise prévu par les dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales expirait le 31 décembre 2011 ; le délai général de réclamation relatif à la demande de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée de la cotisation supplémentaire au titre de l'année 2007 expirait le 31 décembre 2012 ;

- les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2019 la société Shaper's France, représentée par Me B..., maintient ses conclusions dans la mesure suivante :

1°) il y a lieu de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 janvier 2016 en tant qu'il a prononcé la réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 et de porter le montant de cette réduction à 127 603 euros ;

2°) il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle renonce à se prévaloir des demandes qu'elle avait présentées et qui portaient sur l'ordre dans lequel devait être opérée l'application du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée qui portait sur les années 2006 et 2007 ;

- ainsi que l'a jugé le Conseil d'État, le courrier qu'elle a adressé à l'administration fiscale le 10 février 2012 doit être considéré comme une demande de plafonnement au sens de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ; elle peut dès lors prétendre au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée au titre de l'année 2007 ;

- elle entend demander la restitution du montant auquel elle avait normalement droit sur la base de la cotisation de taxe professionnelle mise en recouvrement en 2007, et donc après application de l'exonération au titre de la règle " de minimis " ; le calcul du plafonnement effectué par l'administration est erroné, le montant de 103 601 euros correspondant à un plafonnement sur la base de 3,8 % de la valeur ajoutée produite au cours de l'année 2007 (qui s'élève à la somme de 7 454 664 euros ainsi qu'il ressort de l'imprimé joint à la liasse fiscale 2007) ; l'article 123 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 a pourtant modifié la rédaction de l'article 1647 B sexies du code général des impôts en fixant uniformément à partir de 2007 le taux du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % ; elle est donc fondée à demander la réduction de la cotisation supplémentaire litigieuse pour la part qui excède 3,5 % de la valeur ajoutée produite en 2007, soit un montant de 127 603 euros et non pas 103 601 euros.

Par des mémoires enregistrés les 12 septembre et 21 novembre 2019 le ministre de l'action et des comptes publics maintient uniquement ses conclusions tendant au rejet de la requête de la société Shaper's France.

Il soutient que :

- la société requérante ne saurait prétendre à la restitution d'un montant supérieur à 103 601 euros ;

- la demande de dégrèvement complémentaire présentée pour la première fois le 9 juin 2015 a donné lieu à une décision de rejet pour forclusion que la société a contestée en vain devant le tribunal administratif de Nantes, qui a rejeté son recours par un jugement n° 1602787 du 27 septembre 2018 ;

- en tout état de cause, conformément aux dispositions des articles R. 196-2 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales, la réclamation du 9 juin 2015 tendant au bénéfice de ce dégrèvement supplémentaire, qui constitue une demande nouvelle, aurait dû parvenir au service le 31 décembre 2012 au plus tard ;

- la société requérante s'est prévalue dans son courrier du 10 février 2012, soit à un moment où les délais de réclamation n'étaient pas encore expirés, du seul montant de 103 601 euros qu'elle conteste désormais.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Shaper's France, anciennement dénommée Arrk Tooling Sermo France et dont le siège social est situé à La Séguinière (Maine-et-Loire), a été constituée en 2005 pour reprendre trois entreprises en difficulté et exerce depuis lors une activité industrielle de fabrication de moules pour le secteur automobile à partir d'un établissement principal situé à Saint-Hilaire-de-Loulay (Vendée) et d'un établissement secondaire situé à Aigrefeuille (Loire-Atlantique). Elle a bénéficié au titre des années 2006 et 2007 de l'exonération temporaire de taxe professionnelle prévue par les dispositions de l'article 1464 B du code général des impôts en faveur des sociétés qui reprennent des entreprises en difficulté et sont de ce fait éligibles à l'exonération temporaire d'impôt sur les sociétés, prévue à l'article 44 septies du code général des impôts, pour des montants respectifs de 348 567 euros et 351 956 euros. À l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 30 novembre 2007, l'administration a remis partiellement en cause le bénéfice de cette exonération, pour sa fraction excédant le plafond des aides dites de minimis auxquelles la société pouvait prétendre par application des règlements communautaires relatifs à l'application des article 87 et 88 du traité CE relatifs aux aides de minimis. Il en est résulté des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle, notifiées par une proposition de rectification du 6 août 2008 et mises en recouvrement le 31 décembre 2011 pour des montants, en droits et pénalités, de 268 444 euros au titre de l'année 2006 et 259 994 euros au titre de l'année 2007. La demande qu'elle avait présentée à l'administration fiscale par un courrier du 10 février 2012 en vue de la réduction de ces impositions ayant été implicitement rejetée, la société a formé un recours contentieux devant le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 29 janvier 2016, a accordé à la société la réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 à concurrence de 103 601 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. Par un arrêt n° 16NT00964 du 21 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Shaper's France contre ce jugement et, faisant droit à l'appel incident formé par le ministre, a annulé ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 janvier 2016 en tant qu'il a prononcé la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle la société a été assujettie au titre de l'année 2007 et a remis à la charge de la société Shaper's France, à concurrence de 103 601 euros, l'imposition concernée. A la suite du pourvoi formé par la société, le Conseil d'État statuant au contentieux a, par une décision du 21 juin 2019, annulé cet arrêt en tant qu'il se prononçait sur les conclusions de la société Shaper's France tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 et a, dans cette seule mesure, renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 19NT002422.

Sur le montant de la cotisation de taxe professionnelle due au titre de l'année 2007 :

3. Aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2007 : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. (...) / Le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée. (...) ". La demande de plafonnement présentée sur le fondement de ces dispositions a le caractère d'une réclamation contentieuse.

4. Il résulte de l'instruction que la société Shaper's France a adressé à l'administration fiscale, le 10 février 2012, un courrier par lequel elle demandait, à titre principal, le dégrèvement des rappels de taxe professionnelle mis à sa charge au titre des années 2006 et 2007 et, à titre subsidiaire, la réduction de ces cotisations. Ce courrier précisait que la demande de réduction de l'imposition litigieuse au titre de l'année 2007 était fondée sur les dispositions de l'article

1647 B sexies du code général des impôts, qui était cité, le dégrèvement sollicité étant chiffré à la somme de 103 601 euros. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le courrier du 10 février 2012, régulièrement adressé au directeur de contrôle fiscal Ouest dans les formes et délais prévus par les dispositions de l'article R. 190-2 du livre des procédures fiscales, valait réclamation au sens des dispositions précitées du I de l'article 1647 B sexies du code général des impôts. La société Shaper's France est en conséquence fondée à demander le bénéfice du plafonnement de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 en fonction de la valeur ajoutée produite par elle au cours de cette même année.

5. La société Shaper's France soutient cependant que le montant de la décharge de 103 601 euros accordée par les premiers juges est erroné car il correspond à un plafonnement sur la base de 3,8 % de la valeur ajoutée produite par elle au cours de l'année 2007 alors, que dans sa version issue de la loi du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, l'article 1647 B sexies mentionne un taux de plafonnement de 3,5 %, de sorte qu'elle est en droit d'obtenir une réduction de la cotisation supplémentaire litigieuse à concurrence de 127 603 euros et non de 103 601 euros.

6. Il résulte cependant de l'instruction que, dans sa réclamation au directeur des services fiscaux datée du 10 février 2012, puis dans la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif de Nantes, la société Shaper's, reprenant le montant qui lui avait été indiqué par l'administration fiscale elle-même, a demandé, au titre du plafonnement de l'imposition litigieuse par application des dispositions précitées de l'article 1467 B sexies du code général des impôts, que lui soit accordée une décharge d'un montant de 103 601 euros. Si, au cours de l'instance devant le tribunal administratif, la société contribuable a pris conscience de l'erreur de calcul qui avait été commise et procédé à un nouveau chiffrage de ses conclusions sur la base d'un taux de plafonnement de 3,5%, de telles conclusions, qui excédaient le quantum précisé dans la réclamation préalable, n'étaient plus recevables dans la proportion excédant ce quantum. C'est, par suite, à juste titre que les premiers juges ont limité à 103 601 euros le montant de la décharge à laquelle avait droit la société Shapers's France.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Shapers's France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a prononcé le dégrèvement partiel à concurrence de 103 601 euros de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007.

Sur les frais de l'instance :

8. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Shaper's France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Shaper's France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société par actions simplifiée (SAS) Shaper's France.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 22 janvier 2021.

Le rapporteur

M. A...Le président

C. BrissonLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT024222

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02422
Date de la décision : 22/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SOCIETE FILOR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-22;19nt02422 ?
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