Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Société nouvelle d'exploitation de la clinique St-François a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'injonction qui lui a été adressée le 16 avril 2018 par le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Eure et Loir de mettre fin à la facturation d'un forfait administratif /parcours patient.
Par un jugement n° 1802221 du 7 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 avril et 11 octobre 2019 la SAS Société nouvelle d'exploitation de la clinique St-François, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 février 2019 ;
2°) d'annuler l'injonction du 16 avril 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car les articles R. 732-1 et R. 431-10 du code de justice administrative ont été méconnus : l'agent ayant présenté des observations orales à l'audience ne pouvait représenter le préfet d'Eure-et-Loir ;
- ce jugement est insuffisamment motivé en ayant omis de répondre au moyen tiré du cumul de vices de procédure ;
- une erreur de fait a été commise puisqu'aucun moyen ne se réfère au service public hospitalier ;
- des erreurs de droit ont été commises puisque la société a été privée d'une garantie en n'ayant pu formuler des observations orales ; l'article L. 6111-1 du code de la santé publique a été méconnu et le tribunal a statué ultra petita sur ce point ; l'article liminaire du code de la consommation est inapplicable en l'espèce ; l'article L. 1111-3 du code de la santé publique a été méconnu ;
- l'article L. 521-1 du code de la consommation a été méconnu puisque l'injonction n'a pas été prise par les agents habilités à constater les infractions ;
- le délai de 10 jours imparti pour présenter ses observations était trop bref ;
- l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration a été violé puisqu'un entretien oral lui a été refusé ;
- l'injonction est entachée d'erreurs de fait ;
- une erreur de droit a été commise puisque l'injonction repose non sur le code de la santé publique mais sur une instruction du 6 février 2015 qui ne lui est pas opposable ; le forfait parcours patient relève de l'article R 162-27 du code de la santé publique et répond aux exigences de l'instruction ; il ne relève pas des missions habituelles de l'hôpital privé d'Eure et Loir ; les prestations couvertes ne recoupent pas les forfaits perçus au titre du financement de son activité par l'assurance maladie.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2019, le ministre chargé de la concurrence et de la consommation conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la SAS Société nouvelle d'exploitation de la clinique St-François n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la consommation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la Société Nouvelle d'exploitation de la clinique Saint- François.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Société nouvelle d'exploitation de la clinique St François a fait l'objet d'un contrôle par la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) d'Eure-et-Loir afin de vérifier le respect des articles L. 1111-3-4 du code de la santé publique et R. 162-27 du code de la sécurité sociale relatifs aux frais exposés par les patients. A la suite de ce contrôle, une lettre de pré-injonction lui a été adressée, le 15 mars 2018, afin de l'informer de ce qu'il avait été constaté qu'un " forfait administratif / parcours patient " d'un montant de 10 euros par séjour était facturé aux patients en faisant la demande en cochant une case spécifique dans le formulaire de pré-admission et qu'il était envisagé de lui enjoindre de procéder à la mise en conformité des conditions de facturation. Ce courrier invitait l'établissement à présenter ses observations écrites ou orales. La société a porté ses observations écrites à la connaissance de l'administration le 22 mars 2018 et, aux termes de la décision en litige du 16 avril 2018, une lettre d'injonction a été adressée à la clinique afin de lui demander de se mettre en conformité, dans le délai d'un mois suivant la réception de cette lettre, à la réglementation en vigueur, faute de quoi une amende d'un montant de 15 000 euros lui serait infligée. La SAS Société nouvelle d'exploitation de la clinique Saint-François a demandé l'annulation de cette décision. Par un jugement du 7 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision du 16 avril 2018 attaquée :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Les agents habilités peuvent, dans les mêmes conditions, enjoindre à tout professionnel de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". Les dispositions précitées font obligation à l'autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d'audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu'elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n'est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu'elle peut être écartée.
4. A la suite de l'inspection menée par les agents de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Eure-et-Loir, laquelle a constaté qu'était facturé aux patients un " forfait administratif / parcours de soins " d'un montant de 10 euros par séjour, le directeur départemental a, le 15 mars 2018, notifié à la société nouvelle d'exploitation de la clinique St François une pré-injonction fondée sur le constat qu'une telle prestation ne correspondait pas à une prestation de soins au sens de l'article L. 1111-3-4 du code de la santé publique et l'informant de son intention de lui enjoindre de procéder à la mise en conformité de ses conditions de facturation aux dispositions réglementaires en vigueur. A cette occasion, il était indiqué à l'établissement qu'il pouvait présenter ses observations par écrit ou oralement dans un délai de huit jours à compter de la réception du courrier. Le 22 mars suivant, la société nouvelle d'exploitation de la clinique St François a présenté par écrit ses observations à l'administration, tout en exprimant le souhait de pouvoir lui exposer sa position lors d'une rencontre. Toutefois l'injonction du 16 avril 2018 a été prise sans qu'il ait été fait droit à cette demande dont il n'est ni établi, ni même allégué, qu'elle aurait revêtu un caractère abusif. Dans ces conditions, en s'abstenant de faire droit à la demande de la clinique St François de faire présenter des observations orales avant l'adoption de la décision en litige, l'administration, alors même que l'établissement avait présenté des observations écrites, a méconnu les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Ce vice de procédure a privé cet établissement d'une garantie et entache donc d'illégalité la décision attaquée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin ni de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, ni d'examiner les autres moyens de la requête, que la Société nouvelle d'exploitation de la clinique St François est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Société nouvelle d'exploitation de la clinique St François et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1802221 du tribunal administratif d'Orléans du 7 février 2019 et la décision de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Eure-et-Loir du 16 avril 2018 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la Société nouvelle d'exploitation de la clinique Saint-François la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société nouvelle d'exploitation de la clinique Saint-François, au ministre de l'économie et des finances et au ministre des affaires sociales et de la santé.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot président de chambre,
- Mme A..., président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.
Le rapporteur
C. A...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01336