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15/01/2021 | FRANCE | N°20NT00771

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 janvier 2021, 20NT00771


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902439 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mars 2020, le préfet du Loiret, r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902439 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mars 2020, le préfet du Loiret, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 28 janvier 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif d'Orléans.

Il soutient que :

- la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif d'Orléans était tardive ;

- c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a estimé que le courrier du 11 avril 2019 valait observations écrites de l'intéressé, alors que, d'une part, ce courrier a été rédigé par une juriste de l' " association pour l'accompagnement social et administratif des migrants et de leurs familles " dont le mandat n'était pas établi dans son principe comme dans son étendue et, d'autre part, il ne comporte pas la signature de l'intéressé sous la mention dactylographiée " E... Olivier " ;

- l'arrêté du 30 avril 2019 n'est pas entaché d'erreurs de faits ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

- l'arrêté du 30 avril 2019 ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée le 16 mars 2020 à M. E... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant camerounais, né le 10 août 1991, est entré en Espagne le 4 décembre 2013 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles puis, selon ses déclarations, est entré en France le même jour. Le 17 mai 2018, il a présenté une demande de titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 12 septembre 2018, l'intéressé a été informé par le préfet du Loiret qu'un titre de séjour lui serait délivré. Par un arrêté du 30 avril 2019, ce préfet a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité, a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Loiret relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté.

Sur la recevabilité de la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif d'Orléans :

2. Si le préfet du Loiret soutient que la décision litigieuse a été présentée le 2 mai 2019 à l'adresse indiquée par M. E... comme étant celle de son domicile, la pièce qu'il a produit à l'appui de cette allégation ne l'établit pas dès lors que ni la date de présentation du pli ni l'adresse d'envoi ne sont visibles. Dans ces conditions, le moyen tiré de la tardiveté de la demande de première instance ne peut qu'être écarté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Pour annuler la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur la méconnaissance par le préfet du caractère contradictoire de la procédure, qui a privé l'intéressé d'une garantie.

4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 22 mars 2019 dont il n'est pas contesté qu'il a été notifié à l'intéressé le 1er avril suivant, le préfet du Loiret a informé M. E... qu'il envisageait de " ne pas [lui] délivrer le titre de séjour qui [lui] a été établi " et a invité ce dernier à présenter ses observations écrites " dans un délai de 15 jours à compter du présent courrier ". Il est par ailleurs constant que l'intéressé a adressé au préfet un courrier daté du 11 avril 2019, reçu par les services de la préfecture le 15 avril suivant, soit dans le délai de quinze jours imparti par l'administration. Par suite et alors même que le préfet n'aurait, ainsi que le révèlent les termes de l'arrêté contesté, pas tenu compte des observations ainsi formulées, c'est à tort que les premiers juges ont annulé cet arrêté au motif qu'il n'avait pas été pris au terme d'une procédure contradictoire.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif d'Orléans.

Sur les autres moyens soulevés par M. E... :

7. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. E..., le préfet du Loiret s'est fondé sur les motifs tirés de ce que l'intéressé a produit de faux bulletins de salaires et de ce que la société dont il prétend qu'elle envisage de l'embaucher n'existe pas à l'adresse qu'il a indiquée, de ce qu'il ne justifie pas être titulaire d'un visa de long séjour et enfin de ce qu'il n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation des deux enfants nés en France de sa relation avec Mme A....

8. En premier lieu, si M. E... soutient qu'il n'est pas responsable des manquements de ses employeurs à leurs obligations déclaratives et que l'existence de la société qui propose de l'embaucher est établie par les pièces qu'il a produites à l'appui de son courrier d'observations du 11 avril 2019, il ne conteste pas en revanche ne pas être titulaire du visa de long séjour qui conditionne la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié. Il ne résulte pas de l'instruction que le préfet du Loiret aurait pris une décision différente en se fondant sur ce seul motif. Par suite, les erreurs de fait et erreur manifeste d'appréciation alléguées par M. E... à ce titre sont sans incidence et ne peuvent qu'être écartées.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Si M. E... soutient contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation des deux enfants nés de sa relation avec Mme A..., il ne l'établit pas par les pièces qu'il a produites et ne démontre pas que le préfet se serait fondé sur des faits matériellement inexacts ou aurait inexactement apprécié sa situation à ce titre. Par suite, les moyens tirés la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ". M. E... n'a produit aucun élément susceptible de caractériser, au sens des dispositions précitées, des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant que lui soit délivré un titre de séjour à ce titre.

12. En quatrième et dernier lieu, M. E..., qui n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation des enfants nés de sa relation avec Mme A..., ne saurait utilement se prévaloir des stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

13. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Loiret est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 30 avril 2019 et a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1902439 du tribunal administratif d'Orléans du 28 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par E... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... E....

Une copie sera transmise au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller ;

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2021.

Le rapporteur,

M. D...

Le président,

Ch. Brisson

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

No 20NT007714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00771
Date de la décision : 15/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : HERVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-15;20nt00771 ?
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