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15/01/2021 | FRANCE | N°19NT02630

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 janvier 2021, 19NT02630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Beata Domus a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions implicites par lesquelles la commune de Savigny-sur-Braye et la société Enedis ont refusé de déplacer une ligne électrique implantée sur la parcelle YV46 lui appartenant, d'enjoindre à la commune de Savigny-sur-Braye et à la société Enedis de procéder à ce déplacement et de les condamner à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Par un jugement n° 1702704 du

21 mai 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Beata Domus a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions implicites par lesquelles la commune de Savigny-sur-Braye et la société Enedis ont refusé de déplacer une ligne électrique implantée sur la parcelle YV46 lui appartenant, d'enjoindre à la commune de Savigny-sur-Braye et à la société Enedis de procéder à ce déplacement et de les condamner à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Par un jugement n° 1702704 du 21 mai 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 juillet 2019, 19 février 2020, 14 mai 2020 et 19 août 2020 la SCI Beata Domus, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 mai 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet que la société Enedis a opposée à sa demande de déplacement d'une ligne électrique ;

3°) d'enjoindre à la société Enedis de procéder à ce déplacement et de remettre les lieux en l'état dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la société Enedis à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

5°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- comme l'a jugé le tribunal, la société Enedis ne justifie d'aucune servitude légale ou conventionnelle ; la ligne électrique litigieuse a donc été irrégulièrement implantée ;

- la présence des poteaux électriques fait obstacle à son projet de construction de panneaux photovoltaïques et donc à son droit de jouir pleinement de son bien ;

- plusieurs solutions existent pour supprimer les poteaux électriques litigieux, comme par exemple l'enfouissement de la ligne le long de la voie publique, qui ne portent pas une atteinte excessive à l'intérêt général ;

- elle est fondée à demander la condamnation de la société Enedis à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2020 la commune de Savigny-sur-Braye, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SCI Beata Domus la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI Beata Domus ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 mai et 24 septembre 2020 la société Enedis, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SCI Beata Domus la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la ligne électrique litigieuse n'avait pas été régulièrement implantée ;

- les moyens soulevés par SCI Beata Domus ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la société Enedis a refusé de faire droit à la demande de la SCI Beata Domus sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SCI Beata Domus.

Une note en délibéré, présentée pour la SCI Beata Domus, a été enregistrée le

22 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Beata Domus a acquis le 2 août 2012 une maison d'habitation à

Savigny-sur-Braye (Loir-et-Cher), implantée sur une parcelle de 1,5 hectare, cadastrée YV 46, qui supporte une ligne électrique et deux poteaux. La SCI Beata Domus a déposé des déclarations préalables de travaux en vue d'installer des panneaux solaires de 7 m² à l'emplacement de ces poteaux électriques. Elle a donc, par des courriers du 19 mai 2017 restés sans réponse, demandé à la commune de Savigny-sur-Braye et à la société Enedis de procéder à leur enlèvement. Elle a ensuite demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de ces décisions implicites, qu'il soit enjoint à la commune et à la société Enedis de déplacer la ligne électrique litigieuse en dehors de sa parcelle et que lui soit versée une indemnité de 25 000 euros en réparation de son trouble de jouissance. Par un jugement du 21 mai 2019, le tribunal a rejeté ces demandes. La SCI Beata Domus relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Il ne relève pas de l'office du juge administratif, saisi d'une demande tendant à la démolition ou au déplacement d'un ouvrage public irrégulièrement implanté, d'annuler la décision refusant une telle mesure au propriétaire de la parcelle sur laquelle est construit cet ouvrage, mais seulement de rechercher s'il a été irrégulièrement implanté et d'en tirer, le cas échéant, les conséquences en termes d'injonction. Par conséquent, les conclusions de la requête tendant à ce que la cour annule la décision par laquelle la société Enedis a implicitement refusé de déplacer la ligne électrique litigieuse sont irrecevables et doivent, pour ce motif, être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

3. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition ou le déplacement d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

4. En vertu des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 codifié à l'article L. 323-4 du code de l'énergie et de l'article 1er du décret du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de cette loi, la déclaration d'utilité publique d'une distribution d'énergie confère au concessionnaire le droit d'établir des poteaux et des pylônes électriques sur des terrains privés non bâtis et non fermés de murs ou d'autres clôtures équivalentes. Une telle servitude peut être établie à l'issue d'une enquête publique ou par convention passée entre le distributeur d'énergie et le propriétaire du terrain d'implantation.

5. Pour justifier de la légalité de l'implantation de la ligne électrique litigieuse, la société Enedis ne produit qu'une convention de servitude du 29 mai 1992, signée avec l'ancien propriétaire de la parcelle YV 46, en vue de la dépose et du remplacement du poteau sud n° 4. Une telle convention ne permet pas de connaître les conditions dans lesquelles cette ligne électrique a été implantée en 1963 et n'a pu avoir pour effet de régulariser cette implantation, eu égard à son objet limité et au fait que la parcelle était bâtie dès l'origine. La ligne électrique litigieuse doit donc être regardée comme ayant été irrégulièrement implantée.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article L. 323-4 du code de l'énergie n'est envisageable. Il est constant, en tout état de cause, que la SCI Beata Domus, qui a rejeté toutes les solutions amiables proposées par la société Enedis, ne souhaite pas signer une convention afin de régulariser la situation de l'ouvrage public. Dès lors, au regard de la nature de l'irrégularité constatée, il y a lieu de considérer qu'aucune régularisation appropriée n'est possible.

7. La SCI Beata Domus fait valoir que la présence des poteaux électriques supportant la ligne litigieuse fait obstacle à l'installation de deux panneaux photovoltaïques de 7 m² chacun. Toutefois, cette société ne justifie pas en quoi elle ne pourrait réaliser ce projet en dehors de l'exact emplacement des poteaux électriques implantés sur sa propriété, alors que la superficie de celle-ci est d'environ 1,5 hectare. Par conséquent, faute pour la SCI Beata Domus d'établir en quoi la présence de la ligne électrique litigieuse lèse ses intérêts privés, et dès lors que le déplacement (ou la destruction pure et simple de la ligne électrique, dans le cas où, comme le soutient la société requérante à la barre, elle ne serait plus en service), aurait nécessairement un coût, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ce déplacement (ou cette destruction) porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Il y a lieu de confirmer les premiers juges qui ont rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la SCI Beata Domus au motif que celle-ci n'avait pas lié le contentieux par une demande préalable.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Beata Domus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Enedis, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à la

SCI Beata Domus la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Beata Domus les sommes de 1 500 euros chacune à verser à la société Enedis et à la commune de Savigny-sur-Braye.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Beata Domus est rejetée.

Article 2 : La SCI Beata Domus versera 1 500 euros à la société Enedis et la même somme à la commune de Savigny-sur-Braye en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Beata Domus, à la société Enedis et à la commune de Savigny-sur-Braye.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2021.

Le rapporteur

E. B...Le président

C. Brisson

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02630
Date de la décision : 15/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : PIQUEMAL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-15;19nt02630 ?
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