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14/01/2021 | FRANCE | N°20NT01468

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 janvier 2021, 20NT01468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1911439 du 23 avril 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un m

émoire, enregistrés les 7 mai et 18 juin 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1911439 du 23 avril 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mai et 18 juin 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la même notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'indisponibilité d'un traitement approprié à son état de santé en Russie ;

- le préfet n'a pas suffisamment apprécié son état de santé au regard de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de 1'Office français de 1'immigration et de 1'intégration de leurs missions ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2020, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de 1'Office français de 1'immigration et de 1'intégration de leurs missions ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 novembre 2016 et la Cour nationale du droit d'asile le 17 juillet 2017, M. D..., de nationalité russe, a été titulaire d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade du 30 juin 2018 au 30 juin 2019. Le 15 mai 2019, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 4 octobre 2019, le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays de destination. Sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 23 avril 2020 dont l'intéressé relève appel.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Par un avis rendu le 19 août 2019, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.

5. Si M. D..., qui est atteint du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), verse deux certificats médicaux des 16 et 22 octobre 2019, ces documents ne sont pas relatifs à l'impossibilité d'un suivi médical de l'intéressé en Russie. La lettre du médecin du centre régional de Krasnoïarskiy de prophylaxie et de lutte contre le virus du 2 juin 2016, traduite en français, constatant l'indisponibilité temporaire d'un traitement est antérieure au 28 juin 2016, date de l'entrée de M. D... en France, et ne donne aucune indication sur une telle situation dans les autres régions de la Russie alors que, par ailleurs, le requérant reprend des informations selon lesquelles 48 % des personnes vivant avec le virus en Russie faisaient effectivement l'objet d'un traitement à la fin de l'année 2018. M. D... n'est pas fondé à se prévaloir des témoignages de personnes n'ayant pas eu accès aux traitements en Russie, des documents d'organisations non gouvernementales et des articles de presse dès lors que ces pièces sont peu circonstanciées, ne donnent pas des informations suffisamment précises ou ne sont pas confirmées par des documents officiels sur la réalité exacte de l'indisponibilité du traitement sur l'ensemble du territoire de la Russie au regard des trois médicaments prescrits par ordonnance médicale du 22 octobre 2019 ou de leurs équivalents. L'ensemble des documents ne peut pas remettre en cause l'appréciation, suffisante au regard de l'arrêté du 5 janvier 2017, qui a été portée par le préfet de la Mayenne, lequel s'est approprié l'avis du collège de médecins sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé et d'un accès effectif à ce traitement. En outre, si le requérant soutient qu'il ne peut bénéficier d'un traitement en Russie compte tenu des coûts de celui-ci et des discriminations dont sont victimes les personnes séropositives, il ne démontre pas qu'il ne pourrait pas y bénéficier d'une couverture sociale ou d'une assurance maladie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. M. D... est entré en France le 28 juin 2016, soit trois ans et trois mois avant la date de l'arrêté attaqué. Son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement à la même date, dont la légalité a été confirmée par l'arrêt n° 20NT01467 de ce jour. Rien ne s'oppose à ce que leurs deux enfants, nés en 2011 et 2018, suivent leurs parents hors de France, même si l'aînée est scolarisée en France. Alors même que M. D... justifie avoir travaillé en intérim d'août à novembre 2018 ainsi qu'en avril, juillet et août 2019 et que son épouse a souscrit un contrat d'intégration républicaine et suit des formations pour apprendre le français, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit au respect de la vie privée de M. D... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.

Le rapporteur,

J.E. C...Le président,

F. Bataille

La greffière,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20NT01468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01468
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SCP SEGUIN ET KONRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-14;20nt01468 ?
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