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18/12/2020 | FRANCE | N°19NT01608

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 19NT01608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., M. C... B..., l'EARL B... Didier et l'EARL Kilex ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2016 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a enregistré l'exploitation par la SCEA Les Hortensias d'un élevage de deux cents vaches laitières sur la commune de Laurenan (Côtes d'Armor) et de mettre en demeure cette société de déplacer la fosse à lisier de son élevage.

Par un jugement n° 1701308, 1701309 du 28 février 2019, le tribunal administrati

f de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., M. C... B..., l'EARL B... Didier et l'EARL Kilex ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2016 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a enregistré l'exploitation par la SCEA Les Hortensias d'un élevage de deux cents vaches laitières sur la commune de Laurenan (Côtes d'Armor) et de mettre en demeure cette société de déplacer la fosse à lisier de son élevage.

Par un jugement n° 1701308, 1701309 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 avril 2019 et 17 avril 2020 M. B... et l'EARL B... Didier, représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2016 du préfet des Côtes-d'Armor ;

3°) de mettre en demeure la SCEA Les Hortensias de déplacer la fosse à lisier de son élevage bovin dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le préfet devait soumettre le projet présenté par la SCEA Les Hortensias à la procédure spécifique prévue par les dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement en raison de son impact environnemental ;

- la SCEA Les Hortensias n'a pas respecté les prescriptions générales applicables aux installations classées fixées par l'arrêté du 27 décembre 2013, sa nouvelle fosse à lisier étant située à moins de 100 mètres de leur bâtiment d'élevage porcin ;

- la SCEA Les Hortensias, qui a multiplié par quatre la taille de son cheptel entre 2012 et 2019, a détourné la procédure relative aux installations classées d'élevage.

Par des mémoires enregistrés les 11 juin 2019 et 31 août 2020 la SCEA Les Hortensias, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... et de l'EARL B... Didier la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de mise en demeure est irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. B... et l'EARL B... Didier ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2020 le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... et l'EARL B... Didier ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre des rubriques n°2101, 2102 et 2111 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. B... et l'EARL B... Didier, et de Me G..., représentant la SCEA Les Hortensias.

Considérant ce qui suit :

1. La SCEA Les Hortensias exploite sur territoire de la commune de Laurenan (Côtes-d'Armor) un élevage de vaches laitières. Son cheptel ayant été porté de 47 à 150 têtes entre 2002 et 2015, elle a construit en mars 2016 une nouvelle fosse à lisier pour laquelle elle a bénéficié d'une dérogation aux règles de distance par arrêté préfectoral du 7 mars 2016. Le 7 juin 2016, elle a déposé une demande d'enregistrement relative à un nouveau projet d'extension de son cheptel, porté à 200 vaches laitières. Par un arrêté du 21 décembre 2016, le préfet des

Côtes-d'Armor a enregistré sa demande. L'EARL Kilex et l'EARL B... Didier, dont

M. C... B... et M. A... B... sont les associés uniques et les gérants, exploitent à proximité un élevage porcin sans utilisation d'antibiotiques. Ils ont demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2016. Par un jugement du

28 février 2019, le tribunal a rejeté leur demande. M. A... B... et l'EARL B... Didier relèvent appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, sont des installations classées pour la protection de l'environnement : " (...) les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Le I de l'article L. 512-7 du même code dispose : " Sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. ".

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le préfet des Côtes-d'Armor a méconnu les dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement :

3. Selon l'article L. 512-7-2 du même code : " Le préfet peut décider que la demande d'enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales : 1° Si, au regard de la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés à l'annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, la sensibilité environnementale du milieu le justifie ; 2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ; 3° Ou si l'aménagement des prescriptions générales applicables à l'installation, sollicité par l'exploitant, le justifie ; Dans les cas mentionnés au 1° et au 2°, le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 3° et ne relevant pas du 1° ou du 2°, le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale. ".

4. Si les installations soumises à enregistrement sont, en principe, dispensées d'une évaluation environnementale, le préfet, saisi d'une demande d'enregistrement d'une installation, doit, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, se livrer à un examen particulier du dossier afin d'apprécier si une évaluation environnementale donnant lieu, en particulier, à une étude d'impact, est nécessaire, notamment au regard de la localisation du projet et de la sensibilité environnementale de la zone d'implantation ou du cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans la même zone.

5. En premier lieu, M. B... et l'EARL B... Didier soutiennent que, dès lors que la commune de Laurenan se situe dans une zone d'actions renforcées du programme régional d'actions contre la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricoles arrêté par le préfet de la région Bretagne le 14 mars 2014, la demande de la SCEA Les Hortensias devait faire l'objet d'une évaluation environnementale en application des dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement. Mais un tel zonage, qui concerne une majorité de communes bretonnes et impose seulement aux éleveurs de prendre des mesures spécifiques de lutte contre la pollution par les nitrates, notamment en matière de stockage des effluents, est indépendant de la législation sur les installations classées. En outre, des rapports établis en février et en novembre 2016 par la direction départementale de la protection des populations, sur la base desquels le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques a émis un avis favorable au projet de la SCEA Les Hortensias, ne font état d'aucune sensibilité environnementale particulière de la zone d'implantation de ce projet. Enfin, le ministre soutient sans être contesté qu'aucune zone Natura 2000 ou zone d'intérêt écologique, faunistique et floristique n'est impactée par le projet. Il n'est donc pas établi par les pièces du dossier que la demande de la SCEA Les Hortensias concernerait une zone sensible du point de vue environnemental.

6. En deuxième lieu, et alors que l'arrêté contesté ne porte que sur une augmentation de cheptel limitée, de 150 à 200 vaches, sans construction nouvelle, il n'est ni démontré ni même allégué que la fosse à lisier construite en mars 2016 par la SCEA Les Hortensias ne serait pas en mesure de traiter les effluents produits par cette augmentation de cheptel dans de bonnes conditions environnementales et en particulier dans le respect des règles découlant du classement de la commune en zone d'actions renforcées du programme régional d'actions contre la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole, qui impose que les ouvrages de stockage d'effluents soient étanches et gérés de manière à n'occasionner aucun écoulement dans le milieu naturel. Par conséquent, M. B... et l'EARL B... Didier n'établissent pas que l'incidence environnementale du projet de la SCEA Les Hortensias, cumulée avec celle d'autres projets, qu'ils n'ont, au demeurant pas identifiés dans leur requête, justifiait la prescription d'une évaluation environnementale.

7. En dernier lieu, il est constant que la SCEA Les Hortensias n'a fait aucune demande d'aménagement des prescriptions générales applicables à son projet.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le préfet des Côtes-d'Armor a méconnu les dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions générales :

9. Aux termes de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement : " (...) Le préfet ne peut prendre l'arrêté d'enregistrement que si le demandeur a justifié que les conditions de l'exploitation projetée garantiraient le respect de l'ensemble des prescriptions générales, et éventuellement particulières, applicables, et qu'il possède les capacités techniques et financières pour assurer tant l'exploitation de l'installation que la remise en état du site après son arrêt définitif. ". Selon le I de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2013 visé ci-dessus : " Les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à une distance minimale de : 100 mètres des habitations ou locaux habituellement occupés par des tiers (à l'exception des logements occupés par des personnels de l'installation, des hébergements et locations dont l'exploitant a la jouissance et des logements occupés par les anciens exploitants), des stades ou des terrains de camping agréés (à l'exception des terrains de camping à la ferme), ainsi que des zones destinées à l'habitation par des documents d'urbanisme opposables aux tiers (...) ".

10. A supposer même qu'un élevage porcin puisse être regardé comme un " local habituellement occupé par des tiers ", en se bornant à faire état de la construction d'une fosse à lisier à 43 mètres de leurs bâtiments d'exploitation, conforme aux prescriptions de l'arrêté préfectoral du 7 mars 2016 autorisant la SCEA Les Hortensias à exploiter son élevage à moins de 100 mètres des tiers les plus proches, les requérants n'établissent pas que la demande d'enregistrement ultérieure du 7 juin 2016, portant sur une extension du cheptel sans réalisation de bâtiments ou d'aménagements supplémentaires, aurait été instruite en méconnaissance des dispositions de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement rappelées au point précédent.

En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de procédure :

11. Dès lors que la demande de la SCEA Les Hortensias du 7 juin 2016 concernait un agrandissement de son exploitation de 150 à 200 vaches laitières, chiffre restant inférieur au seuil à partir duquel elle aurait relevé de la procédure d'autorisation prévue aux articles L. 512-1 et suivants du code de l'environnement, M. B... et l'EARL B... Didier ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché de détournement de procédure.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... et l'EARL B... Didier ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2016 du préfet des Côtes-d'Armor.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... et l'EARL B... Didier, ne suppose aucune mesure d'exécution. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête tendant à ce que, sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, la SCEA Les Hortensias soit mise en demeure de déplacer sa fosse à lisier.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. B... et à l'EARL B... Didier la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée par la SCEA Les Hortensias au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et de l'EARL B... Didier est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SCEA Les Hortensias au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'EARL B... Didier, à la SCEA Les Hortensias et au ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. E..., premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020

Le rapporteur

E. E...Le président

C. Brisson Le greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01608
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL PELLEN PIPERAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-18;19nt01608 ?
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