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17/12/2020 | FRANCE | N°19NT01062

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 17 décembre 2020, 19NT01062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier Georges Daumezon a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la restitution partielle de la cotisation de taxe sur les salaires, à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, à hauteur de la somme de 754 686 euros, assortie des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1702161 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 mars 2019 et le 24 septembre 2020, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier Georges Daumezon a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la restitution partielle de la cotisation de taxe sur les salaires, à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, à hauteur de la somme de 754 686 euros, assortie des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1702161 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 mars 2019 et le 24 septembre 2020, le centre hospitalier Georges Daumezon, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer cette restitution ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la restitution partielle de la cotisation de taxe sur les salaires, à hauteur de la somme de 19 196 euros seulement, assortie des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, certaines primes versées aux agents titulaires sont exclues de l'assiette des cotisations sociales et, par conséquent, de l'assiette de la taxe sur les salaires ; l'exclusion de ces indemnités de la base d'imposition de la taxe sur les salaires découle de l'instruction générale du 1er août 1956 qui fait référence au décret n° 47-2045 du 20 octobre 1947 ; en application de ces textes, l'assiette des cotisations sociales se limite au traitement brut du fonctionnaire ainsi qu'à trois indemnités limitativement énumérées par l'instruction du 1er août 1956 ; il ressort des travaux parlementaires de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 que celle-ci n'a eu pour objet que d'inclure dans l'assiette de la taxe sur les salaires les rémunérations complémentaires que sont l'intéressement, la participation et la prévoyance ; les travaux parlementaires n'évoquent pas l'inclusion, dans cette assiette, des primes et indemnités des fonctionnaires ;

- à titre subsidiaire, les indemnités assimilées à des remboursements de frais doivent être exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires, en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 20 décembre 2002 ; cela concerne des indemnités de chaussures et d'habits ainsi que de diverses indemnités destinées à compenser les frais professionnels de déplacements exposés dans le cadre de missions ou de formations professionnelles ; le remboursement sollicité à ce titre s'élève à 19 196 euros.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre 2019 et 28 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le centre hospitalier Georges Daumezon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 90-693 du 1er août 1990 ;

- l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier Georges Daumezon a sollicité, par une réclamation du 27 décembre 2016, la restitution partielle, à hauteur de 754 686 euros, de la taxe sur les salaires acquittée au titre de l'année 2013. Après le rejet de cette réclamation, le centre hospitalier Georges Daumezon a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer cette restitution. Par un jugement n° 1702161 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Le centre hospitalier Georges Daumezon relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article. (...) ". L'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " I. - La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) / Elle est également assise sur tous les avantages en nature ou en argent accordés aux intéressés en sus des revenus visés au premier alinéa. / Pour l'application du présent article, les traitements, salaires et toutes sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail sont évalués selon les règles fixées à l'article L. 242-1 (...). ". L'article L. 242-1 du même code prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire (...) ".

Sur les primes et indemnités versées aux agents titulaires du centre hospitalier :

3. Il résulte de l'article 231 du code général des impôts, issu de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, que le législateur a entendu rendre l'assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1 de cet article. Il résulte en outre des dispositions de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale que la contribution sociale généralisée est notamment assise sur les traitements ainsi que sur toutes les sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail, selon les règles fixées à l'article L. 242-1.

4. Le centre hospitalier Georges Daumezon soutient qu'un certain nombre de primes et indemnités versées aux agents titulaires doivent être exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires, notamment l'indemnité de sujétion spéciale prévue par le décret n° 90-693 du 1er août 1990. Toutefois, le centre hospitalier ne conteste pas que les primes et indemnités en question ont été versées aux agents en contrepartie ou à l'occasion de leur travail. En application des dispositions combinées des articles L. 136-2 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ces primes et indemnités entrent donc dans l'assiette de la contribution sociale généralisée, et, par conséquent, dans l'assiette de la taxe sur les salaires. Le centre hospitalier ne peut en outre pas utilement invoquer les dispositions du décret n° 47-2045 du 20 octobre 1947, dont l'interprétation était précisée par une instruction générale du 1er août 1956, ces dispositions, au demeurant de valeur réglementaire, ayant été abrogées par l'article 2 du décret n° 85-1354 du 17 décembre 1985 relatif au code de la sécurité sociale. Enfin, si le centre hospitalier fait valoir qu'il ressort des travaux parlementaires de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 que celle-ci n'a eu pour objet que d'inclure dans l'assiette de la taxe sur les salaires les rémunérations complémentaires que sont l'intéressement, la participation et la prévoyance, cette circonstance est sans incidence dans le présent litige, dès lors que l'inclusion des primes et indemnités versées aux fonctionnaires en contrepartie ou à l'occasion de leur travail n'ont pas été intégrées à l'assiette de la taxe sur les salaires à l'occasion de cette loi mais faisaient déjà partie de l'assiette de la taxe sur les salaires avant cette réforme. Il suit de là que le centre hospitalier Georges Daumezon n'est pas fondé à soutenir que ces primes et indemnités doivent être exclues de la base d'imposition de la taxe sur les salaires.

Sur les sommes et indemnités versées en remboursements de frais :

5. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale : " Les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions. (...) ".

6. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 136-2, L. 242-1, R. 242-1 du code de la sécurité sociale et des dispositions de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale que l'indemnisation des frais professionnels n'entre pas dans la base d'imposition de la contribution sociale généralisée et, partant, dans la base d'imposition de la taxe sur les salaires, sous réserve du respect des dispositions de l'arrêté du 20 décembre 2002.

7. Ainsi que le précise la circulaire DSS/SDFSS/5B/N° 2003/07 du 7 janvier 2003 relatif à la mise en oeuvre de l'arrêté du 20 décembre 2002, les indemnités versées en compensation de dépenses d'habillement ne sont exclues de la base d'imposition des cotisations de sécurité sociale, et par conséquent de la taxe sur les salaires, qu'à la condition que les vêtements en cause soient la propriété de l'employeur, que leur port présente un caractère obligatoire et qu'ils ne soient pas portés en dehors de l'activité professionnelle. En l'espèce, l'indemnité " chaussures " versée aux personnels soignants est destinée à compenser l'usure des chaussures personnelles de ces agents et ne peut donc être exonérée de taxe sur les salaires.

8. En revanche, s'agissant des autres indemnités versées en remboursement de frais professionnels (frais de transport, de restauration, frais d'inscription aux concours), le centre hospitalier fait valoir sans être contredit que ces indemnités respectent les conditions posées par l'arrêté du 20 décembre 2002. Le ministre en défense ne conteste ni cette exclusion de la base d'imposition à la taxe sur les salaires ni le chiffrage avancé par le centre hospitalier. Le centre hospitalier doit, dans ces conditions, être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, que l'administration fiscale a refusé à tort de lui rembourser la taxe sur les salaires portant sur ces sommes.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Georges Daumezon est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en tant qu'elle porte sur les remboursements de frais professionnels, à l'exception de l'indemnité " chaussures ", et à obtenir la restitution de la taxe sur les salaires afférente à ces sommes. Il appartiendra au centre hospitalier, sous le contrôle de l'administration fiscale, de reprendre son chiffrage de la taxe sur les salaires afférente aux frais professionnels afin d'exclure de ce calcul l'indemnité " chaussures ".

Sur les conclusions relatives aux intérêts moratoires :

10. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable sur le paiement des intérêts moratoires, les conclusions relatives à leur versement doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que le centre hospitalier Georges Daumezon demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La taxe sur les salaires au titre de l'année 2013 afférente aux remboursements de frais professionnels, à l'exception de l'indemnité " chaussures ", doit être restituée au centre hospitalier Georges Daumezon.

Article 2 : Le jugement n° 1702161 du 15 janvier 2019 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Georges Daumezon et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

P. Chaveroux

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT010625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01062
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : DELSOL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-17;19nt01062 ?
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