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15/12/2020 | FRANCE | N°19NT00547

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 15 décembre 2020, 19NT00547


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1800365 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 février 2019 et 26 août 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
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2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1800365 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 février 2019 et 26 août 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-l'arrêté est entaché d'illégalité externe faute de viser l'avis de la commission administrative paritaire siégeant comme en matière disciplinaire ; il appartient au ministre, qui ne siégeait pas lors de ce conseil de discipline, de démontrer qu'il avait bien pris connaissance de cet avis avant de prendre sa décision ;

- il appartenait aux premiers juges de faire usage de leurs pouvoirs d'instruction pour vérifier que le ministre avait été destinataire de cet avis avant de prendre sa décision ;

- l'arrêté est illégal dès lors que les motifs n'établissent pas une inaptitude à servir d'une telle gravité qu'ils justifient un licenciement pour insuffisance professionnelle ; les griefs retenus ne sont soit pas établis soit inexactement qualifiés par l'administration.

Par un mémoire, enregistré le 26 août 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., titularisée le 1er septembre 1983 en qualité de professeur adjoint d'éducation physique et sportive, a été licenciée pour insuffisance professionnelle par arrêté du 24 novembre 2017. Elle a sollicité auprès du tribunal administratif d'Orléans l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l'article 70 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. (...) ".

3. L'arrêté du 24 juillet 2017 indique que " le 3 juillet 2017, Mme A..., ainsi que ses défendeurs, ont pu présenter leurs observations en défense devant la commission administrative paritaire académique compétente et que cette instance a été régulièrement consultée ". Cette mention implique nécessairement que l'auteur de la décision contestée, quand bien même il a omis de mentionner le sens de l'avis rendu par la commission administrative paritaire, avait pris connaissance de cet avis avant de prendre sa décision. Par suite, et sans qu'il soit besoin pour la cour d'ordonner la production de pièce de la part de l'administration à ce sujet, mesure d'instruction à laquelle les premiers juges n'étaient pas davantage tenus, le moyen de légalité externe soulevé par Mme A... doit être écarté.

Sur la légalité interne :

4. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.

5. Il ressort de la décision contestée que le ministre de l'éducation nationale a prononcé le licenciement de Mme A... aux motifs que les rapports d'inspection dressés depuis 1998 soulignent son incapacité à dispenser un enseignement de qualité et conforme aux attentes en raison de ses carences pédagogiques et didactiques et pointent ses difficultés à gérer ses classes en organisant un mode de fonctionnement favorisant l'apprentissage et la socialisation des élèves. La décision en cause indique également que de nombreux rapports établis par les chefs d'établissement de Mme A... et le rapport de son tuteur en date du 19 juin 2003 évoquent ses difficultés relationnelles avec les élèves, qui se traduisent parfois par une perte du contrôle de soi, que ses carences pédagogiques sont susceptibles de mettre ses élèves en danger dans les activités à risque, qu'elle éprouve des difficultés à s'engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel, en raison de son incapacité de travailler en équipe, et à analyser son enseignement avec un recul critique et qu'elle n'a pas su tirer profit des conseils prodigués et de l'accompagnement dont elle a bénéficié compte tenu de son incapacité à se remettre en cause, à améliorer sa pratique pédagogique et à modifier la gestion de ses classes.

6. En premier lieu, si Mme A... soutient que le grief portant sur ses carences pédagogiques et didactiques n'est ni étayé ni en cohérence avec le rapport d'inspection établi en 2015, il ressort des pièces du dossier que le rapport d'inspection du 7 mars 2017 relève des difficultés de conception de l'enseignement en raison de l'absence de maîtrise de ce que les élèves doivent apprendre ainsi que des contenus qui doivent leur être apportés, qui se traduit par un enchaînement d'exercices sans cohérence et sans lien avec les besoins identifiés. Ce même rapport souligne que les mêmes contenus d'enseignement sont proposés à l'ensemble des élèves, sans prise en compte des groupes de niveau pourtant identifiés. Si le précédent rapport, établi le 27 mai 2015, relevait que l'activité de conception était satisfaisante, fixant des thèmes et des objectifs d'acquisition, il mentionnait également que ceux-ci n'étaient pas en adéquation avec les besoins réels et différents des élèves. Ce même rapport invitait Mme A... à mieux identifier les compétences attendues et les objectifs tant pour les élèves que pour elle-même, à mettre en place une différenciation des apprentissages et à progresser sur la démarche d'apprentissage. Par suite, ces carences sont suffisamment établies.

7. En deuxième lieu, si la requérante soutient que l'absence d'intégration à l'équipe éducative qui lui est reprochée n'est pas établie et se prévaut de sa notation administrative pour l'année 2014/2015 mentionnant qu'elle s'était intégrée à l'équipe avec beaucoup de volonté, il ressort des pièces du dossier que le rapport d'inspection établi en 2012, tout comme celui établi en 2017, faisait état de relations conflictuelles avec les collègues. Il n'est, par ailleurs, pas contesté que les deux collègues qui assuraient son tutorat à compter du 7 novembre 2016 ont demandé à ce qu'il y soit mis fin compte tenu du caractère trop conflictuel de la situation. Par suite, les difficultés à s'engager dans une démarche collective de travail sont, à l'exception de l'année 2014/2015 où elle avait intégré un nouvel établissement à la suite d'un changement consenti d'affectation après un incident au cours duquel elle avait giflé un de ses élèves, avérées.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du 7 mars 2017, que Mme A... n'exerce pas, en dépit des observations consignées dans les rapports d'inspection, de l'accompagnement d'un inspecteur pédagogique régional IA-IPR, du dispositif d'aide et de remédiation auquel elle a participé en 2014 et du tutorat mis en place à compter de novembre 2016, ses fonctions d'enseignement de façon convenable, dès lors que ses cours ne sont pas correctement structurés et ne prennent pas suffisamment en compte les attendus du programme et la diversité et l'hétérogénéité de niveau des élèves, ce qui a pour effet de générer un encadrement défaillant. Ces insuffisances, également en terme d'évaluation des élèves au regard du barème prévu par le référentiel, ont notamment conduit à ce que ses élèves soient dans l'obligation de repasser une épreuve de course de relais-vitesse comptant pour le baccalauréat. Par ailleurs, ce défaut d'encadrement et d'adéquation du contenu de ses cours d'éducation physique et sportive emporte, sans qu'il soit nécessaire que celui-ci se réalise pour le tenir pour établi, un risque avéré de mise en danger des élèves dans les activités à risques de type escalade ou acrosport, ainsi que le révèle la situation exposée lors du conseil d'enseignement du 18 janvier 2016, durant lequel le collègue de Mme A... a constaté que les exercices qu'elle avait proposé en acrosport aux élèves de seconde ne respectaient pas la progression pédagogique prévue au lycée et n'étaient pas sécurisés par un nombre suffisant de tapis. Par ailleurs, si la requérante soutient que les incidents l'ayant opposée à des élèves en 2012 (élève ayant dû être soignée par antibiotiques après que Mme A... l'eut contraint à retirer un piercing qui n'était pas encore cicatrisé) et en 2014 (gifle infligée à un élève à la suite du refus de celui-ci de ranger du matériel) sont restés isolés, il ressort des pièces du dossier que les parents d'élèves se sont plaints à de nombreuses reprises de différends ou de propos ou pratiques excédant largement la mesure attendue d'un enseignant. Il ressort ainsi des pièces du dossier que l'insuffisance professionnelle de Mme A... est avérée, quand bien même, au cours de sa carrière longue de trente-cinq années durant laquelle, sans toutefois accéder au corps des professeurs d'éducation physique et sportive, elle a progressé en terme d'avancement jusqu'au grade hors classe, elle n'a pas été évaluée, tant en terme de note administrative que de note pédagogique, et en dépit de cinq rapports d'inspection comportant des appréciations réservées, d'une manière différente de la moyenne des enseignants. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que son licenciement est entaché d'une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

O. Gaspon

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT00547 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00547
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL CASADEI-JUNG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-15;19nt00547 ?
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