Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... F... veuve H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 novembre 2018 par laquelle le consul général de France à Annaba (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour d'établissement en qualité d'ascendant à charge de ressortissante roumaine ainsi que la décision du 18 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision.
Par un jugement n° 1905247 du 16 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019, Mme E... F... veuve H..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 octobre 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
2°) d'annuler la décision du 18 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un visa de long séjour dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa demande de visa à l'intérieur du même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 100 euros au titre des frais de procédure de première instance et une autre une somme de 2 100 euros au titre des frais de procédure d'appel.
Elle soutient que :
la décision du 18 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est illégale pour être insuffisamment motivée ;
la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle a sollicité un visa de long séjour, et non de court séjour en qualité d'ascendant d'un ressortissant de l'union européenne, en l'occurrence sa fille, qui la prend exclusivement en charge et dispose de revenus suffisants alors qu'elle-même est sans ressource ;
la décision contestée, qui porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code des relations entre le public et l'administration ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... F... veuve H..., de nationalité algérienne, née le 22 octobre 1952, a sollicité le 11 octobre 2018, auprès des autorités consulaires françaises à Annaba (Algérie), la délivrance d'un visa de long séjour d'établissement en qualité d'ascendant à charge de sa fille, Mme G... H..., de nationalité roumaine et ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne, ce qui lui a été refusé par une décision du 5 novembre 2018. Le recours exercé contre cette décision a été rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France le 18 mars 2019. Mme E... H... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 octobre 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) 8° rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de l'intéressée, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est notamment fondée sur les dispositions des articles L. 211-1 et L. 211-2-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir indiqué que l'intéressée sollicitait un visa d'établissement en qualité d'ascendante à charge de ressortissante roumaine, elle a rejeté sa demande au motif principal qu'elle n'établissait pas être bénéficiaire de virements financiers consistants et réguliers depuis une période significative de la part de sa fille qui réside en France alors que de plus, cette dernière ne justifiait pas disposer, compte tenu des charges locatives qu'elle a à supporter, des moyens financiers suffisants pour prendre en charge sa mère, handicapée à 100 %, sans qu'elle devienne une charge pour le système d'assistance sociale, la demanderesse ne disposant pas d'une assurance maladie. Par ailleurs, une décision administrative qui doit être motivée n'a pas à mentionner d'autres textes que ceux sur le fondement duquel elle a été prise. La requérante ne saurait dès lors utilement faire valoir que la décision contestée serait illégale pour ne pas avoir visé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si la requérante soutient que la commission devait néanmoins examiner sa demande au regard de ces stipulations, ce moyen porte sur le bien-fondé de la décision contestée alors qu'en tout état de cause, la commission a également motivé sa décision en mentionnant la circonstance que la requérante n'est pas isolée en Algérie et qu'il n'était pas établi que sa fille ne puisse lui rendre visite dans son pays d'origine. Par suite, cette décision, qui comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce code : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; /2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° S'il est (...) ascendant direct à charge, (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; ".
5. D'une part, il ressort de la motivation de la décision contestée telle que rappelée au point 3, que la commission de recours a examiné la demande de Mme E... H..., sur le fondement notamment de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux demandes de visa de long séjour et en vue de l'établissement de l'intéressée en France en qualité d'ascendante à charge de ressortissante roumaine. Par suite, alors même que la décision contient une erreur de plume quant à la nature du visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne s'est pas méprise sur le sens de la demande déposée par Mme E... H....
6. D'autre part, lorsqu'elles sont saisies d'une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour par un ressortissant étranger faisant état de sa qualité d'ascendant à charge de ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, les autorités consulaires peuvent légalement fonder leur décision de refus sur la circonstance que le demandeur ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres lui permettant de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes, que son descendant ressortissant communautaire ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
7. Pour justifier qu'à la date de la décision contestée, sa fille, Nassima, pourvoyait régulièrement à ses besoins, Mme H... produit les relevés de compte bancaire de cette dernière. Toutefois, ces relevés se limitent à la seule période courant du 3 avril 2017 au 25 janvier 2019 au cours de laquelle huit virements bancaires ont été effectués à son profit pour un montant total de 2 100 euros. Si l'intéressée soutient, en outre, que sa fille a également subvenu à ses besoins entre 2015 et 2017 en effectuant des virements au profit de son amie, Mme D... B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que les sommes alléguées lui auraient été reversées. De même, les différentes attestations produites sont insuffisantes pour établir que Mme G... H... a effectivement subvenu à ses besoins en lui procurant des sommes d'argent en liquide. Il suit de là qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de la période et de la fréquence des sommes d'argent envoyées par Mme G... H..., que cette dernière pourvoyait régulièrement aux besoins de sa mère alors qu'au surplus, il est constant, qu'à la date de la décision contestée, la requérante bénéficiait d'une décision de curatelle dont le curateur était son frère. La circonstance que la requérante a, depuis, déménagé pour résider en Roumanie est sans incidence sur la légalité de la décision contestée alors que de plus, cette circonstance, qui résulte au demeurant d'une décision personnelle de la requérante, est postérieure à cette décision. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur de droit, ni fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en refusant de délivrer le visa sollicité au motif que la requérante ne pouvait être regardée comme étant à charge d'un ressortissant de l'union européenne. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif qui est à lui seul suffisant pour justifier le refus de délivrance du visa sollicité. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer la circonstance qu'elle bénéficierait d'une couverture sociale et que Mme G... H... disposerait de ressources suffisantes pour la prendre en charge.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... H... était âgée à la date de la décision contestée de 67 ans et a toujours vécu dans son pays d'origine. Si elle est atteinte de troubles " psychopathiques " qui lui ont valu d'être reconnue handicapée mentale à 100% par l'Etat algérien, elle bénéficiait, à la date de la décision en litige, d'une mesure de curatelle et résidait chez son frère, M. I... F..., également son curateur. Il n'est, par ailleurs, pas établi que sa fille n'aurait pas pu lui rendre visite en Algérie, pays où résidait la requérante à la date de la décision contestée. Il suit de là que cette décision n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme E... H... et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... H... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... H... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... veuve H... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme Douet, président-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.
Le rapporteur,
M. J...Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04408