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03/11/2020 | FRANCE | N°20NT02589

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Juge unique, 03 novembre 2020, 20NT02589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... K... R..., Mme O... A... D... et M. S... K... Q... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 5 juillet 2019 par laquelle l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo a rejeté la demande de visas de long séjour présentée pour Mme O... A... D..., M. S... K... Q..., ainsi que pour les jeunes Exaucé K..., Miradi

K... Makiese, Ephraim A... et H... K....

Par un jugement n°1913886 du 23 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... K... R..., Mme O... A... D... et M. S... K... Q... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 5 juillet 2019 par laquelle l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo a rejeté la demande de visas de long séjour présentée pour Mme O... A... D..., M. S... K... Q..., ainsi que pour les jeunes Exaucé K..., Miradi K... Makiese, Ephraim A... et H... K....

Par un jugement n°1913886 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 5 juillet 2019 par laquelle l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo a rejeté la demande de visas de long séjour présentée pour Mme O... A... D..., pour M. S... K... Q..., ainsi que pour les jeunes Exaucé K..., Miradi K... Makiese, Ephraim A... et H... K..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2020 sous le n°20NT02589, le ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2020.

- Il entend substituer aux motifs initiaux le motif tiré de ce que la demande de visa est une demande de réunification partielle puisqu'aucun visa n'a été demandé pour deux autres enfants de M. K... R..., qu'il n'est pas dans l'intérêt des enfants que la fratrie soit séparée et que les documents présentés n'attestent pas de l'identité des personnes s'étant présentées comme des membres de la famille de M. K... R... ;

Il soutient que :

- le certificat de mariage délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides indique une date de naissance de Mme O... A... D... différente de celle mentionnée sur les documents présentés à l'autorité consulaire - à savoir un jugement supplétif du 18 mai 2015, un acte de naissance du 6 juin 2015 et un passeport ;

- quatre jugements supplétifs nos RC9628/I, RC9627/I, RC9629/I et RC9630/I rendus le 22 septembre 2016 et quatre actes de naissance portant les numéros 96, 93, 94 et 95 transcrits suite à ces jugements supplétifs le 28 janvier 2017 ont été produits pour attester de l'identité des enfants ; ces actes indiquent que M. K... R... a comparu devant l'officier d'état civil congolais pour déclarer les naissances alors qu'il réside en France depuis le 21 mai 2013 ; en outre, ces actes comportent des mentions supplémentaires, qui ne sont pas indiquées dans les jugements supplétifs tels que les dates de naissance, les lieux de naissance, les nationalités et les professions des deux parents ;

- les déclarations de M. K... R... comportent des incohérences dès lors qu'il a déclaré lors de sa demande d'asile que l'enfant E... K... était né le 15 novembre 2002 alors que l'acte de naissance produit indique une naissance au 15 décembre 2002 et a indiqué à plusieurs reprises à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que l'enfant L... A... était décédé ;

- l'enfant H... K... n'a pas été déclaré à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lors de la demande d'asile mais seulement le 24 octobre 2018 ; son acte de naissance a été dressé au-delà du délai légal prévu à l'article 116 du code de la famille congolais et sa naissance a été déclarée par un tiers ;

- l'ensemble de ces incohérences ne permettent pas de regarder le lien de filiation comme établi ;

- les éléments de possession d'état sont pauvres, discontinus et d'opportunité ; les transferts d'argent ont débuté le 6 juillet 2016 bien après l'obtention du statut de réfugié ; les photographies ne sont ni datées ni circonstanciées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2020, M. F... K... R..., Mme O... A... D... et M. S... K... Q..., représentés par Me J..., concluent au rejet de la requête et ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la substitution de motifs demandée ne saurait prospérer ; le caractère partiel de la procédure de réunification familiale n'est pas contraire à l'intérêt des enfants ; les jeunes P... Bolume et Françoise K..., nés les 15 janviers 2009 et 27 novembre 2012 d'une relation extraconjugale, n'ont jamais vécu avec les demandeurs de visas et résident avec leur mère, qui s'oppose à leur départ ;

- l'identité de Mme A... D... est établie par son passeport et par un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 18 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Kinshasa/Kalamu ; les différences entre le certificat de mariage délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et les autres documents produits, imputables à des erreurs et partiellement rectifiées, en ce qui concerne la date de naissance de l'intéressée, par un jugement rectificatif, ne remettent pas en cause la valeur probante du certificat de mariage délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- les actes de naissance des enfants S... K... Q..., Exaucé K..., Miradi K... Makiese et L... A... ont été dressés après jugements supplétifs ; les démarches de transcription ont été effectuées par le conseil de M. K... R... en République démocratique du Congo ; les articles 92 et suivants du code de la famille congolais permettent l'ajout de mentions supplémentaires sur les actes de naissance dressés après jugements supplétifs;

- l'enfant L... a été déclaré décédé auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en raison d'erreurs de compréhension de la personne qui assistait M. K... R... lors de sa demande d'asile ;

- la déclaration tardive de naissance de l'enfant H... n'est pas suffisante pour mettre en doute la valeur probante de son acte de naissance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me M..., substituant Me J..., représentant M. K... R... Mme A... D... et M. K... Q....

Deux notes en délibéré, présentées par M. K... R..., Mme A... D... et M. K... Q... ont été enregistrées le 26 octobre 2020 et le 2 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17. ".

2. M. K... R..., ressortissant congolais né le 24 novembre 1969 au Zaïre, s'est vu reconnaitre le bénéfice de la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 23 octobre 2014. Des demandes de visas au titre de la réunification familiale ont été déposées le 27 septembre 2018 pour son épouse alléguée Mme O... A... D... et les enfants S... K... Q... né le 22 mai 2001, Exaucé K... né le 15 novembre ou le 15 décembre 2002, Miradi K... Makiese née le 5 avril 2005, L... A... né le 21 juillet 2012 et Kévine K... né le 4 septembre 2013. M. K... R... déclare être le père de deux autres enfants, P... K... né le 15 janvier 2009 et Françoise K..., née le 27 novembre 2012 d'une autre union avec Mme G... N... ou Mme C... I..., pour lesquels aucune demande de visa n'a été formulée. L'autorité consulaire française en République démocratique du Congo a implicitement rejeté les demandes de visa présentées par Mme A... D... et les cinq enfants susmentionnés. Le recours formé le 26 juin 2019 devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France contre cette décision a été implicitement rejeté. Par un courrier du 18 octobre 2019, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a communiqué à M. K... R... les motifs de cette décision implicite tirés de ce que la demande de regroupement était tardive, quatre ans après l'obtention du statut de réfugié, et au surplus, de ce que les actes de naissance de Mme A... D... et des enfants avaient été établis de quatre à trente-six ans après la naissance des demandeurs et après l'obtention du statut de réfugié par M. K... R...-ces éléments ôtant tout caractère probant aux documents présentés- de ce que la production de tels documents, qui relève d'une intention frauduleuse, ne permettait pas d'établir l'identité des demandeurs et, partant, leur lien familial avec M. K... R..., et, enfin, de ce que M. K... R... n'apportait aucun élément permettant d'établir qu'il avait contribué ou contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation des enfants, ni qu'il leur apporterait un soutien affectif et qu'il communiquerait régulièrement avec eux.

3. Le ministre de l'intérieur entend substituer aux motifs initiaux les motifs tirés, d'une part, de ce que la demande de visa est une demande de réunification partielle, et qu'en l'espèce il n'est pas dans l'intérêt des enfants que la fratrie soit séparée et, d'autre part, que les documents d'état civil présentés n'attestent ni de l'identité des demandeurs de visas ni, partant, de leur lien avec le réfugié.

4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ", ce dernier disposant que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

5. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif a estimé à tort que la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer des visas de long séjour au titre de la réunification familiale est entachée d'erreur d'appréciation paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

6. En conséquence, il y a lieu de faire droit à la requête du ministre de l'intérieur tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 juin 2020. Par suite, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par M. K... R..., Mme A... D... et M. K... Q... ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le fond de l'instance n° 20NT02590, il sera sursis à l'exécution du jugement du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Nantes.

Article 2 : Les conclusions de M. K... R..., Mme A... D... et M. K... Q... tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F... K... R..., à Mme O... A... D... et à M. S... K... Q....

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

La présidente-rapporteur,

H. B...

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20NT02589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Juge unique
Numéro d'arrêt : 20NT02589
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Avocat(s) : SELARL R et P AVOCATS OLIVIER RENARD ET CINDIE PAPINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-03;20nt02589 ?
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