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23/10/2020 | FRANCE | N°20NT00097

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 23 octobre 2020, 20NT00097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... H... et Mme D... F... épouse H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur le recours présenté le 13 février 2019 contre la décision du 20 janvier 2019 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste à Oran ont refusé de délivrer à M. C... H... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.



Par un jugement n° 1906290 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Nan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... H... et Mme D... F... épouse H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur le recours présenté le 13 février 2019 contre la décision du 20 janvier 2019 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste à Oran ont refusé de délivrer à M. C... H... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 1906290 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2020, M. C... H... et Mme D... F... épouse H..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'admettre provisoirement Mme F... à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2019 ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer à M. H..., dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le visa de long séjour sollicité, ou, à tout le moins, d'enjoindre, dans les mêmes conditions, au ministre de procéder à un nouvel examen de sa demande de visa ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, d'une part, une somme de 1 500 euros à verser au conseil de Mme F... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, d'autre part, une autre somme de 1 500 euros à verser à M. H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

­ à défaut d'établir le caractère frauduleux du mariage, la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ cette décision a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé, en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

Mme D... F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code civil ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... H..., ressortissante algérien, né le 6 mars 1989, est entré sur le territoire français en janvier 2017 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié, lequel lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 12 juillet 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 novembre 2017. Après avoir fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français pris par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence le 5 janvier 2018, l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire. Il a contracté mariage, à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), avec Mme D... F..., de nationalité française née le 6 novembre 1985. Après être retourné en Algérie, M. H... a sollicité, le 25 novembre 2018, des autorités consulaires françaises à Oran la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, ce qui lui a été refusé par une décision du 20 janvier 2019. M. H... a formé un recours contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui a été enregistré le 13 février 2019. Du silence gardé sur ce recours par la commission, une décision implicite de rejet est née le 13 avril 2019. M. H... et Mme F... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 novembre 2019 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de la commission de recours.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Par une décision du 27 janvier 2020, postérieure à l'introduction de la requête, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme F... l'aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions des requérants, tendant à ce que l'intéressée soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...) ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.

5. Selon les écritures du ministre, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour refuser à M. H... le visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint d'une ressortissante française, sur l'absence de réalité de l'intention matrimoniale des deux époux ainsi que sur l'absence de communauté de vie.

6. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le ministre, Mme F... a apporté des précisions sur les conditions de sa rencontre avec M. H... en juillet 2017. De même, les requérants justifient des relations constantes et régulières qu'ils ont nouées depuis cette rencontre, tant avant qu'après leur mariage, par des photographies, des échanges par la voie d'une messagerie électronique, des réservations de billet d'avion ainsi que par des attestations de proches et d'amis qui ne sont pas utilement contestées. En particulier, si le ministre fait état de ce qu'aucune photographie du mariage n'a été produite, il ressort de ces attestations que la réception qui a suivi le mariage a été annulée en raison d'un décès dans la famille. La notification de l'arrêté de refus de séjour du 5 janvier 2018, à l'adresse alors déclarée par M. H... n'est pas, par ailleurs, de nature à établir que, contrairement aux affirmations des requérants, ceux-ci ne partageaient pas le même domicile à cette date dès lors que l'accusé de réception a été retourné à l'expéditeur avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Enfin, le procureur de la République après avoir prononcé, le 28 juin 2018, sur le fondement des dispositions de l'article 175-2 du code civil, le sursis à la célébration du mariage jusqu'au 27 juillet 2018 afin de lui permettre de procéder aux investigations nécessaires pour vérifier que les consentements au mariage des intéressés étaient réels et sérieux, ne s'est pas opposé au mariage en décidant, le 6 août 2018, de ne pas renouveler ce sursis. La circonstance que M. H... était en situation irrégulière, s'est marié en novembre 2018, quatorze mois après qu'il ait rencontré Mme F... et qu'une seule attestation EDF ait été présentée pour justifier d'un domicile commun, ne suffisent pas établir que le mariage aurait été conclu dans un but étranger à l'union matrimoniale.

7. Par ailleurs, aux termes de l'article 214 du code civil " Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. / Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile. ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. H..., qui séjournait en France en situation irrégulière, aurait bénéficié de revenus propres lui permettant de participer financièrement aux charges du mariage. En tout état de cause, cette circonstance, à la supposer établie, serait sans incidence dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 6, les pièces produites démontrent que ce dernier maintient ses relations avec Mme F....

8. Par suite, le moyen tiré par les requérants de ce que la commission, qui n'établit pas le caractère frauduleux du mariage, a fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de délivrer à M. H... un visa de long séjour, doit être accueilli. Il suit de là que les requérants sont fondés à demander l'annulation de cette décision.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen présenté par les requérants, que M. H... et Mme F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard aux motifs du présent arrêt et alors, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. H... se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de la décision contestée et, d'autre part, qu'aucun motif d'ordre public ne ferait obstacle à sa venue en France, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement la délivrance à M. C... H... du visa de long séjour qu'il sollicitait. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de délivrer à M. H... un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

Sur les frais liés au litige :

11. D'une part, Mme D... F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me E... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

12. D'autre part, M. H... n'établit pas avoir dû supporter des frais autres que ceux exposés par Mme F... dans la présente instance. Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées.

D É C I D E:

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant au bénéfice de Mme F... à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 novembre 2019 et la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de délivrer un visa de long séjour à M. C... H... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le versement de la somme de 1 200 euros à Me E... est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... H..., à Mme D... F... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Couvert-Castéra, président de la cour,

- Mme B..., présidente assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

O. COUVERT-CASTÉRA

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

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N° 20NT00097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00097
Date de la décision : 23/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : PACCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-23;20nt00097 ?
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