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23/10/2020 | FRANCE | N°19NT04379

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 octobre 2020, 19NT04379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration à leur verser à chacun la somme de 5 283,70 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice résultant de l'absence de versement de l'allocation aux demandeurs d'asile.

Par un jugement n° 1704082 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration à leur verser à chacun la somme de 5 283,70 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice résultant de l'absence de versement de l'allocation aux demandeurs d'asile.

Par un jugement n° 1704082 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 novembre 2019 et le 6 octobre 2020, M. et Mme F..., représentés par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 mai 2019 ;

2°) de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à leur verser la somme de 3 899,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2016 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII le versement à leur conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- une demande de versement formée auprès de l'OFII pour les mois écoulés ne peut s'analyser que comme une demande en réparation du préjudice financier subi et non comme une demande de versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) sur le fondement de l'article L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'OFII ne procède au versement de cette prestation que si les bénéficiaires démontrent qu'ils remplissent l'ensemble des conditions requises ; leurs courriers des 15 mars 2016 et 28 juillet 2016 constituent des réclamations préalables au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

- l'OFII a commis une faute en suspendant les versements de l'ADA alors qu'ils avaient dès le 23 octobre 2015 accepté les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile et qu'aucun changement dans leur situation n'était intervenu ;

- en vertu des dispositions de l'article 3 du décret du 21 octobre 2015 relatif à l'allocation pour demandeur d'asile, ils étaient fondés à conserver après le 1er novembre 2015 le bénéfice du montant qu'ils percevaient au titre de l'allocation temporaire d'attente (ATA) ; leur préjudice financier s'élève donc à 3 899,10 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., ressortissants kosovares, ont sollicité l'asile auprès du préfet du Rhône. Placés en procédure Dublin, ils ont perçu l'allocation temporaire d'attente (ATA) jusqu'au 31 octobre 2015. La France est devenue l'Etat responsable de leurs demandes d'asile en vertu de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. A compter du 1er novembre 2015, alors que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) s'est vu confier la gestion des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, ils ont cessé de percevoir l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), qui s'est substituée à l'ATA. Le versement de l'aide a repris en mai 2016 pour être suspendu, de nouveau, en novembre et décembre 2016. M. et Mme F..., qui bénéficient depuis le 28 février 2017 de la protection subsidiaire, ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi en raison de la suspension des versements des aides auxquelles ils pouvaient prétendre en qualité de demandeurs d'asile. Ils relèvent appel du jugement du 28 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande et sollicitent en appel la condamnation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à leur verser la somme de 3 899,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2016 et de leur capitalisation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur à la date de saisine du tribunal administratif de Nantes par M. et Mme F... : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur en mars et juillet 2016 : " Le demandeur d'asile qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 744-1 bénéficie d'une allocation pour demandeur d'asile s'il satisfait à des conditions d'âge et de ressources. L'Office français de l'immigration et de l'intégration ordonne son versement dans l'attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l'asile ou jusqu'à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. / Le versement de l'allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande. Son montant est revalorisé le 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. / L'allocation pour demandeur d'asile est incessible et insaisissable. Pour son remboursement, en cas de versement indu, l'Office français de l'immigration et de l'intégration peut procéder à des retenues sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit. Le montant des retenues ne peut dépasser un plafond, déterminé selon des modalités prévues par voie réglementaire, sauf en cas de remboursement intégral de la dette en un seul versement si le bénéficiaire opte pour cette solution. / Les blocages de comptes courants de dépôts ou d'avances ne peuvent avoir pour effet de faire obstacle à l'insaisissabilité de l'allocation. / Un décret définit le barème de l'allocation pour demandeur d'asile, en prenant en compte les ressources de l'intéressé, son mode d'hébergement et, le cas échéant, les prestations offertes par son lieu d'hébergement. Le barème de l'allocation pour demandeur d'asile prend en compte le nombre d'adultes et d'enfants composant la famille du demandeur d'asile et accompagnant celui-ci. / Ce décret précise, en outre, les modalités de versement de l'allocation pour demandeur d'asile. ".

3. Par courrier du 15 mars 2016, M. et Mme F... ont saisi l'OFII au sujet de leur situation de demandeurs d'asile en indiquant qu'en dépit de leur courrier du 27 octobre 2015 dans lequel ils avaient accepté les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, ils n'avaient perçu aucun versement au titre de l'ADA. Ils précisaient qu'en vertu de l'article 3 du décret du 21 octobre 2015 relatif à l'allocation pour demandeur d'asile, ils devaient conserver le bénéfice du montant versé, avant le 1er novembre 2015, au titre de l'ATA. Ils concluaient en remerciant l'OFII de bien vouloir actualiser leur dossier et de leur verser les allocations qui leur étaient dues. Ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal administratif de Nantes, ce courrier ne peut être regardé comme une réclamation préalable au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

4. Agissant pour le compte de M. et Mme F..., l'association Le Forum Réfugié a adressé un courrier, le 28 juillet 2016, à l'OFII concernant la régularisation de leurs droits au titre de l'ADA. Il est précisé que les intéressés ont reçu les aides qui leur étaient dues au titre des mois de mai et de juin 2016 mais qu'ils étaient toujours en attente des versements pour la période de novembre 2015 à avril 2016. En conclusion, il est indiqué que la famille souhaiterait qu'il soit procédé au plus vite " au règlement rétroactif de ses droits à l'ADA pour les mois de novembre 2015 à avril 2016 ". Ce courrier ne peut, pas plus que celui du 15 mars 2016, être regardé comme constituant une réclamation préalable à un recours indemnitaire tendant à la réparation du préjudice que M. et Mme F... auraient subi du fait de l'absence de versement de ces aides. Enfin, si le 21 octobre 2016 et le 13 décembre 2016, l'association l'Apuis a interrogé par courriel l'OFII au sujet de ces retards de paiement, ces divers échanges, eu égard à leur teneur informelle, ne constituent pas une réclamation préalable au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. La circonstance que l'article L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'OFII s'assure des conditions d'éligibilité à l'ADA et évalue son montant en fonction des ressources des bénéficiaires, des prestations dont ils bénéficient et de la composition de la famille, est sans incidence sur la finalité et la nature de ces divers courriers, lesquels ne s'inscrivaient pas dans une démarche indemnitaire précontentieuse mais avaient seulement pour objectif d'obtenir le versement des sommes dues au titre des mois de novembre 2015 à avril 2016.

5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué. Pour les mêmes motifs, leurs conclusions présentées en appel tendant à la condamnation de l'OFII à leur verser la somme de 3 899,10 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. et Mme F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et Mme A... F... ainsi qu'à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2020

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04379
Date de la décision : 23/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : LE ROY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-23;19nt04379 ?
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