La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2020 | FRANCE | N°19NT00992

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 octobre 2020, 19NT00992


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, la décision du 30 janvier 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction de révocation et d'autre part, la décision du 19 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé sa décision du 30 janvier 2017.

Par un jugement n°1800430 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7

mars 2019, Mme D..., représentée par Me B..., doit être regardée comme demandant à la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, la décision du 30 janvier 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction de révocation et d'autre part, la décision du 19 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé sa décision du 30 janvier 2017.

Par un jugement n°1800430 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2019, Mme D..., représentée par Me B..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2018 ;

2°) d'annuler, d'une part, la décision du 30 janvier 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction de révocation et d'autre part, la décision du 19 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé sa décision du 30 janvier 2017.

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de la réintégrer dans ses fonctions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la sanction prononcée est disproportionnée :

- elle n'est pas l'instigatrice des comportements délictueux d'accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données et a agi dans le cadre d'une relation sentimentale et sur les instructions de son ex-compagnon, également mis en examen ;

- elle ignorait de nombreux éléments révélés par l'enquête notamment le nombre de véhicules concernés, les tarifs pratiqués ou l'identité des commanditaires ;

- elle n'a pas bénéficié directement de sommes d'argent en contrepartie d'actes frauduleux, uniquement de versements sporadiques versés dans le cadre d'une relation de couple ;

- son ex-compagnon dont elle est aujourd'hui séparée a profité de sa vulnérabilité ;

- ses appréciations annuelles depuis 2011 établissent qu'elle a toujours été un fonctionnaire de police sérieux à l'écoute des gradés qui l'encadrent ;

- elle n'a toujours pas été jugée par une juridiction pénale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors qu'elle méconnaît les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié ;

- le décret n° 2012-225 du 16 février 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., gardienne de la paix affectée à la circonscription de sécurité publique de Caen, a été placée sous contrôle judiciaire par une ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Bobigny du 10 octobre 2014 à la suite de sa mise en examen pour accès frauduleux à tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'Etat, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de recels de vols en bande organisée et corruption passive par personnes dépositaires de l'autorité publique. Ce contrôle judiciaire lui a fait interdiction de " se livrer aux activités professionnelles ou sociales suivantes : fonctionnaire de police ", jusqu'au 16 décembre 2016, date à laquelle il a été levé. L'intéressée a été suspendue de ses fonctions à compter du 1er février 2016 et par un arrêté du 30 janvier 2017, le ministre de l'intérieur a prononcé la sanction de révocation de Mme D.... Saisi d'un recours de la requérante, le conseil supérieur de la fonction publique d'Etat a rendu, le 30 octobre 2017, un avis tendant à substituer à la sanction de révocation celle d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans. Par une décision du 11 décembre 2017, le ministre de l'intérieur a confirmé la sanction de révocation prononcée à l'encontre de l'intéressée. Par sa requête, Mme D... relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 visée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Quatrième groupe : (...) - la révocation. (...) ".

3. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ses fautes.

4. En premier lieu, il n'est pas contesté que Mme D... a délibérément collaboré, contre rétribution, à un trafic de plusieurs dizaines de véhicules volés en usant indûment des prérogatives professionnelles attachées à sa qualité de policier. Sollicitée par son ex-compagnon, afin de rendre possible la remise en circulation des voitures dérobées en supprimant leur inscription au fichier des véhicules volés, elle a accepté de prendre part à ce trafic en consultant, sans nécessité de service, le système d'immatriculation des véhicules et le fichier des objets et des véhicules signalés. Les informations recueillies par Mme D... permettaient ainsi de rédiger de faux procès-verbaux de découverte de véhicules volés, qui pouvaient être effacés des fichiers et remis en circulation. Ce système de trafic organisé mis en place par l'ex-compagnon de Mme D... et un collègue de ce dernier a eu un important retentissement médiatique. Il a donné lieu à une enquête administrative de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) et à l'interpellation des trois agents le 7 octobre 2014. Mme D... a également perçu des versements d'argent en contrepartie de ses démarches frauduleuses, remis par son ex-compagnon.

5. Si Mme D... fait valoir qu'elle elle n'est pas l'instigatrice des comportements délictueux d'accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données et a agi dans le cadre d'une relation sentimentale et sur les instructions de son ex-compagnon, également mis en examen et qu'elle ignorait de nombreux éléments révélés par l'enquête, notamment le nombre de véhicule concernés, les tarifs pratiqués ou l'identité des commanditaires, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de l'IGPN en date du 10 mai 2016, qu'elle était informée du caractère frauduleux des demandes et des agissements de son ex-compagnon dès le début de l'année 2014, qu'elle a effectué les connexions reprochées au système d'immatriculation des véhicules et au fichier des objets et des véhicules signalés à sa demande et a obtenu de l'argent provenant de ce trafic en parfaite connaissance de son origine. Les difficultés financières, personnelles et familiales de l'intéressée et ses évaluations annuelles favorables depuis 2011 ne sauraient excuser son comportement frauduleux tendant à la participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de vols en bande organisée. Eu égard à la gravité de ces faits et compte tenu notamment de la qualité de fonctionnaire de la police nationale de l'intéressée qui impose, en toute circonstance, un respect des normes réglementaires et une attitude digne et exemplaire, la sanction de révocation prononcée à l'encontre de Mme D..., n'est pas disproportionnée en l'espèce.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête de Mme D..., que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions visées ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme D... au titre des frais de procédure.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président- assesseur,

- M. A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N°19NT00992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00992
Date de la décision : 23/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET OLIVIER ARNOD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-23;19nt00992 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award