La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2020 | FRANCE | N°19NT00070

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 octobre 2020, 19NT00070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) sous le n°1608557, d'annuler la décision du centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) du 18 juillet 2015 mettant à sa charge un trop-perçu de 19 058,52 euros, ainsi que la décision du 25 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a, à la suite de son recours du 11 janvier 2015, ramené le montant du trop-versé réclamé à la somme de 11 327,97 euros et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 eu

ros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) sous l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) sous le n°1608557, d'annuler la décision du centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) du 18 juillet 2015 mettant à sa charge un trop-perçu de 19 058,52 euros, ainsi que la décision du 25 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a, à la suite de son recours du 11 janvier 2015, ramené le montant du trop-versé réclamé à la somme de 11 327,97 euros et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) sous le n° 1702541, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 11 327,97 euros en réparation de ses préjudices et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1608557-1702541 du 7 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 4 500 euros, et d'autre part, rejeté la demande n°1608557 ainsi que le surplus des conclusions de la demande n°1702541, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2019, la ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 novembre 2018 ;

2°) de rejeter les demandes de M. B... ;

Elle soutient que :

- en premier lieu, aucune négligence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ne saurait être retenue en l'absence, d'une part, du maintien de versements indus sur plusieurs années, le trop versé ayant été effectué en une seule fois par paiement manuel au cours du mois de novembre 2014 ; il ne s'est écoulé par ailleurs qu'un délai de 7 mois entre le versement du trop-perçu et la notification de la décision du 18 juillet 2015 du centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) informant M. B... d'un trop versé, ce qui constitue un temps relativement court ; d'autre part, s'agissant du délai mis par l'administration pour notifier un montant définitif de trop-versé à M. B..., ce dernier a lui-même contribué à l'allongement des délais de réponse puisqu'il n'a saisi la commission de recours que 6 mois après la notification de la décision précitée du 18 juillet 2015. Cet agent a également préféré attendre l'intervention d'une décision explicite pour saisir la juridiction administrative. En tout état de cause, M. B... ne pouvait ignorer dès son versement qu'il devait rembourser l'avance de 19 058, 52 euros, somme qui ne correspond à aucune erreur de calcul ; en effet, la raison pour laquelle cette somme n'est pas à reverser en totalité tient au fait que la deuxième et la troisième fraction de " l'insdom " ont " été déduites par compensation ;

- en second lieu, le tribunal a commis une erreur d'appréciation en accordant la somme de 4500 euros à M. B....

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2019, M. B..., représenté par Me E... conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, demande à la cour par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'annulation de la décision du 25 janvier 2017 ; à titre subsidiaire, M. B... demande de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 827,97 euros en réparation du préjudice subi, et enfin demande de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la ministre des armées ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense, notamment ses articles R. 4125-1 et R.4125-10 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. D..., Pons rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est caporal-chef de 1ère classe. Par une décision du 18 juillet 2015, le centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) lui a notifié une décision de trop-versé de rémunération d'un montant de 9 795,29 euros. En réponse à son recours gracieux formé le 19 août 2015, le CERHS a, par une décision du 28 novembre 2015 et après réexamen de son dossier, réévalué le trop-perçu à la somme de 15 004,08 euros. Le 11 janvier 2016, M. B... a saisi la commission des recours des militaires d'un recours contre les décisions du 18 juillet 2015 et du 28 novembre 2015. Le 21 septembre 2016, il a présenté une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis, en raison de la poursuite du recouvrement des indus de rémunération en cause. Par une décision du 25 janvier 2017, le ministre de la défense a ramené la somme mise à la charge du requérant à un montant de 11 327,97 euros.

2. Par une première demande n°1608557, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de la décision du 18 juillet 2015 mettant à sa charge un trop-perçu de 19 058,52 euros et de la décision du 25 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a ramené le montant du trop-versé réclamé à la somme de 11 327,97 euros. Par une seconde demande n° 1702541, il sollicité la condamnation de l'Etat au versement de la somme de 11 327,97 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 7 novembre 2018, cette juridiction a, tout d'abord, condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 4 500 euros, ensuite, rejeté la demande n°1608557 ainsi que le surplus des conclusions de la demande n°1702541, enfin, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros. La ministre des armées relève appel de ce jugement. M. B... conclut au rejet de la requête et, par la voie d'un appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'annulation de la décision du 25 janvier 2017. Il sollicite, à titre subsidiaire, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 6 827,97 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi.

Sur la régularité du jugement attaqué entant qu'il statue sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 18 juillet 2015 :

3. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux./ Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense (...) " et aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale (...) / L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission. ".

4. Il résulte de ces dispositions que la décision prise par le ministre, le 25 janvier 2017 ramenant le montant du trop-versé réclamé à la somme de 11 327,97 euros, intervenue sur le recours administratif préalable obligatoire de M. B..., s'est entièrement substituée à la décision du 18 juillet 2015 ainsi qu'à celle du 28 novembre 2015 qui avait réévalué le trop-perçu à la somme de 15 004,08 euros. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par M. B... tendant à l'annulation de la décision du 18 juillet 2015.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

5. Toute faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de créances non fiscales est de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique à l'égard du débiteur ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de la créance, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans les conditions d'existence dont le débiteur justifie.

6. Il résulte de l'instruction que le trop-perçu initialement en litige a résulté d'un paiement effectué par un virement du 12 décembre 2014 sur le compte bancaire de M. B..., qui correspondait à diverses indemnités auxquelles peuvent prétendre des militaires affectés dans un département d'outre-mer. L'administration identifiant ensuite des erreurs commises dans le calcul des sommes effectivement dues à cet agent a, par une décision du 18 juillet 2015, arrêté le trop-versé de rémunération à la somme de 9 795,29 euros. Cette décision notifiée le 18 août 2015 a été contestée par l'intéressé dès le lendemain, soit le 19 août 2015. Après réexamen du dossier de M. B..., le montant du trop-versé a été modifié le 28 novembre 2015, pour être réévalué à la somme de 15 004,08 euros, correspondant à la différence entre, d'une part, des trop-versés d'un montant de 8651,08 euros et une reprise d'une avance d'un montant de 19 058,52 euros, et d'autre part, des moins versés d'un montant de 12 705,52 euros. Les tableaux correspondant, selon les termes utilisés dans la décision du 28 novembre 2015, à " la nouvelle analyse faite de la situation de M. B... " montrent que les trop-versés en question concernent 6 rubriques différentes sur deux périodes - du 1er juin 2013 au 31 mars 2015 et du 1er août 2013 au 31 mars 2015 - et que les moins versés se rapportent à la 2ème et à la 3ème fraction de la même indemnité sur la période courant du 1er octobre 2011 au 31 mars 2015. Un nouvel examen de la situation de M. B..., intervenu à la suite de la saisine, le 11 janvier 2016, de la commission des recours des militaires, a conduit finalement à ce que le montant du trop-versé initialement notifié soit minoré pour être ramené à la somme de 11 327, 97 euros par la décision litigieuse du 25 janvier 2017.

7. Il est constant, en premier lieu, que le versement indu au profit de M. B... d'éléments de rémunération, relatif à la période comprise entre le 1er juin 2013 et le 31 mars 2015, est exclusivement imputable aux erreurs de liquidation des soldes liées aux dysfonctionnements du logiciel calculateur de soldes " Louvois ", alors en place au ministère des armées. L'instruction établit également, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, que c'est à la suite des démarches engagées auprès de son administration puis de la commission de recours des militaires consécutivement à la notification le 18 août 2015 de la décision du 18 juillet 2015 qui arrêtait le trop versé de rémunération à la somme de 9 795,29 euros que la créance de l'Etat a été fixée définitivement par la décision du 25 janvier 2017 à la somme de 11 327, 97 euros après avoir un temps été évaluée à la somme de 15 004,08 euros. Les réexamens auxquels il a ainsi été procédé et qui ont conduit à identifier de nombreuses erreurs de versement d'indemnités et des moins versés caractérisent un certain nombre d'insuffisances dans la gestion - pour le moins erratique - du dossier rémunération de l'intéressé, l'administration ayant mis, comme l'ont justement rappelé les premiers juges, plus d'un an et demi à " régulariser " cette rémunération déjà affectée par des anomalies importantes. L'Etat a, dans ces conditions, commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Les circonstances, à cet égard, que le versement du trop-versé ait été effectué en une seule fois au cours du mois de novembre 2014 et que la décision primitive, plusieurs fois rectifiée quant au montant réclamé ainsi qu'il vient d'être rappelé, soit intervenue dès le 18 juillet 2015, ne permettent pas à l'administration de s'exonérer de sa responsabilité.

8. La circonstance, en second lieu, que M. B... ait attendu, avant de saisir la juridiction administrative, l'intervention d'une décision explicite sur le recours qu'il avait formé auprès de la commission de recours des militaires, décision qui au demeurant a une nouvelle fois modifié le montant du trop-versé, ne saurait lui être reprochée. La ministre des armées n'est dès lors pas fondée à soutenir que M. B... aurait commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de l'administration.

En ce qui concerne le préjudice subi :

9. Compte tenu, notamment, de ce que les sommes en litiges ont fait l'objet de retenues sur la solde de l'intéressé, des démarches engagées par ce dernier, du délai mis par l'administration pour régulariser finalement sa situation après avoir fait varier le montant de la somme correspondant au trop-versé et de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des troubles subis dans ses conditions d'existence par le requérant en lui allouant la somme de 4 500 euros. Les conclusions incidentes, présentées par M. B... tendant à l'allocation d'une indemnité complémentaire de 6 827,97 euros afférent à un préjudice dont la réalité n'est pas justifiée ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées.

10. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 4 500 euros et, d'autre part, que les conclusions incidentes présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais de l'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de M. B... sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.

Le rapporteur

O. C...Le président

O. GASPON

La greffière

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT00070 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00070
Date de la décision : 23/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCPA GOTTLICH LAFFON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-23;19nt00070 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award